Nodule au poumon : elle ne peut se faire opérer dans les délais espérés et porte plainte

Joyce Ledoux a déposé une plainte en bonne et due forme au Bureau du commissaire aux plaintes du CIUSSS afin de dénoncer l'attente pour une chirurgie.
Photo : Radio-Canada / Marie-Hélène Rousseau
Une Sherbrookoise en attente d'une opération chirurgicale pour opérer un nodule inquiétant au poumon porte plainte contre le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l'Estrie - CHUS. Joyce Ledoux, 67 ans, dénonce les délais auxquels elle fait face.
Plus tôt ce mois-ci, un test a démontré qu'elle avait un nodule de 11 millimètres au poumon droit. Tout porte à croire qu'il s'agirait d'un cancer.
Mme Ledoux affirme que le chirurgien la classe comme un cas prioritaire, mais qu'il ne peut l'opérer avant six à huit semaines. Toujours selon Mme Ledoux, la raison donnée par le chirurgien est le manque d'accès aux salles d'opération et de personnel spécialisé.
Elle serait 16e sur la liste d'attente pour ce type d'intervention urgente. Elle vit dans l’angoisse depuis des semaines.
[Le chirurgien] m’a dit: "si on ne fait rien, actuellement, votre durée de vie est de deux ans"
, raconte-t-elle.
« Ça ne se peut pas, c’est inacceptable, parce que c’est ma vie qui [est en jeu]. Ça m'a jetée à terre. »
Mme Ledoux a déposé une plainte en bonne et due forme au Bureau du commissaire aux plaintes du CIUSSS
pour dénoncer la situation.Cette plainte vise l'administration pour son irresponsable inaction à pourvoir aux chirurgiens l’accès aux salles d’opération et du personnel spécialisé requis pour les assister
, peut-on lire dans le document dont Radio-Canada a obtenu copie.
C'est inconcevable, il faut absolument qu’ils amènent un changement. C’est mal géré, ça ne marche pas
, lance Joyce Ledoux.
« C’est un droit qu’on a d’avoir des soins. Je le réclame. »
Venez nous aider à Fleurimont, s'il vous plaît,
implore-t-elle au ministère de la Santé.
Des chirurgiens dénoncent le manque de ressources
Le chirurgien Julius Poon voudrait bien traiter Mme Ledoux plus rapidement, mais il confirme que l'accès au bloc d'opératoire est limité en raison du manque de personnel.
Si on attrape le cancer à temps, le pronostic n'est pas si pire, mais ça diminue rapidement,
met en garde le chirurgien.
« Le risque de progression, certainement, ça va baisser son espérance de vie. Le cancer du poumon est le cancer qui est le plus mortel et le plus agressif. »
Le directeur du service de chirurgie thoracique, Marco Sirois, considère la situation inquiétante. Ça a été coupé radicalement de 50 %, l'accès au bloc opération, donc on peut opérer 50 % moins de patients. Ce qui devait arriver arriva. Et là, les patients, c'est une crise,
expose le chirurgien thoracique.
« Je suis juste un peu exaspéré, parce que nous autres, notre travail, c'est d'opérer les gens, mais on ne nous donne pas les outils pour le faire. »
On a mentionné ça il y a trois semaines et il n'y a eu aucune réponse,
déplore Marco Sirois.
CIUSSS en pénurie de main-d'œuvre
Le directeur des services professionnels par intérim au CIUSSScette dame et je compatis avec tous les autres [patients]
.
Mario Viens dit que le CIUSSS
travaille fort pour prioriser ces patients. Il assure que tout est mis en œuvre pour limiter les délais. La priorisation des patients sur la liste d'attente est revue quotidiennement.On ne fonctionne pas à 100 % de notre capacité depuis la fin de la pandémie
, ajoute le directeur.
« Demain matin, vous me donnez 20 salles de plus, je ne peux pas faire grand-chose avec... Ça nous prend la main-d'œuvre et on ne l'a pas, cette main-d'œuvre. »
Lorsque les opérations chirurgicales ne peuvent être effectuées dans des délais acceptables, des solutions peuvent être envisagées. On peut regarder si ces patients pourraient être intéressés à être opérés ailleurs dans d'autres régions
, met-il de l’avant.
Le cabinet du ministre de la Santé réagit
Le ministre de la Santé n’était pas disponible pour répondre aux questions de Radio-Canada jeudi. Par courriel, le cabinet du ministre indique cependant être très sensible au témoignage rapporté
.
« C’est certain que nous n’aimons pas des situations comme celle-ci. Nous devons améliorer l’accès à des soins de qualité pour tous les Québécois. »
Le ministre a demandé qu’on se concentre en priorité sur les chirurgies oncologiques et sur celles dont les patients attendent plus d’un an
, peut-on lire dans le courriel.
Le cabinet rappelle que des investissements supplémentaires de 700 millions $ ont été annoncés dans le budget pour accélérer le rattrapage des opérations.
Un problème qui ne date pas d’hier
De passage au Téléjournal Estrie, le président du Conseil pour la protection des malades, Me Paul Brunet, estime qu’il y a un gros problème de listes d’attente
pour obtenir des opérations chirurgicales au Québec.
On a affaire à une personne atteinte du cancer. Il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas obtenir dans les délais une opération qui est extrêmement importante pour la suite des choses, pour la survie même de la patiente. C'est arrivé, malheureusement, que des patients soient morts sur la liste d'attente. Mais rappelons-nous que dans les années 90, madame [Pauline] Marois, alors ministre de la Santé, avait envoyé des gens pour des traitements pour le cancer aux États-Unis. [...] Est-ce qu'on a tout fait ce qui est possible?
, demande-t-il.
« On a affaire à quelqu'un qui pourrait mourir si on ne s'occupe pas de la personne, si on ne lui fait pas prodiguer les soins dont elle a besoin maintenant. J'espère qu'on va user de toutes les initiatives possibles et qu'on va trouver des solutions. On en a trouvé à l'époque, pourquoi on n’est pas capable d'en trouver aujourd'hui? »
Selon lui, les problèmes du réseau de la santé vont bien au-delà de la pandémie.
Ça fait 25 ans que je suis porte-parole. Ça fait 50 ans l'année prochaine que notre organisme, le Conseil pour la protection des malades, existe. Je suis encore à me battre pour que les gens reçoivent les soins dont ils ont besoin au bon moment. Ce n’est pas parce qu'on ne dépense pas beaucoup. On dépense des fortunes au Québec. Qu'est-ce qui fait que ça ne marche pas?
, déplore-t-il.
Avec les informations de Marie-Hélène Rousseau