L’UQAT, maintenant une université virtuelle?
Plus de la moitié des étudiants de l’UQAT ne mettront jamais les pieds en classe. Et cette proportion sera vraisemblablement appelée à augmenter encore dans les prochaines années.
Le campus de Rouyn-Noranda de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Andrei Audet
Parmi les 5300 étudiants que compte l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), plus de la moitié sont inscrits dans un programme uniquement en ligne. Une tendance à la hausse, avant même la pandémie, et qui soulève des questions quant au financement et à la mission de l’institution.
Marie-Pier Jossart et Andrée Ann Blanchette désiraient retourner aux études même si elles sont toutes les deux mamans. Aujourd’hui, les deux étudiantes de l’UQAT
ne peuvent plus se passer de la formation à distance (FAD).Je suis à Trois-Rivières, lance Marie-Pier du programme d’administration. Nous avons un travail d’équipe dans l’un de mes cours, et personne n’est en Abitibi.
Leur situation est loin d’être unique. Sur les quelque 5300 étudiants que l’UQAT recensait à l’automne dernier, 53 % d’entre eux sont inscrits à des programmes en ligne, comparativement à 43 % pour l’automne 2018. Et presque tous les étudiants comptent au moins un cours en ligne à leur horaire. Une tendance à la hausse qui pose des défis et recèle des opportunités, selon le recteur Vincent Rousson.
« Je veux rassurer tout le monde. Nous ne deviendrons pas la prochaine université TÉLUQ. L’enseignement en présence est aussi important que la FAD . Cette présence sur le territoire, ce contact humain avec les étudiants, est extrêmement importante, on ne souhaite vivement pas devenir l’université TÉLUQ. »
Il reste que les cours en ligne jouent un rôle central dans la mission de l’institution, notamment pour rejoindre les populations du Nunavik et des Hautes-Laurentides. Les données qui confirment la popularité grandissante de la FAD
n'inquiètent pas M. Rousson, même s’il reconnaît qu’il est plus difficile d’attirer les étudiants sur les campus depuis le début de la pandémie.C’est pour cette raison que Vincent Rousson assure que ces deux volets ne sont pas près de disparaître.
Campus en panne?
Originaire de Tunisie, Mariem Amri, étudie à la maîtrise en ingénierie. Elle juge que les cours en classe sont plus encourageants
, notamment grâce aux interactions entre les étudiants et les professeurs
.
Un témoignage que ne renierait pas la professeure adjointe au département des sciences de la santé, Joséanne Desrosiers. En fonction depuis cinq ans, elle a accepté de nous partager ses impressions toutes personnelles, même si elle précise qu’elles ne sont pas forcément représentatives de la réalité et des observations de ses collègues.
L’un de ses premiers commentaires concerne l’état d’engagement des étudiants et le fil de questions
qu’elle mesure en classe. Nous avons une plus grande proximité avec les étudiantes [en classe], explique Mme Desrosiers. Nous recevons souvent plus de questions alors qu’il y en a moins dans les cours en ligne.
Celle qui préfère enseigner en classe constate un penchant inverse auprès des cohortes étudiantes.
« Selon mon expérience, on semble vraiment observer une tendance des étudiantes à migrer vers la formation à distance. Il faut trouver des manières de ramener nos étudiants sur le campus. Avant, on n’avait pas de difficulté à rassembler des étudiantes au campus de Rouyn-Noranda pour offrir nos cours. Aujourd’hui, c’est rendu un petit défi chaque session. »
Rentabilité et financement universitaire
Le mode de financement universitaire représente une préoccupation
. Le ministère de l’Enseignement supérieur pourrait notamment revoir le financement par étudiant à distance à la baisse, pour tenir compte des coûts réels des programmes offerts uniquement à distance par les universités.
De croire que ça coûte moins cher pour une université, un cours à distance, c’est complètement faux. Ça coûte autant si ce n’est pas plus cher en matière d’infrastructures technologiques et de support pour pouvoir créer ces cours-là
, évoque Vincent Rousson.
Utiles à sa croissance, notamment en raison du financement qu’amène chaque nouvel étudiant, les programmes et cours en ligne de l’UQATaccessibilité
plutôt que de rentabilité
.
Ce n’est pas parce que nous faisons de la formation à distance que cela a toujours été rentable pour l’UQAT, précise-t-il. Notre objectif est de rendre accessible la formation sur notre territoire. Des programmes en présence coûtent plus cher à maintenir, car on forme un plus petit nombre d’étudiants, mais la réalité est similaire du point de vue de la formation à distance. Des programmes, suivis par peu d’étudiants, ont coûté cher à construire, mais nous avons besoin de diplômer ces étudiants dans des créneaux très spécifiques au bénéfice de la société québécoise.
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Miser sur la vie étudiante
L’UQATprojet pilote Bouge ton campus en janvier dernier pour favoriser le retour des étudiants sur le campus. Outre la tenue d’activités, l'initiative accommode leur horaire pour les aider à se rassembler au moins une fois par semaine.
a lancé leVincent Rousson reconnaît tout de même qu’il lui est impossible d’aller à l’encontre du marché et des habitudes post-pandémiques de la population étudiante.
Je ne souhaite pas être une sorte de Don Quichotte contre les moulins à vent, mentionne-t-il. Je ne peux pas forcer les étudiants à revenir en présence s’ils ne le souhaitent pas. La FAD répond à des besoins pour un certain type d’étudiant au même titre que la présence répond à des besoins pour un autre type d’étudiant.
La présidente du syndicat des professeurs de l’UQAT
, Ina Motoi, a décliné notre demande d’entretien. Elle spécifie que l’organisation n’a pas de position sur l’offre de cours en ligne, bien que certains considèrent l’UQAT comme une pionnière de ce domaine.