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Vers un autre effondrement des stocks de poissons pélagiques?

Tout porte à croire que le moratoire sur la pêche commerciale au maquereau bleu et au hareng de printemps sera reconduit cette année. Leurs stocks sont au plus bas et les espoirs de rétablissement sont incertains.

Un pêcheur sur un bateau qui ramasse des poissons.

Tout porte à croire que le moratoire sur la pêche commerciale au maquereau bleu et au hareng de printemps sera reconduit cette année.

Photo : La Presse canadienne / Robert F. Bukaty

Il y a un an, Pêches et Océans fermait la pêche commerciale au maquereau et au hareng de printemps. Quelques mois plus tard, Ottawa réduisait de 17 % le quota du hareng d’automne dans le sud du golfe. Près de 200 pêcheurs des provinces des Maritimes et du Québec sont concernés par la réduction de quotas pour le hareng d’automne.

Plusieurs de ces espèces pélagiques sont à la croisée des chemins, selon les biologistes de Pêches et Océans Canada.

Nicolas Rolland, chef de section des poissons et mammifères marins, région du golfe, à Pêches et Océans.

Nicolas Rolland, chef de section des poissons et mammifères marins, région du golfe, à Pêches et Océans

Photo : Radio-Canada

Nos espèces d’eau froide qu’on a connues pendant des décennies au niveau du sud du golfe, ce sont elles qui sont le plus impactées et les changements environnementaux font en sorte que la probabilité de les voir se rétablir est de plus en plus mince avec le temps, indique Nicolas Rolland, chef de section des poissons et mammifères marins, région du golfe.

Le 23 février, Pêches et Océans ordonnait cette fois la fermeture de la pêche commerciale à la plie rouge et à la limande à queue jaune dans le golfe du Saint-Laurent en raison de la baisse jugée critique des stocks et qu’aucun signe de rétablissement n'a été observé lors des évaluations scientifiques les plus récentes, peut-on lire dans l’avis aux pêcheurs.

Un casier avec des appâts à l'intérieur.

Les homardiers utilisent des poissons comme appâts, parmi lesquels le hareng et le maquereau, mais aussi la limande à queue jaune et la plie rouge. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Des stocks qui continuent de décliner

Du côté du maquereau, après un an de moratoire, la population continue de décliner.

Les biologistes de Pêches et Océans estiment que les stocks de maquereaux bleus pourraient prendre de sept à neuf ans avant de se reconstituer.

Elisabeth Van Beveren regarde vers sa droite.

La biologiste Elisabeth Van Beveren s'est exprimée à Halifax devant le comité consultatif du maquereau atlantique.

Photo : CBC / Robert Short

Ça va dépendre de l'arrivage des nouvelles cohortes de poissons dans le stock. Ça va dépendre aussi, dans le cas du maquereau, de la pêche qui va se faire aux États-Unis parce que le Canada n’est pas le seul pays qui pêche ce stock-là. Alors prenant en compte toutes ces incertitudes-là, il faut quand même être prudent. C'est dur de coller un chiffre précis là-dessus, mais nous estimons que ça va prendre plusieurs années, explique la chercheuse de l’Institut Maurice-Lamontagne, à Mont-Joli.

Selon Nicolas Rolland, les stocks seront à réévaluer tous les ans pour vérifier le rétablissement de l'espèce.

Pour le hareng de printemps, il faudra attendre au moins jusqu’à 2028 et que toutes les conditions soient favorables pour commencer à voir des signes positifs pour envisager le retour d’une certaine pêche commerciale, affirme Nicolas Roland.

Le bateau de Lauréat Lelièvre, photographié au coucher du soleil.

En Gaspésie, 22 pêcheurs se consacrent exclusivement à la pêche aux poissons pélagiques. Sur cette photo, on aperçoit le navire de Lauréat Lelièvre.

Photo : Gracieuseté de Lauréat Lelièvre

Mais ces conditions sont loin d’être réunies. Le stock est évalué aux deux ans et les prochains avis scientifiques seront dévoilés en 2024. Lors de la dernière évaluation, les projections montraient un taux de mortalité naturel élevé et ne démontraient pas nécessairement un changement dans la tendance du stock, c’est donc hautement improbable que le stock ait réussi à changer de direction dans laquelle il était, fait valoir Nicolas Rolland.

Des conditions environnementales défavorables

Selon lui, plusieurs changements environnementaux sont à l'œuvre à long terme : le réchauffement de l’eau et des changements dans l’abondance de la nourriture nécessaire pour les différents stades de la vie du hareng de printemps comme le zooplancton.

Vraiment, ces espèces ne sont plus présentes à cause de ces changements environnementaux, de l'augmentation de la température de l’eau, dit-il.

Un bac contenant des harengs est soulevé par un pêcheur.

Un bac contenant des harengs est soulevé par un pêcheur.

Photo : Getty Images / Joe Raedle

Le taux de fécondité des harengs adultes a aussi énormément diminué dernièrement.

« C’est vraiment cet ensemble [de facteurs] qui est très inquiétant au niveau du stock du hareng de printemps. »

— Une citation de  Nicolas Rolland, chef de section des poissons et mammifères marins, région du golfe, au MPO

Vers une fermeture de la pêche au hareng d'automne?

Les nouvelles ne sont pas meilleures du côté du hareng d’automne.

Le stock d’automne est, depuis les 10, 11 dernières années, dans une chute libre vers ce qu’on appelle une zone critique de la biomasse. Pour l’instant, il est dans la zone prudence très proche de la zone critique, indique Nicolas Rolland, chef de section des poissons et mammifères marins, région du golfe.

Selon lui, le scénario du hareng d’automne est semblable à celui du hareng de printemps avec une diminution importante des géniteurs, une augmentation de la température de l’eau et la raréfaction de la nourriture.

Des harengs dans une caisse sur le pont d'un bateau.

Le volume de harengs qui naissent au printemps dans le golfe du Saint-Laurent diminue depuis le début des années 1990.

Photo : Ministère des Pêches et des Océans du Canada

Là aussi, pas de décision cette année, alors que Pêches et Océans en est à compiler les données. Bien qu’il ne veut pas s’avancer sur les décisions de la ministre des Pêches d'interdire ou non la pêche commerciale au hareng d’automne, Nicolas Rolland fait valoir que si les conditions continuent à se détériorer et que le déclin du stock se poursuit, il y aura certainement des recommandations qui seront faites pour avoir un impact majeur au niveau de la réduction des prises.

Des usines pourraient fermer leurs portes

Ça va avoir un gros impact, on a une industrie qui existe depuis au-delà de 50 ans, puis si la pêche au hareng d’automne ferme, faudra peut-être regarder à transformer d’autres espèces pour pouvoir survivre. Le hareng d'automne est notre ressource principale, dit Mario Cormier, propriétaire des Pêcheries M & M, à Petit-Cap.

Portrait de Mario Cormier.

Le hareng alimente notamment les boucanières de Cap-Pelé. Ces usines doivent maintenant aller jusqu'en Islande pour importer le poisson.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe Hugues

La communauté de pêcheurs de Cap-Pelé, dans la municipalité de Cap-Acadie, au Nouveau-Brunswick, dépend du hareng d’automne. Mario Cormier emploie une quinzaine de personnes dans ses fumoirs. Cap-Pelé produit plus d'un million de boîtes de harengs par année qui sont exportées vers les Caraïbes et l’Afrique.

Si qu'ils ferment ça, il y a plusieurs usines qui vont fermer leurs portes, ça c’est certain, insiste Mario Cormier.

Un travailleur dans une usine de hareng fumé.

Environ 400 personnes travaillent dans les 20 boucanières de la région.

Photo : Radio-Canada

Un an après le moratoire du hareng de printemps et la baisse de quota pour l'automne, l’effet se fait ressentir sur l’approvisionnement. Il y a une baisse de production de 5 à 10 %, selon Mario Cormier, et les prix ont augmenté.

Le hareng de printemps est surtout pêché comme appât, contrairement au hareng d'automne, qui est traditionnellement utilisé dans les boucanières.

« On est toujours optimistes qu’il y a une lumière au bout du tunnel et que ça va revenir. »

— Une citation de  Mario Cormier, propriétaire des Pêcheries M & M, à Petit-Cap

Mario Cormier appuie les décisions de gestion de Pêches et Océans, mais estime que le fédéral est trop lent à prendre des décisions. Il croit que plus de financement devrait être accordé à la recherche et que des mesures devraient être prises pour protéger la ressource, comme limiter les troupeaux de phoques gris, un des prédateurs du hareng.

Selon l’Union des pêcheurs des Maritimes, qui représente 1300 membres en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, les fermetures successives et les baisses de quotas ont contribué à gonfler les prix de l’appât, passant en 2020 de 1,30 $ à 1,65 $ cette année pour le maquereau, une tendance que suivent aussi le hareng et la plie.

L’Union demande une levée partielle du moratoire pour venir en aide aux pêcheurs, une idée appuyée par le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes.

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