Le restaurant Le 9e de l’ancien magasin Eaton, à Montréal, rouvrira ses portes

Le restaurant l'Île-de-France au 9e étage du Centre Eaton. L'endroit devrait rouvrir ses portes après un quart de siècle de fermeture et d'importantes rénovations.
Photo : Courtoisie / Centre Eaton de Montréal
Fermé depuis près d'un quart de siècle, le célèbre restaurant Le 9e, situé au neuvième étage de l'ancien magasin Eaton du centre-ville de Montréal, renaîtra à la fin de 2023.
Ivanhoé Cambridge, propriétaire de l'édifice depuis plus de deux décennies, annonce avoir enfin trouvé un exploitant qui redonnera vie à ce lieu emblématique montréalais, chef-d'oeuvre d'architecture art déco.
C'est un espace qui va être flexible
, explique Annik Desmarteau, vice-présidente, bureaux, Québec, d'Ivanhoé Cambridge. Il va y avoir plusieurs choses qui vont être possibles dans cet espace-là. Oui, il va y avoir de la restauration, oui, de l'événementiel, toutes sortes de choses; dans le fond, on est encore en train de définir ça avec l'opérateur.
Ouvert au début de 1931, le restaurant Le 9e a accueilli des générations de clients pendant près de 70 ans. Des gens d'affaires du centre-ville, mais aussi de nombreuses femmes, francophones et anglophones, s'y retrouvaient à l'occasion de séances de magasinage.
L'immense restaurant avait une capacité d'environ 500 personnes. Sa cuisine préparait les repas des clients en plus de ceux de la cafétéria des employés, ainsi que la nourriture vendue dans le magasin.
Cet établissement emblématique du centre-ville a fermé ses portes à l'automne 1999, dans la foulée de la faillite de la chaîne de magasins Eaton.
S'il a fallu tout ce temps pour annoncer une réouverture, c'est qu'Ivanhoé Cambridge a cherché un partenaire idéal. On a dû attendre de trouver la bonne formule
, indique Mme Desmarteau. C'est un locataire qui va s'installer et il faut s'assurer qu'il va respecter, tout au long du bail, tous les critères au niveau du patrimoine. Ce n'est pas simple, on ne peut pas trouver quelqu'un qui n'a pas les reins solides et qui n'a pas un intérêt à coeur pour cet espace-là.
Inspiré des salles à manger des paquebots transatlantiques
C'est Lady Eaton, la veuve de l'héritier de l'entreprise, qui avait été chargée de la réalisation du restaurant. Elle en avait confié la conception à l'architecte français Jacques Carlu, qui travaillait alors aux États-Unis. C'est aussi Jacques Carlu qui réalisa le salon de thé du magasin Eaton de Toronto, en plus du palais de Chaillot de Paris, à l'occasion de l'Exposition universelle de 1937.
Carlu s'inspira, pour la conception du restaurant du neuvième étage, des grandes salles à manger des paquebots transatlantiques, qui marquaient l'imaginaire des voyageurs à cette époque. On dit qu'il s'inspira en particulier de celle de l'Île-de-France, un navire construit en 1927.
Les grandes fenêtres du foyer donnaient vue sur le port de Montréal
, note d'ailleurs Georges Drolet, architecte et directeur associé principal de la firme EVOQ Architecture, chargée du projet de restauration des lieux.
Mais si le courant art déco est bien visible au 9e, cette oeuvre est particulièrement originale, explique Georges Drolet. Carlu a su faire le pont entre une tradition française assez classique, qui évoque le luxe à la française et à l'européenne, et une sorte d'avant-garde plus cosmopolite liée à l'avant-garde allemande et américaine. Donc, on a dans ce lieu-là une combinaison des deux qui est vraiment unique
.
Par exemple, la symétrie de la salle à manger renvoie au volume classique d'une basilique, tandis que le plancher de Ruboleum, un matériau industriel, présente une mosaïque d'inspiration cubiste qui rappelle les tapis de l’époque réalisés par des peintres comme Sonia Delaunay ou Fernand Léger
, explique Georges Drolet, qui est aussi historien de l'architecture.
Un intérieur classé pour son patrimoine
Peu après la fermeture de l'établissement, l'intérieur du restaurant a été classé immeuble patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications.
Le 9e, c'est presque un canon de l'art déco
, indique Dinu Bumbaru, directeur des politiques d'Héritage Montréal. L'organisme, qui avait demandé ce classement, souhaite que l'intégrité du lieu soit respectée et que le public puisse en profiter. Il faudrait trouver une façon que ce ne soit pas un espace qui soit interdit
, croit M. Bumbaru.
D'importants travaux de restauration et de mise aux normes ont déjà commencé au dernier étage de l'ancien magasin Eaton.
La première étape a consisté à repérer, à l'aide de photographies d'époque, tous les détails qui avaient changé au fil des décennies. Chacun des éléments du décor : les luminaires, les éléments de plâtre, de marbre, de tissu
, énumère Georges Drolet.
Des analyses ont été menées pour tenter de retrouver les couleurs de peinture d'origine qui ornaient les murs dans les années 1930. Certains matériaux utilisés à l'époque devront toutefois être remplacés s'ils sont manquants ou endommagés. C'est le cas du monel, le matériau iconique de cette période-là
, explique M. Drolet. Cet alliage métallique, que l'on retrouve sur les portes et les mains courantes, n'est plus disponible aujourd'hui et devra être remplacé par de l'acier inoxydable.
La rue Sainte-Catherine a bien changé
Le restaurant Le 9e, qui rouvrira à la fin de 2023, ne sera toutefois pas le même établissement qu'ont connu des générations de Montréalais et de touristes.
La Belle au bois dormant va se réveiller dans un nouveau monde
, dit Georges Drolet. Son environnement a beaucoup changé et la clientèle aussi. Il y avait toute une machine autour du restaurant, qui générait de l'affluence
, explique-t-il. Il faut vraiment, pour redonner vie à ce lieu-là tout en respectant son caractère, trouver la [bonne] formule.