Après des années d’attente, T.-N.-L. va adopter une obligation de documenter

Terre-Neuve-et-Labrador devient la deuxième province canadienne à adopter une obligation de documenter, après la Colombie-Britannique.
Photo : (CP)
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador se lance des fleurs pour avoir annoncé une obligation de documenter dans la fonction publique, mais le projet de loi déposé mercredi compte des failles importantes, selon le commissaire provincial à l’information.
Le rapport final de la commission d’enquête sur le fiasco de Muskrat Falls a recommandé, il y a trois ans, que le gouvernement adopte une obligation de documenter dans un délai de six mois. En vertu d’un tel système, les fonctionnaires seraient légalement tenus de créer un dossier permanent et récupérable de leurs délibérations et de leurs décisions au travail.
Comme l'a détaillé le rapport, les cadres et les politiciens responsables du projet hydroélectrique n’ont pas toujours bien documenté des décisions importantes. La facture du barrage a presque doublé dans la dernière décennie et s'élève maintenant à 13,4 milliards de dollars.
Les fonctionnaires auront désormais une obligation très claire en ce qui concerne la documentation des décisions significatives
, affirme la ministre du Gouvernement numérique, Sarah Stoodley, notant que Terre-Neuve-et-Labrador aura les règles les plus robustes au pays.
Le commissaire à l’information, Michael Harvey, estime pourtant que le gouvernement dépend encore trop de la bonne foi des fonctionnaires. On adopte une obligation de documenter, mais seulement en partie
, affirme-t-il.
Dès le 1er octobre 2024, chaque ministère, agence et commission devra soumettre un rapport annuel au Bureau du dirigeant principal de l'information montrant que son personnel respecte l’obligation de documenter. Mais le commissaire souligne qu’aucun agent indépendant ne vérifiera que ce soit bien le cas.
Toutes les décisions du Conseil des ministres seront aussi exemptées des nouvelles règles, selon Michael Harvey. Le commissaire ajoute aussi qu’en vertu du projet de loi, les nouvelles règles découleront d’une politique qui pourra être modifiée unilatéralement par le dirigeant principal de l’information.
Le premier ministre, Andrew Furey, rappelle que Terre-Neuve-et-Labrador sera la deuxième province à adopter une obligation de documenter. La loi terre-neuvienne ira plus loin que celle adoptée en Colombie-Britannique, parce qu’elle touche l’ensemble des 160 agences, commissions et ministères du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.
Nous allons plus loin que toutes les autres juridictions au pays
, affirme Andrew Furey.
Le projet de loi propose aussi une nouvelle exemption dans la Loi sur la gestion de l’information qui permettrait au conseil des ministres de contrôler la gestion des informations lorsque la sécurité nationale ou provinciale
est en jeu.
Le chef de l’opposition, David Brazil, dit s’inquiéter du fait que, selon le projet de loi, le Cabinet déciderait de la définition de sécurité provinciale
.
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Pourtant, la ministre Stoodley promet que cette nouvelle législation ne sera pas utilisée pour cacher des informations
au public.
Elle reconnaît que le rapport final sur Muskrat Falls a recommandé l’adoption d’une obligation de documenter il y a trois ans, mais ajoute que son ministère a présenté plusieurs projets de loi dans les derniers mois et qu’il a fallu effectuer des consultations et rédiger le projet de loi avant de le présenter à la Chambre d’assemblée.
Une mesure attendue depuis longtemps
Dans son rapport sur Muskrat Falls, intitulé Un projet mal avisé, le juge Richard LeBlanc avait notamment recommandé l’adoption d’une obligation de documenter dans les six mois suivants la publication du rapport en 2020. Cette suggestion figure dans plusieurs autres analyses.
Les commissaires fédéraux à l’information recommandent la mesure depuis les années 1990. En 2015, l’ancien premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Clyde Wells, l’a recommandé quand il a révisé le système provincial d’accès à l’information de Terre-Neuve-et-Labrador.
En plus, en 2021, l’ancien juge David Orsborn en a fait la même recommandation dans un autre rapport sur la modernisation de la Loi sur l’accès à l’information. Dans le rapport, il a tout simplement écrit : Je vais faire un seul commentaire [sur l’obligation de documenter] – on l’attend depuis déjà trop longtemps
.
Michael Harvey n’a pas voulu parler au nom du juge LeBlanc, mais estime que le projet de loi déposé mercredi n’est pas conforme aux recommandations de la commission d’enquête.