Grand Rassemblement 2023 à Gatineau : « Comment pouvons-nous travailler ensemble? »

La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, et le chef de Kitigan Zibi Anishinabeg, Dylan Whiteduck
Photo : Facebook/Union des municipalités du Québec
Le Grand Rassemblement 2023, qui débute mercredi à Gatineau, réunit notamment les maires et mairesses des municipalités du Québec ainsi que les chefs des communautés autochtones de la province. Pour la mairesse de Chibougamau et présidente du comité sur les enjeux autochtones de l'Union des municipalités du Québec (UMQ), Manon Cyr, et le chef de Kitigan Zibi Anishinabeg, Dylan Whiteduck, ce sera l’occasion de réfléchir à une question très simple : comment travailler en collaboration harmonieuse et créer des vivre-ensemble?
Pour le chef de la communauté hôte de Kitigan Zibi Anishinabeg, Dylan Whiteduck, c'est aussi une étape essentielle pour tous les élus des municipalités du Québec de mieux saisir les défis à relever en tant que Premières Nations.
Des réunions sont également prévues avec les chefs des autres nations que nous sommes heureux d’accueillir
, précise-t-il.
Une mairesse et un chef ancrés dans l’inclusion
Lorsqu'elle est arrivée à Chibougamau, il y a près de 30 ans, la mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, a appris à connaître les cris, leur histoire ainsi que leurs vécus. Elle est allée faire un tour dans la communauté de Mistissini, où elle a vécu un choc culturel.
Mais après 30 ans à vivre avec les cris, nous apprenons à les connaître
, illustre-t-elle.
Elle a été témoin de la construction de la Nation crie d’Oujé-Bougoumou et connaissait le chef Curtis Bosum depuis qu'il était adolescent.
« Depuis que je suis devenue mairesse, en 2009, les citoyens proviennent de Chibougamau, des communautés cries, des autres communautés autochtones et sont issus également de la diversité »
Afin de contribuer à l'inclusion des Autochtones installés à Gatineau, le chef de Kitigan Zibi travaille en étroite collaboration avec la mairesse France Bélisle et estime que la Ville de Gatineau fait tout en son pouvoir pour améliorer ses relations avec les Autochtones.
La mairesse réalise qu'il y a des membres des Premières Nations à Gatineau
, souligne-t-il.
Cohabitation, connaissance et territoire
Chibougamau est une ville qui a été construite sur un territoire traditionnel cri. Les cris vivent chez nous depuis longtemps et même avant que l’on arrive
, précise Mme Cyr.
Les familles de la nation crie décident de s’établir à Chibougamau pour avoir accès à l’école, soit avec la Commission scolaire Centrale Québec, qui est anglophone, ou avec le Centre de services scolaire de la Baie-James, qui est francophone.
Cette cohabitation est fort intéressante, nous avons nos enjeux, nous avons encore à apprendre, nous ne sommes pas parfaits
, souligne Mme Cyr.
Selon le chef Dylan Whiteduck, les Anishinabeg ont eux aussi beaucoup à offrir. Les premiers peuples vivent tous sur ce territoire depuis des millénaires et nos gens constituent des ressources inépuisables
, fait-il valoir.
« Nous constituons une grande force économique pour le Québec et nous sommes aussi à l’origine de la création d’un nombre d’emplois significatifs »
La mairesse de Gatineau s’est par exemple rendue à Kitigan Zibi et elle s’est entretenue avec tous les conseillers. Nous lui avons posé des questions difficiles, mais elle était bien préparée et ouverte à ces questions et enjeux
, précise-t-il.
Selon ses dires, c'est une première de voir une mairesse participer à une réunion du conseil de la communauté et, pour lui, cela signifie un engagement fort de sa part.
Enjeux économiques et socioéconomiques
La signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) a été une étape importante, rappelle la mairesse Manon Cyr.
En 1975 puis en 1978, cette entente allait permettre au gouvernement québécois de poursuivre et de terminer la construction des barrages hydroélectriques dans la région de la Baie-James tout en reconnaissant en contrepartie des droits aux Cris, aux Inuit et aux Naskapis en leur versant des indemnités financières.
Puis, il y a eu la Paix des braves
, ajoute Mme Cyr en référence à cet accord politique et économique entre le gouvernement québécois et la nation crie, qui a été signé en 2002 pour la mise en place de relations plus harmonieuses lorsqu'il est question des revendications territoriales.
L’ancienne municipalité de la Baie-James, qui a été abolie, est devenue le gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James. Et là, vous avez une cohabitation où les Cris et les Jamésiens de la région du Nord-du-Québec gèrent le territoire et cela est unique au Canada
, illustre Manon Cyr.
Du côté de la mairie de Gatineau, France Bélisle reconnaît le plan stratégique de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador à l'égard de la réconciliation.
C’est une belle reconnaissance, mais il y a de toute évidence énormément de travail à faire
, ajoute le chef Whiteduck.
En termes d'économie, nous disposons d'une force de travail, soit une main-d'œuvre qualifiée et prête à travailler. Il faut développer des liens avec les gens d'affaires du Québec et créer des partenariats
, renchérit le chef Dylan Whiteduck. Les décideurs des villes doivent en prendre conscience et le gouvernement du Québec doit s'impliquer.
L’éducation, l’emploi et les jeunes autochtones
Beaucoup de gens des communautés cries vivent à Chibougamau, même s’ils travaillent à Waswanipi, Mistissini ou à Oujé-Bougoumou, car ils veulent que leurs enfants profitent de l’école anglophone ou de l’école francophone
, rappelle Mme Cyr.
Lorsque leurs enfants sortent de l’école, ils parlent trois langues : le cri, le français et l’anglais. Nous sommes témoins d’une nouvelle génération de jeunes diplômés. Il y a aussi le Cégep de Chibougamau qui travaille au déploiement d’une formation bilingue
, précise la mairesse.
« Les Cris utilisent l’aréna, la piscine, le centre de ski alpin, l'école et nous vivons des enjeux de cohabitation. Comme mairesse, je vis cet enjeu. »
La mairesse de Chibougamau se rappelle la réouverture d'une usine grâce à un partenariat lucratif entre des gens d'affaires d'origine crie et des gens d'affaires de Chibougamau. C’est une bonne nouvelle. Il y a eu une entente mutuelle
, affirme la mairesse Cyr.
Dans la même veine, le chef Whiteduck tient à rappeler que les communautés algonquines contribuent à l’essor de l'économie locale de Gatineau.
Des actions équivalentes doivent être posées au Québec au profit des familles
, affirme-t-il avec aplomb.
Est-ce que la réconciliation passe par les femmes?
La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, participe au panel des femmes avec la sénatrice Michèle Audette, la grande cheffe du Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg, Savanna McGregor, et la mairesse de Gatineau, France Belisle. Je me sens privilégiée de partager ce dialogue sur la réconciliation et les femmes
, conclut la mairesse Cyr.
Le chef de Kitigan Zibi, Dylan Whiteduck, se dit heureux d’entendre qu’il y a un panel de femmes réunissant deux mairesses et deux femmes autochtones et espère que la Ville de Gatineau travaillera à l'instauration de la stratégie de réconciliation portée par le chef national Ghislain Picard au nom de tous les chefs de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador.
Nous devons donc continuer ce travail solidaire entre tous les paliers décisionnels municipaux, gouvernementaux et les nations autochtones et à tout prix
, conclut-il en tant que chef et hôte de cet événement rassembleur avec la mairesse de Gatineau.