Le président de l’Ouganda appelé à rejeter une loi anti-LGBTQ

Le gouvernement ougandais est sous pression internationale après l'adoption par le Parlement du pays d'une loi prévoyant de lourdes peines de prison pour les personne issues de la communauté LGBTQ.
Photo : Radio-Canada / John Robertson
L'ONU, l'ONG Amnistie internationale, Washington et Londres ont demandé mercredi au président ougandais Yoweri Museveni de rejeter une loi contre l'homosexualité adoptée la veille par le Parlement en la critiquant vivement.
Le Parlement ougandais a voté mardi soir, lors d'une séance agitée, une loi qui prévoit de lourdes peines pour les personnes qui entretiennent des relations homosexuelles.
Les députés ont considérablement amendé le texte initial qui prévoyait jusqu'à 10 ans de prison pour toute personne se livrant à des actes homosexuels ou se revendiquant comme LGBTQ+ dans un pays où l'homosexualité était déjà illégale.
L'étendue des nouvelles peines prévues par la loi n'était pas connue dans l'immédiat.
Le haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, a appelé mercredi M. Museveni à ne pas promulguer le texte.
« Le vote de ce texte discriminatoire – probablement le pire au monde en son genre – est un développement profondément troublant. »
Si elle est promulguée par le président, [cette loi] fera des lesbiennes, des homosexuels et des bisexuels des criminels en Ouganda par le simple fait d'exister [...]. Cela pourrait donner carte blanche à la violation systématique de presque tous leurs droits de la personne
, a-t-il ajouté.
Cette loi ambiguë, vaguement formulée, criminalise même ceux qui font la promotion de l'homosexualité
, a souligné dans un communiqué Tigere Chagutah, le directeur d'Amnistie pour l'Afrique de l'Est et du Sud.
Fox Odoi-Oywelowo, un élu du Mouvement de résistance nationale, le parti du président Museveni, a pris position contre ce texte. Le député a dit à l'AFP que selon la version finale de la législation, les contrevenants risquent une peine de prison à vie ou même la peine de mort pour des délits aggravés
.
Amnistie a dit estimer que M. Museveni doit urgemment mettre un veto à cette loi consternante
, ajoutant qu'elle institutionnaliserait la discrimination, la haine et les préjugés
contre la communauté LGBTQ+.
La Maison-Blanche a, elle, mis en garde le pays contre de potentielles conséquences
économiques si la loi entre en vigueur. Des conséquences financières seraient vraiment regrettables, car une grande partie de l'aide économique que nous fournissons concerne la santé
, a souligné John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale.
Dans un tweet, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a aussi dénoncé l'adoption de la loi. Elle met en cause les droits fondamentaux de tous les Ougandais
et pourrait affecter la lutte contre le sida
, a-t-il ajouté.
Le ministre britannique chargé de l'Afrique, Andrew Mitchell, s'est lui aussi dit profondément déçu
de l'adoption du projet. L'envoyé spécial du premier ministre Rishi Sunak pour les droits des LGBTQ, Nicholas Herbert, a averti du risque de voir augmenter la discrimination et la persécution des personnes en Ouganda
.
« Alors que de nombreux pays, dont un certain nombre sur le continent africain, s'orientent vers la dépénalisation, il s'agit d'un pas profondément troublant dans la direction opposée »
Les débats au Parlement ont été émaillés de paroles homophobes, M. Museveni lui-même ayant fait référence la semaine dernière aux homosexuels comme à des personnes déviantes
.
Toutefois, le dirigeant de 78 ans a souvent dit estimer que ce sujet n'était pas une priorité à ses yeux et qu'il préférait conserver de bonnes relations avec ses donateurs occidentaux et avec les investisseurs.
L'Ouganda a une stricte législation anti-homosexualité – un héritage des lois coloniales –, mais depuis l'indépendance du Royaume-Uni, en 1962, il n'y a eu aucune poursuite pour des actes homosexuels consentis.
L'intolérance à l'homosexualité est courante en Ouganda, où l'adoption du texte a été saluée par certains.
Nous sommes très heureux comme citoyens de l'Ouganda. Culturellement, nous n'acceptons pas [...] l'homosexualité, le lesbianisme, les LGBTQ. Nous ne pouvons pas
, a dit à l'AFP Abdu Mukasa, un habitant de 54 ans.
Nous avons été créés par Dieu. Dieu a créé l'homme et la femme. Et on ne peut accepter qu'un sexe aille avec le même sexe
, a-t-il ajouté.
En 2014, un tribunal ougandais avait bloqué un projet de loi, approuvé par les députés et signé par le président Museveni, pour punir les relations homosexuelles de prison à vie.
Ce texte avait suscité un tollé au-delà des frontières ougandaises, certains pays riches ayant suspendu leur aide après sa présentation au Parlement.
La semaine dernière, la police a annoncé l'arrestation de six hommes pour pratique de l'homosexualité
à Jinja. Six autres hommes ont été interpellés sur la même accusation dimanche, selon la police.