Affaire Carpentier :« L’enquête est bonne, mais on a un problème de délais »

En juillet 2020, les policiers avaient ratissé le rang Saint-Lazarre à la recherche de Martin Carpentier. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Bien qu'il concède que l'enquête amorcée par la SQ en juillet 2020 a été «bien faite» dans un contexte de «chaos», un expert en affaires policières indique que la disparition de Romy, Norah et Martin Carpentier aurait dû être considérée comme le pire des scénarios dès la nuit du 8 au 9 juillet.
L'Enquête publique du coroner sur les décès de Romy, Norah et Martin Carpentier est passée à une autre étape au 14e jour des audiences. Les premiers experts ont commencé à passer en revue le travail effectué par les policiers à Saint-Apollinaire, en juillet 2020.
Expert-conseil en enquête à l'École nationale de police du Québec, François Gingras a été chargé de revoir les pratiques d'enquêtes des policiers de la SQ à partir de l'accident de Martin Carpentier, sur l'autoroute 20.
M. Gingras considère que dans la nuit du 8 au 9 juillet, beaucoup de démarches d'enquêtes ont été faites dans les règles de l'art par le premier enquêteur au dossier, Kevin Camiré, et les patrouilleurs arrivés sur les lieux.
Or, il croit que l'enquêteur Kévin Camiré aurait dû, dès qu'il prend en charge l'enquête tôt le 9 juillet, être accompagné d'un 2e enquêteur. Celui-ci a travaillé seul l'entièreté de la nuit.
On double la capacité de travail dès le départ. Je vous dirais que dans plusieurs cas, quand j’ai dû à faire des recommandations, on parle régulièrement de faire rentrer une équipe [de deux]
.
Kevin Camiré a d'ailleurs confié au Coroner avoir été débordé lors des premières heures suivant la disparition du père et des fillettes. Il n'a pas été informé de témoignages clés, dont deux qui mentionnent que Martin Carpentier semblait dépressif lors de sa disparition. Ainsi, la thèse de la disparition a tardé à émerger, le 9 juillet.
Cette situation a causé un important délai avant qu'une structure de commandement, mis en place par les crimes majeurs, prenne place, selon François Gingras.
Cette situation a également fait en sorte que les policiers n'ont pas considéré plus tôt le pire scénario
, ce qui est pourtant enseigné dans le guide des pratiques policières.
« C’est ce qui est écrit, c’est les bonnes pratiques. »
C’est une question de délai. Quand on parle des cours qu’on donne, dans la nuit du 9, l’info qu’on transmet c’est de traiter ça comme le pire des scénarios. Dans la nuit on se questionnait encore à savoir si c’était un départ volontaire
, ajoute l'ancien policier.
Lorsque le 9 juillet, l'enquête est finalement prise en charge par les crimes majeurs, les ressources d'enquêtes étaient suffisantes. Si on avait eu plus d’information rapidement, peut-être qu'on aurait basculé sur les crimes majeurs trois, quatre heures plus tôt. Camiré a fait son possible, mais il est tout seul et on manque de ressources.
L’enquête est bonne, mais on a un problème de délais
, a résumé le Coroner Luc Malouin.
Alerte Amber
Francois Gingras a aussi témoigné être sans mots
devant les délais qui ont précédé le déclenchement de l'alerte Amber. En raison d'un trop grand nombre de caractères, l'envoi de l'alerte a été retardé par le gouvernement du Québec sur le téléphone des Québécois. Là aussi, j’évalue, j’ai été surpris
.
Fort de 30 ans d'expérience comme policier, il avoue n'avoir jamais eu ce genre de problème dans le cadre d'une Alerte Amber. Quand on avait à en déployer [des alertes Amber], ça fonctionnait
.
Rappelons que l'alerte Amber envoyée par le système Québec en alerte sur le téléphone de tous les Québécois était une première dans l'histoire.
François Gingras recommande d'ailleurs à ce que la SQ puisse elle-même envoyer les alertes Amber, dans certains cas. On sauve une étape, la petite demi-heure, il faut que j’en tienne compte
, a-t-il témoigné.
Le SPVQ et le SPVQ offrent leur aide
Deux hauts gradés du service de police de la Ville de Québec et de Lévis ont témoigné avoir offert des policiers à la Sûreté du Québec, qui était en manque d'effectifs le 9 juillet.
L'nspecteur responsable des enquêtes au Service de police de la ville de Lévis Martin Savoie a indiqué que son corps policier a contacté la SQ dès la journée de jeudi. À ce moment, les fillettes et leur père manquaient à l'appel depuis moins de 24 h.
C’est une offre globale, on aurait pu prêter des policiers qui auraient pu faire des recherches sur le terrain. On a des policiers formés en recherche terrain. J’aurais pu aussi prêter des enquêteurs. Il ne semblait pas avoir besoin de notre aide à ce moment-là
, a témoigné M. Savoie.
À savoir pourquoi la SQpossible qu’un service de police de 5000 policiers n'avait pas besoin de nos services
.
Le SPVQ
a aussi offert son aide. En tant que corps policier d'envergure, le SPVQ possède plusieurs gestionnaires de recherche, terrain et marcheurs qui auraient pu être envoyés rapidement sur le terrain, à Saint-Apollinaire.À au moins trois reprises le 10 juillet, les policiers de la Ville de Québec ont offert leur aide directement à la SQ, a témoigné Pascal Roy, inspecteur au SPVQ.
M. Roy a confié que depuis les recherches de 2020, jamais la Sûreté du Québec n'a sollicité l'aide du SPVQ
pour fournir des ressources spécialisées en recherche terrain.Depuis quelques jours, les témoignages de plusieurs témoins démontrent que la SQ n'a que très peu sollicité de l'aide extérieure pour tenter de retrouver le trio Carpentier.