« Loi antipipeline » : les juges de la Cour suprême n’auront pas la tâche facile
Les juges de la Cour suprême sont en délibéré dans la cause qui oppose le gouvernement de l'Alberta et le gouvernement fédéral sur la Loi sur l'évaluation d'impact.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
La Cour suprême du Canada a terminé d’entendre les arguments dans la cause qui oppose le gouvernement de l’Alberta et le gouvernement fédéral dans le dossier de la Loi sur l’évaluation d’impact, surnommée « Loi antipipeline » par ses opposants. Les sept juges ont pris la décision en délibéré et selon Dwight Newman, un expert en droit constitutionnel, la complexité de la cause ne leur rendra pas la tâche facile.
C'est compliqué à cause du nombre de choses qui sont un peu incertaines envers le droit constitutionnel
, explique le professeur en droit de l’Université de la Saskatchewan et titulaire de la chaire de recherche canadienne des droits des autochtones en droit constitutionnel et international.
« Il faut décider certaines questions sur la méthodologie et la caractérisation des lois envers les limites de certains pouvoirs du gouvernement fédéral. »
Cette complexité pourrait mener à une décision divisée des sept juges qui ont entendu la cause, dit-il.
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Loi trop vague
La Cour suprême a entendu mercredi les argumentaires des procureurs généraux de l’Alberta, de l’Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan, ainsi que différents groupes d’intérêts comme l’Association canadienne des producteurs pétroliers (CAPP
) et l’Indian Resource Council (IRC ).Parmi les principaux arguments avancés par ceux qui s’opposent à la constitutionnalité de la Loi sur l’évaluation d’impact, il a surtout été question de l’inquiétude d’un manque de balise dans la loi quant aux types de projets auxquels elle s’appliquerait, mais aussi le pouvoir décisionnel du fédéral une fois l’évaluation effectuée.
Plusieurs termes de la loi comme l’intérêt public ou ce qu’est un effet négatif important portent à interprétation.
Le représentant légal d’Hydro-Québec a notamment fait remarquer que la loi pourrait être appliquée à des projets en vertu de leur superficie ou de leur puissance. Elle ne se ferait pas en fonction du fait qu’ils touchent des compétences fédérales ou non, selon l’article 22, ce qui vient à l’encontre de l’article 92 de la Loi constitutionnelle canadienne qui définit les champs de compétences provinciales et fédérales.
J’ai surnommé cette loi "on ne peut plus rien construire en Alberta sans l’approbation du fédéral"
, a commenté la première ministre albertaine, Danielle Smith, lors d’une présentation devant l’Association des municipalités rurales de l’Alberta mercredi.
« Ils ne nous laisseront pas construire une autoroute de plus de 75 km sans une évaluation d’impact environnemental fédéral. Ils ne nous laisseront pas construire une centrale de gaz naturel de plus de 200 mégawatts sans l’approbation du fédéral. »
Pour le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE
), la question ne se pose pas puisque la loi concerne l’évaluation d’impact et non la décision.On parle d’une évaluation environnementale, on ne parle pas nécessairement de venir créer des conditions ou des entraves ou des obstacles à des projets
, explique maître Marc Bishai du CQDE .
On est au stade initial de l’obtention d’information par chacun des ordres du gouvernement. Ensuite, il y aura une détermination à savoir si les compétences de ce palier de gouvernement sont effectivement touchées. Et dans ce cas-là, explique Marc Bishai, s’il faut imposer des conditions par exemple au projet ou non. Quand on se place au stade d'évaluation du projet, il est tout à fait normal que ce soit assez large les circonstances qui sont considérées comme étant importantes à considérer.
L’absence d’un cadre décisionnel précis, par exemple l'octroi ou non d’un permis, était d’ailleurs l’une des problématiques soulevées par le procureur général de l'Alberta, Bruce Mellett.