Budget : l’Ontario prévoit éliminer son déficit dès l’an prochain

Le ministre des Finances de l'Ontario, Peter Bethlenfalvy, prévoit que la province sortira du rouge dès l'an prochain.
Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui
Pas de baisse d'impôt pour les particuliers ou de chèques pour les parents afin de les aider à faire face à l'inflation : le gouvernement de Doug Ford met plutôt l'accent sur l'élimination du déficit dans son budget 2023, déposé jeudi, en plus d'investissements pour les entreprises.
La province prévoit un déficit de 1,3 milliard de dollars pour 2023-2024 et un surplus de 200 millions pour 2024-2025.
La plupart des mesures contenues dans le budget de 204,7 milliards avaient déjà été annoncées.
On y apprend toutefois que :
- Le gouvernement va élargir le Régime de revenu annuel garanti afin d’inclure 100 000 aînés démunis supplémentaires.
- Les pharmaciens pourront prescrire des médicaments pour plus d’affections, y compris l’acné, les aphtes buccaux et la nausée liée à la grossesse.
Faits saillants du budget
- Crédit d’impôt de 10 % (jusqu’à 2 M$/an) pour aider les fabricants à renouveler leur machinerie
- 3 M$ de plus pour les petites sociétés d’exploration minière
- Les pharmaciens pourront prescrire des médicaments pour une demi-douzaine d’affections de plus
- Bonification du Régime de revenu annuel garanti et indexation des prestations
- 72 M$ pour l’expansion des interventions chirurgicales en cliniques privées
- Maintien de la réduction de la taxe sur l’essence (-5,7 cents/l), mais jusqu’au 31 décembre seulement
- Coupe de 300 000 $ du budget du ministère des Affaires francophones
Le ministre des Finances Peter Bethlenfalvy se défend de ne pas venir en aide aux familles face à l'augmentation du coût de la vie.
« Nous comprenons les défis auxquels beaucoup de gens font face, mais nous n’avons pas attendu ce budget pour agir. »
Il cite entre autres la réduction de la taxe provinciale sur l’essence l’an dernier et l’augmentation du salaire minimum, en plus de l’indexation des prestations du Régime de revenu annuel garanti, contenue dans le budget.
C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire ontarienne que les dépenses dépassent la barre des 200 milliards.
Les dépenses pour les infrastructures au cours de la prochaine décennie, que ce soit pour les hôpitaux, les autoroutes ou les écoles, surpassent de près de 25 milliards les prévisions du budget 2022.
Il y a aussi 200 millions pour s'attaquer à la pénurie de personnel en santé.
Toutefois, pour la politologue Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa, les grands gagnants du budget 2023 sont les entreprises, qui reçoivent 8 milliards en aide. En contrepartie, il n’y a pas de chèque
ou de baisse d’impôt pour les familles, note-t-elle.
« Il n’y a rien, rien, rien [pour les Ontariens ordinaires]. »
Mme Tellier souligne que le gouvernement de François Legault, au Québec, a annoncé des baisses d’impôt dans son budget plus tôt cette semaine et que Doug Ford avait remis des chèques aux familles pendant la pandémie.
Fraîchement réélu l’été dernier, le premier ministre Ford n’a pas d’obligation d’offrir des bonbons aux électeurs, explique Mme Tellier. Il est fidèle, selon elle, à sa pensée politique qui a toujours été d’aider l’économie
pour qu’en retour les travailleurs en bénéficient.

Geneviève Tellier, politologue et professeure en études politiques à l'Université d'Ottawa.
Photo : Radio-Canada
Dépenses limitées et revenus en hausse
Afin de sortir du rouge trois ans plus tôt que prévu, les progressistes-conservateurs amputent les dépenses d’une dizaine de ministères - y compris le Travail et Immigration, Affaires municipales et Logement, Tourisme et Affaires francophones - et limitent à environ 7 % à 8 % l’augmentation des dépenses en santé et en éducation cette année (4 % pour les deux années subséquentes).
Le gouvernement tire aussi profit d’un bond de 20,6 milliards de dollars des revenus par rapport aux prévisions du dernier budget, entre autres à cause de l’inflation, de recettes plus élevées de l'impôt des entreprises et des particuliers et d'une hausse des transferts fédéraux.
La province prévoit un ralentissement de la croissance du PIB et une hausse de l’inflation d’ici 2026.
Les progressistes-conservateurs mettent de côté 1 milliard dans les réserves pour cette année, en plus d’un fonds de prévoyance de 3,9 milliards. Le gouvernement Ford se garde un fonds de réserve de 2 milliards pour l’an prochain et de 4 milliards pour 2025-2026, disant vouloir maintenir un plan budgétaire prudent et flexible qui peut répondre à une incertitude économique élevée
.
Pour la politologue Geneviève Tellier, il s’agit d’une prudence excessive
, alors que les factures d’épicerie et le coût du logement, notamment, sont très élevés.
Le gouvernement attribue la baisse du budget des Affaires francophones cette année à la disparition d'un financement ponctuel versé l'an dernier pour un programme visant les organisations désignées comme étant bilingues.
Aide pour les entreprises
Au cœur du budget 2023, un nouveau crédit d’impôt consacré aux sociétés pour l’achat de machinerie et de matériel et un allègement fiscal pour les PME.
- Grâce à ce nouveau crédit d’impôt annoncé mercredi, les entreprises pourront se faire rembourser 10 % de leurs dépenses pour de l’équipement, jusqu’à concurrence de 2 millions par année.
- La mesure devrait coûter 780 millions sur trois ans.
L’objectif, selon le gouvernement, est « d’aider les fabricants ontariens à réduire leurs coûts, à innover et à devenir plus concurrentiels ».
La province réduit par ailleurs le fardeau fiscal de milliers de PME.
- Dorénavant, les compagnies dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 50 millions, plutôt que 10 à 15 millions actuellement, seront admissibles au taux d’imposition de 3,2 % réservé aux petites entreprises.
- Selon le gouvernement Ford, environ 5500 PME se partageront ainsi 265 millions en allègement fiscal supplémentaire de 2022-2023 à 2025-2026.
Logement
Le premier ministre Ford a promis de construire 1,5 million de logements au cours de la prochaine décennie pour faire face à la pénurie actuelle.
Toutefois, dans le budget 2023, la province ne prévoit qu’environ 80 000 mises en chantier par année en 2023, 2024 et 2025.
La province explique que ces estimations du secteur privé ne tiennent pas compte des mesures que la province pourrait prendre pour accélérer la construction domiciliaire.
« Nous n’allons pas reculer, notre ambition de construire plus de logements dans la province demeure. »
Le budget ne prévoit pas d'aide financière supplémentaire pour les municipalités qui ont décrié les pertes de revenus appréhendées à cause de la baisse des frais imposés aux promoteurs immobiliers, une mesure demandée par la province pour promouvoir la construction domiciliaire.
Pas assez, selon l'opposition
La chef du NPD, Marit Stiles, accuse le gouvernement Ford de « rater la cible » dans le contexte économique actuel, qui est difficile pour nombre d'Ontariens.
« Les gens n'arrivent à pas à faire face au coût grandissant de l'épicerie, du logement et de l'essence. »
Selon Mme Stiles, le gouvernement aurait dû investir davantage dans le système de santé public, dans le logement abordable et en éducation, notamment.
Elle dénonce aussi la décision du premier ministre Ford de mettre fin au programme de congés de maladie payés établi durant la pandémie.
Inconnues
Combien coûtera le controversé projet de construction de la nouvelle autoroute 413 au nord-ouest de Toronto? Pour une deuxième année de suite, le budget ne contient pas de détails à ce sujet.
Durant la construction, l’autoroute 413 devrait soutenir jusqu’à 3500 emplois chaque année tandis que le PIB réel annuel généré pourrait atteindre 350 millions de dollars
, affirme le gouvernement dans le budget.
Le budget 2023 ne précise pas non plus l’emplacement du nouveau parc provincial promis par le gouvernement Ford dans le budget de l’an dernier.
La province dit que le projet est en cours de finalisation
. Ce nouveau parc offrira des installations et des activités récréatives quatre saisons, notamment la natation, la randonnée et le ski de fond, et ajoutera 250 terrains de camping au système de Parcs Ontario
, peut-on lire dans le budget.
Le coût du projet demeure également inconnu.