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Du public au privé : l’expert de la filière batterie du Québec passe à GM

« Nous ne savons pas comment cet individu entend respecter [le code d'éthique] une fois qu’il sera à GM, mais la question se pose », nous disent des experts.

Un logo de société d'État

Siège social d'Investissement Québec.

Photo : Investissement Québec

Pour son retour au Québec après plus de 20 ans d’absence, le géant General Motors (GM) pourra compter sur l’expert de la filière batterie du gouvernement du Québec, Simon Thibault, qui a annoncé son départ d’Investissement Québec (IQ) il y a quelques jours, a appris Radio-Canada.

Sur le réseau social LinkedIn, le directeur principal du développement de la batterie au bras financier du gouvernement, qui travaille depuis dix ans dans ce secteur, a souligné avoir maintenant un nouveau rôle à jouer, rôle qui sera annoncé officiellement dans les prochains jours.

Mais selon des sources consultées par Radio-Canada, M. Thibault passera du public au privé et travaillera pour GM, qui avait annoncé il y a un an l’implantation de sa nouvelle usine à Bécancour, un projet de 500 millions de dollars qui comptera sur l’aide du gouvernement.

Pour ses installations au Québec, GM – qui a fondé une coentreprise avec Posco –, fabriquera des matériaux actifs de cathodes qui servent aux batteries électriques.

Respecter le code d’éthique

Joint par Radio-Canada, le principal intéressé n’a pas confirmé l’information. Pour cette histoire avec GM, je vous laisse aller avec cela. Je n’ai aucune idée d’où ça sort, a souligné M. Thibault.

Un homme aux yeux bleus.

Simon Thibault a occupé le poste de directeur de la filière batterie chez Investissement Québec.

Photo : Investissement Québec

Mais ce dernier assure qu’il respectera le code d’éthique et les ententes signées qui l’empêchent de transmettre des informations stratégiques obtenues lors de son passage à Investissement Québec au bénéfice de son prochain employeur, quel qu’il soit.

« Investissement Québec est une organisation extrêmement responsable. Il y a des codes d’éthique, des ententes de confidentialité, il y a plusieurs choses, un paquet de procédures, d’ententes contractuelles que j’ai signées pour m'empêcher de faire quoi que ce soit. Je ne vois absolument aucun risque à ce niveau-là. »

— Une citation de  Simon Thibault

IQ n’a pas voulu confirmer le passage de leur joueur vedette dans le camp de GM.

Nous laisserons à M. Thibault le soin de confirmer les projets professionnels qui l’occuperont pour la suite des choses, a souligné la porte-parole Isabelle Fontaine, dans un échange de courriels avec Radio-Canada.

Mais IQ confirme qu’il est lié par le secret professionnel et qu’il a signé des ententes de confidentialité.

M. Thibault est assujetti au code d’éthique de la société d’État qui requiert que les employés ne doivent utiliser les renseignements, les informations et les documents contenus dans les dossiers de la société que pour accomplir leurs tâches et ne peuvent en communiquer le contenu à des personnes de l’externe. Cette obligation s’applique également une fois que l’employé a quitté la société. Ces règles lui ont d’ailleurs été rappelées, a poursuivi Mme Fontaine.

M. Thibault devra aussi se conformer aux règles d’après-mandat auxquelles les titulaires de charges publiques sont soumis, rappelle IQ.

Ces règles affirment qu’un titulaire ne peut sans limite de temps, divulguer des renseignements confidentiels et donner des conseils fondés sur des renseignements non accessibles au public et obtenus dans le cadre [sa] fonction antérieure. Le titulaire ne peut non plus tirer un avantage indu de la charge qu’il a occupée entièrement.

Les experts s’interrogent

Des experts interrogés par Radio-Canada ont soulevé plusieurs questions face à ce passage d’un haut fonctionnaire du public au privé.

Je ne sais pas comment cet individu entend respecter ces interdictions une fois qu’il sera chez GM, mais la question se pose, a souligné par courriel Denis Saint-Martin, professeur titulaire au Département de science politique à l’Université de Montréal.

Selon Philippe Dubois, professeur en communication publique et politique à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP), ces portes tournantes entre le public au privé semblent être devenues monnaie courante lors des dernières années.

Ça soulève des questions, un enjeu de perception par rapport à ce qu’il va advenir des informations qui viennent du secteur public par le secteur privé. On sent aussi une proximité de ce gouvernement avec le privé. Une proximité qui peut être inquiétante, car au final, les fonctionnaires, les cadres de l'État sont là pour le bien commun, pense M. Dubois.

Selon le professeur Michel Séguin, ce type de transfert incite à s'interroger surtout sur la question de la concurrence.

Il y a un enjeu. Moi si j'étais GM, j’ai l’impression que l’avantage que j’aurais d’avoir M. Thibault est au niveau de l’information qu’il peut détenir sur d’autres clients qui sont en compétition avec eux dans le secteur de la batterie. Je pense que ça peut poser problème, a-t-il souligné en entrevue.

Selon une source, M. Thibault n’était toutefois pas le principal interlocuteur des grandes entreprises comme GM. C’est davantage Hubert Bolduc [président d’Investissement Québec International] ou Daniel Silverman [vice-président des Investissements étrangers] qui étaient impliqués.

De l’argent public pour GM

Selon nos informations, le départ de M. Thibault vers GM a créé tout un malaise chez IQ. Je sais que oui, ça fait jaser certains à l’interne, a souligné une source.

L’ancien directeur de la filière batterie pourrait annoncer son nouvel employeur lors des prochains jours.

Ce départ survient au moment où GM s’attend à recevoir une aide du gouvernement du Québec qui tente d’attirer de gros joueurs pour sa filière batterie, un secteur phare de son intervention économique.

Lors de l’annonce en mars 2022, ni Québec ni Ottawa n’avaient voulu détailler l’ampleur des subventions ou prêts accordés au géant américain.

Questionné par Radio-Canada, IQ n’a pas donné plus de détails.

La société d’État ne discute pas publiquement des pourparlers qu’il a, ou pourrait avoir, avec des promoteurs de projet, ou encore de ses intentions de financer des projets, le cas échéant.

Au Journal de Montréal, IQ n’avait pas souhaité détailler les conditions de rémunération de M. Thibault et avait affirmé qu’il ne recevra aucune indemnité de départ.

Le cabinet du ministre de l'Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, n’a pas voulu faire de commentaire.

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