Enfants à besoins particuliers : l’opposition outrée par les propos de la ministre Roy
La classe politique appuie l'appel des parents et des CPE qui réclament plus d'aide financière afin d'éviter que des enfants à besoins particuliers se voient refuser les services dont ils ont besoin en garderie.

Suzanne Roy, ministre québécoise de la Famille
Photo : Radio-Canada
L'affirmation de la ministre Suzanne Roy voulant que la difficulté pour les garderies d'accueillir des enfants à besoins particuliers ne soit pas une question d'argent, mais de délais d'attente, a fait fortement réagir, jeudi, les partis d'opposition et les intervenants ayant participé à la production de rapports remis au ministère de la Famille.
Radio-Canada a révélé que des gestionnaires de CPE du réseau de la petite enfance réclament des changements majeurs dans l'aide d'appoint visant à intégrer les enfants à besoins particuliers, comme ceux atteints d'un trouble du spectre de l'autisme (TSA). , des parents et des employés
Suzanne Roy a affirmé jeudi, en marge d'une réunion du caucus de la CAQinsatisfactions
sont liées aux délais d'octroi de l'argent.
On regarde comment on peut aller plus rapidement
, a indiqué la ministre.
En 2022, les services de garde ont obtenu seulement la moitié des heures de mesure exceptionnelle de soutien
demandées. Cette aide financière permet d'offrir à un enfant du un pour un
, c'est-à-dire une éducatrice attitrée. Cela est nécessaire lorsqu'un enfant a, par exemple, des comportements dangereux pour lui-même ou pour les autres.
Tant la lourdeur administrative que l'insuffisance de fonds sont montrées du doigt dans trois rapports récemment transmis au ministère de la Famille, dont Radio-Canada a obtenu copie.
Ceux-ci s'ajoutent à d'autres rapports allant dans le même sens, dont celui réalisé par la firme Raymond Chabot Grant Thornton en 2021 et commandé par le gouvernement Legault.
Pour l'instant, aucune mesure, ni dans le budget déposé mardi ni dans une réforme ministérielle en cours, ne prévoit répondre aux demandes des services de garde à cet effet.
Quand la ministre dit que l'argent est au rendez-vous, elle est complètement déconnectée
, a lancé la députée libérale Jennifer Maccarone. Cette mère de deux enfants autistes tente, depuis 2018, d'améliorer l'accès des enfants à besoins particuliers aux garderies, car elle a elle-même subi des refus.
« C'est le parcours du combattant. Quand les garderies refusent les familles, on appauvrit leur santé mentale, leurs finances. C'est très difficile. »
Il manque d'argent pour prendre soin de ces enfants-là et je trouve ça inacceptable
, a pour sa part affirmé le porte-parole de Québec solidaire pour la famille, Sol Zanetti.
Le ministre des Finances a dit cette semaine que les missions essentielles de l'État sont assurées. On voit que ce n'est pas vrai!
, s'est insurgé l'élu de la région de Québec.
Le Parti québécois est d'avis qu'il est impératif que le ministère bonifie l'aide financière accordée aux garderies et veille à ce qu'elle soit représentative des diagnostics rendus par des professionnels de la santé.
Comme le rapportait Radio-Canada, les garderies font leurs demandes en fonction de recommandations de professionnels comme des psychologues ou des physiothérapeutes.
Or, des comités consultatifs indépendants passent en revue ces demandes et décident du montant d'argent qui sera octroyé à chaque service de garde, en vertu d'une grille de points actuellement contestée dans le milieu de la petite enfance.
Le porte-parole péquiste pour la famille, Joël Arseneau, dénonce une aide nettement insuffisante
pour les enfants ayant de grands besoins
.
Le Parti québécois demande aussi au gouvernement de cesser de s’enfoncer vers une centralisation des listes d’attente
, en référence aux futures politiques d'admission prévues pour 2024.
Le cabinet du ministère de la Famille a fait valoir jeudi que les investissements visant les mesures d'appoint pour les enfants à besoins particuliers ont augmenté massivement sous le gouvernement caquiste.
Mesure exceptionnelle d'urgence (MES)
- 2017-2018 : 4,6 M$
- 2022-2023 : 25 M$ *montant prévu
Une crise sans précédent
Les trois centrales syndicales ayant participé aux comités consultatifs dénoncent la réaction de la ministre Suzanne Roy selon laquelle l'argent est au rendez-vous
. Elles représentent des dizaines de milliers d'employés dans le réseau de la petite enfance.
Selon le Syndicat québécois des employées et employés de service (SQEES-FTQ), un manque de financement chronique touche les enfants les plus vulnérables. Vu l’épuisement des organismes et des travailleuses qui œuvrent dans ce domaine, le syndicat évoque une crise sans précédent qui prive les enfants aux besoins particuliers d’un soutien essentiel
.
Le SQEES-FTQ
déplore également que le gouvernement caquiste se soit tourné vers une firme privée pour obtenir conseil.« C’est complètement aberrant que le ministère de la Famille ait commandé un rapport à une firme externe qui a coûté 85 000 $ aux contribuables, alors que les solutions, ce sont les éducatrices qui les ont. Nous avons travaillé fort à la table de consultation pour en arriver à des recommandations somme toute semblables, mais plus détaillées et à coût nul. »
Malgré l’urgence de la situation, le SQEES-FTQn’ait pas augmenté d’un cent
l’aide aux enfants à besoins particuliers dans le budget 2023-2024.
En refusant d’augmenter le budget alloué aux centres de la petite enfance pour les enfants à besoins particuliers, le gouvernement joue à la roulette russe avec l’avenir de nos enfants les plus vulnérables
, a insisté Mme St-Pierre.
Qualifiant de préoccupants
les témoignages livrés à Radio-Canada, la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ) se dit également déçue de l’absence de somme additionnelle dans le budget déposé mardi.
Les ressources financières et humaines doivent être suffisantes pour accompagner tous ces enfants, et ce, sans se faire aux dépens de la santé des intervenantes dans le réseau de la petite enfance, qui vit déjà une surcharge de travail
, a déclaré Valérie Grenon, présidente de la FIPEQ.
Même son de cloche à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).
« Les démarches administratives pour bénéficier des allocations sont fastidieuses et les heures allouées sont inadaptées. »
Sur le terrain, les CPE font face à des moyens insuffisants pour offrir ce service de soutien. Dans la situation actuelle, on ne voit pas comment on peut espérer accueillir encore plus d’enfants à besoins particuliers
, a fait savoir Stéphanie Vachon, représentante du secteur des CPE à la FSSS-CSN.
Le syndicat estime qu'il y a urgence d'agir au nom de milliers d'enfants et de travailleuses à bout de souffle
.
Nous attendons des réponses et des changements significatifs
, a ajouté Stéphanie Vachon.