Plusieurs déficiences liées au propane ont causé l’explosion au CVA, conclut la CNESST

Le Centre de valorisation de l'aliment (CVA) a explosé en mars 2022.
Photo : Radio-Canada / Guylaine Charette
À la veille du premier anniversaire de l'explosion du Centre de valorisation de l'aliment (CVA), qui a fait cinq blessés, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) identifie trois causes qui expliquent l'accident, dont des équipements qui fonctionnaient au gaz propane déficients.
Rappelons que le 23 mars 2022, une déflagration causée par une fuite de gaz a détruit les installations du boulevard Bourque dans le secteur de Deauville, à Sherbrooke.
Selon l'enquête de la CNESSTune explosion est survenue à la suite d'une fuite de propane due à l'ouverture accidentelle d'une valve non obturée de la ligne de distribution intérieure de la cuisine
.
Aussi, les inspecteurs affirment que l'installation, le retrait et l'inspection des équipements de cuisine fonctionnant au propane étaient déficients
et que la détection du propane ainsi que l'information et la formation des personnes œuvrant dans l'établissement sur les risques inhérents à ce gaz étaient déficients
.
Le rapport de 97 pages indique entre autres qu'il y avait un seul équipement qui fonctionnait au gaz propane dans le bâtiment au moment de l'explosion, un four. Toutefois, auparavant, il y avait aussi une cuisinière au gaz dans l'édifice, mais elle a été retirée en 2020. À la suite du retrait, une personne a constaté et informé le propriétaire du CVA que la valve de canalisation du gaz propane à laquelle la cuisinière était raccordée n'était pas obturée
. C'est cette valve qui a été accrochée accidentellement et qui a causé, par la suite, la fuite de gaz.
La conduite n’est pas obturée, on va se retrouver [...] avec une conduite qui a une valve qui peut être approchée. Dès que j’accroche le levier un peu, l’ouverture de la valve va se faire, créant une fuite. Dans le contexte de la cuisine, on avait une machine à pression qui était là. En manipulant un boyau, ou avec la vibration de l’équipement, on pouvait occasionner l’ouverture partielle [de la conduite], créant la fuite de propane
, a expliqué l'inspecteur de la CNESST Christian Roy lors d'une conférence de presse organisée mercredi.
Un constat d'infraction sera délivré à l'employeur, le CVA. Selon la CNESST
, pour une première offense, le montant de l'amende peut atteindre un peu plus de 72 000 $.Pas de détecteur de propane
Le document précise également qu'il n'y avait aucun détecteur de propane d'installé dans le bâtiment. L'expert est d'avis que l'installation d'un détecteur de propane aurait pu éviter cette explosion
, est-il précisé.
Dans son rapport, la CNESST
recommande entre autres d'obliger l'installation de tels détecteurs dans les immeubles commerciaux. Pour le moment, ils n'y sont pas obligatoires.« Est-ce que l’installation d’un détecteur de propane serait une solution? Nous, on croit que oui. »
Le directeur du service incendie et coordonnateur municipal pour la Ville de Sherbrooke, Stéphane Simoneau, abonde dans le même sens.
« Quand un accident arrive, puis là, on a eu la chance qu'il n'y ait pas eu de mortalité, ça, c'est quand même un miracle, on doit apprendre de ces événements-là pour être certains qu'ils ne se reproduisent plus. »
Je vous dirais “n’attendez pas la réglementation, l'obligation." Il y a des systèmes de détection qui ne sont pas très coûteux. Essayez d'informer vos employés, premièrement. Ça, c'est la démarche qui ne coûte pratiquement rien. Leur rappeler que le mercaptan, c'est une senteur qui est mise volontairement dans le gaz naturel ou le propane. Si vous avez le moindre doute, appelez votre service incendie. On a des appareils sophistiqués pour aller mesurer s’il y a un danger ou pas
, ajoute-t-il.
Le rapport d'enquête de la CNESST
sera transmis à plusieurs associations œuvrant dans le domaine de la construction, dont l'Association québécoise du propane, au Bureau d'assurance du Canada ainsi que dans les écoles qui donnent de la formation en tuyauterie. L'organisme recommande aussi à la Régie du bâtiment du Québec et à l'Association canadienne de normalisation de trouver des solutions pour réduire les risques d'explosion à la suite d'une fuite de gaz propane.Ce n'est que quatre mois après l'explosion que les travaux de démolition ont pu être faits. Il a fallu une semaine pour nettoyer complètement le site.
Le CVA avait ouvert ses portes à l'automne 2019. Il offrait aux agriculteurs, transformateurs et entreprises du secteur agroalimentaire des infrastructures pour mettre en valeur leur expertise. Par exemple, il était possible d'y louer une cuisine et des équipements professionnels pour confectionner des produits alimentaires. Il était également possible d'y louer des locaux.
Repartir à zéro
Au total, une quinzaine d'entreprises utilisaient les services du CVA
.Depuis l'explosion, quelques entreprises ont pu se relocaliser et reprendre leurs activités. C'est le cas d'Umano, qui se spécialise dans l'importation d'aliments équitables et qui est maintenant installée dans des locaux sur la rue Saint-Esprit à Sherbrooke.
L’entreprise de tofu Soyxpert a elle aussi été forcée de se relocaliser à la suite de l'explosion. Cela fait seulement quelques jours que l’entreprise a pu recommencer ses activités. L'un de ses copropriétaires, Dany Deshaies, raconte qu’ils ont tout perdu et ont dû repartir à zéro. C’était une perte totale
, se remémore-t-il.
Dany Deshaies a pu prendre connaissance du rapport de la CNESSTJe trouve ça vraiment attristant ce qui s’est passé comme incident au CVA, ce qui aurait pu être évité, de ce que j’en comprends
, dit le copropriétaire.
Selon lui, les détecteurs de propane devraient être obligatoires pour éviter ce genre de situations. Il s’est lui-même procuré un détecteur de propane pour son nouvel emplacement.
« Je trouve ça vraiment dommage pour les blessés qu’il y a eu, pour toutes les entreprises qui ont perdu leur équipement, certains même leur entreprise au complet. »
Dany Deshaies ajoute que son entreprise doit aussi refaire sa place dans le marché. Il faut refaire notre place sur les tablettes vu que les épiceries ont horreur du vide et ils nous ont remplacés par d’autres joueurs.
Ça a été une année compliquée sur tous les points de vue
, soutient-il, mentionnant qu’il y a encore plusieurs mois de travail à faire avec les assurances.
L’entreprise doit également aller chercher de nouveaux employés.
Des entreprises comme le Gars du Lac se sont aussi serré les coudes pour redonner à la communauté.
Toutefois, pour d'autres, ça a été l'élément qui a mis le clou dans le cercueil, comme Les Grenailles, qui cuisinaient du granola. L'été dernier, les propriétaires ont annoncé sur leur page Facebook qu'ils mettaient fin à leurs activités.
Avec les informations de Brigitte Marcoux et de Guylaine Charette