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Violences sexuelles à l’U de M : des étudiants peu surpris par leur ampleur

Selon une enquête, au moins 41 % des membres de l'Université de Moncton ont été victimes d'une forme de violence sexuelle.

Un homme passe en courant devant l'enseigne du campus de Moncton.

Le campus de Moncton de l'Université de Moncton le 19 octobre 2020.

Photo : Radio-Canada / Guy LeBlanc

Radio-Canada

Des étudiants de l’Université de Moncton s’avouent peu étonnés des premiers résultats d’une enquête sur les violences sexuelles sur le campus.

Celle-ci révèle qu’au moins 41 % des étudiants, employés et enseignants de l'Université de Moncton rapportent avoir subi au moins un incident de violence sexuelle — harcèlement sexuel, comportements sexuels non désirés ou coercition sexuelle — depuis leur arrivée à cette université.

Portrait incomplet

Plusieurs étudiants rencontrés sur le campus de Moncton jeudi ont dit soupçonner que la réalité est plus sérieuse que ce que ces quelques statistiques tendent à indiquer.

C'est un gros nombre. Il y a beaucoup de monde qui disent rien des fois. Le nombre est peut-être plus élevé qu'on pense, avance Joannie Levesque.

C'est un peu dommage de le dire comme ça, mais je ne suis pas vraiment surprise, confie Josiane Benoit. Je me serais même attendue à plus.

Josiane Benoit debout à l'extérieur en hiver, coiffée d'une tuque. Derrière elle, les lettres FÉÉCUM apparaissent dans les fenêtres d'un établissement.

Josiane Benoit

Photo : Radio-Canada

Il y a un plus gros chiffre que ça, c'est juste qu'on ne connaît pas toutes les expériences de tout le monde, dit-elle. C'est difficile souvent de parler de ces genres de situations. Il y a beaucoup de victimes qui vont sentir de la honte, ou c'est quelque chose de trop traumatisant pour en parler, donc ils vont garder ça pour eux.

Peu de dénonciations

On remarque par ailleurs dans les données de l’enquête que ces incidents sont rarement signalés. Parmi celles et ceux ayant dit avoir vécu un incident de violence sexuelle, seulement 27 % l'ont dénoncé à une personne affiliée à l'université, et à peine 1 % se sont adressés à la police.

Des étudiantes croisées jeudi ont dit être au courant que certaines ressources existaient, mais peu étaient en mesure de dire exactement comment elles pouvaient leur être utiles.

Je sais qu'il y a quelque chose dans notre plan de cours. On en parle à chaque début [de session], remarque Joannie Levesque, mais je ne sais pas à quel niveau et si ça marche vraiment.

Joannie Levesque debout à l'extérieur devant un bâtiment. Elle a des écouteurs roses autour du cou.

Joannie Levesque

Photo : Radio-Canada

Je pense que comme ressources, au niveau psychologie et tout ça, il y a une clinique. C'est assez accessible. Peut-être qu'il pourrait avoir plus de publicité ou que ça pourrait être plus annoncé, souligne Josiane Benoit.

Ils le mettent dans le plan de cours, ils mettent les ressources, dit Rebecca Charman, mais ils survolent [...], il devrait y avoir plus de discussion.

Des outils qui n'inspireraient pas confiance

Hélène Albert, présidente de l'Association des bibliothécaires, professeures et professeurs de l'Université de Moncton (ABPPUM), est d’accord pour dire que les protocoles en cas de violence sexuelle sont méconnus au sein de l’institution, tant pour les employés que chez les étudiants.

Il n'y a pas suffisamment, à mon humble avis, de prévention et il n'y a pas non plus une bonne connaissance de nos politiques et une bonne application des processus de plainte. Ce qui fait en sorte que les personnes victimes n'osent probablement pas porter plainte, parce qu'elles n'ont pas confiance dans le processus, surtout par la lourdeur de ce processus et par la durée, a-t-elle dit lors d’une entrevue au Téléjournal Acadie, jeudi.

Justement, lorsque les cinq chercheuses de l'Université de Moncton ont demandé, dans leur questionnaire en ligne, la raison pour laquelle les personnes se disant victimes de violence sexuelle n'avaient pas dénoncé ces situations, on leur a répondu que l’on n’avait pas confiance en l’université, que l’on craignait de ne pas être pris au sérieux, que l’on ne savait pas à qui s’adresser ou que l’on trouvait la démarche trop laborieuse.

Hélène Albert parle durant une entrevue télévisée. Elle est debout devant un fond bleu.

Hélène Albert en entrevue au Téléjournal Acadie, jeudi.

Photo : Radio-Canada

Il faut que la politique soit connue et il faut que les gens comprennent, quand on parle de violence à caractère sexuel, on réfère à quoi, déclare Hélène Albert. Il peut y avoir une mécompréhension de certains gestes qui sont peut-être banalisés pour certains, alors qu'ils ne sont pas du tout banals.

La raison donnée le plus fréquemment (à 60 %) pour expliquer pourquoi on n’avait pas dénoncé les gestes de violence sexuelle était : Je croyais que la situation n'était pas assez grave pour la signaler.

À titre d'exemple, pensez à des capsules vidéo éducatives obligatoires pour l'ensemble de la communauté universitaire, poursuit Hélène Albert. Ça ne règle pas tout, mais au moins ça fait en sorte qu'on parle le même langage, qu'on a une compréhension commune de ce à quoi ça réfère. Et qu'on a une meilleure connaissance de la politique et de son application.

Dans un courriel à Radio-Canada mercredi, le recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, Denis Prud’homme, a justement indiqué qu’un comité révise en ce moment la politique de l’institution face à la violence à caractère sexuel, afin de la mettre à jour. Une version révisée de la politique sera bientôt déposée, écrit-il.

Denis Prud'homme en entrevue.

Denis Prud'homme, recteur et vice-chancelier de l'Université de Moncton, explique que la politique de l'établissement est en train d'être révisée.

Photo : Radio-Canada

En attendant, des actions en apparence simples pourrait être posées immédiatement pour prévenir certains actes sur le campus, observe l’étudiante Josiane Benoit.

Par exemple, il y a un sentier là-bas qui est reconnu pour être, désolée du terme, la rape trail [le sentier du viol, NDLR]. Parce qu'ils ont enlevé les éclairages qu'il y a sur ce sentier-là et souvent, le soir, quand les gens vont marcher à leurs appartements [...] il y a beaucoup d'événements qui peuvent se passer [...] sur tous les sentiers aussi, mais c'est de celui-là dont j'entends parler le plus, a-t-elle souligné.

C'est un problème social

L’enquête sur les violences sexuelles en milieu universitaire a été menée d’octobre 2021 à février 2022. Sur les trois campus de l'Université de Moncton, 285 personnes ont répondu à un questionnaire en ligne.

Les résultats préliminaires de cette enquête seront dévoilés à l'ensemble de la communauté universitaire vendredi.

Une enquête semblable avait été menée en 2016 dans sept universités et cinq cégeps du Québec, et les résultats étaient comparables à ceux obtenus à l'Université de Moncton.

Le problème déborde des milieux universitaires, c'est un problème social, a dit Hélène Albert au Téléjournal Acadie, jeudi. La situation nous incombe de voir vraiment à ce que ces nombres-là disparaissent, ou sinon diminuent de façon significative.

Avec les renseignements de Sarah Déry et de Karine Godin

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