La santé mentale est au cœur des homicides qui ont secoué Montréal en 2023

Le vendredi 17 mars, trois personnes ont été tuées lors d’une attaque à l’arme blanche survenue dans un appartement de l'arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Mathieu Wagner
Les cinq premiers homicides survenus à Montréal cette année ont en commun d’avoir été commis dans un contexte de drame intrafamilial lié à un problème de santé mentale.
Le 25 janvier dernier, Emmanuel Gendron-Tardif, connu dans le domaine du court métrage, a poignardé sa mère de 61 ans, Lysane Gendron, dans son logement de la rue Fullum.
Emmanuel Gendron-Tardif, qui n'avait jamais eu de trouble de santé mentale, avait démontré des signes de détresse psychologique quelque mois avant le drame.
Des membres de sa famille, qui souhaitaient lui apporter du soutien, n'ont jamais pu avoir accès aux ressources d'aide dont ils étaient en droit de s'attendre auprès du réseau de la santé.
Il appert que le dossier de Emmanuel Gendron-Tardif n'aurait pas été traité en priorité, parce qu'il n'avait aucun antécédant en santé mental ou encore, de diagnostic officiel de la part d'un professionnel.
La tragédie s'est malheureusement produite lors du tout premier épisode de psychose du jeune homme de 28 ans.
Emmanuel Gendron-Tardif a été accusé du meurtre de sa mère.
Lors de sa première comparution, il déclaré inapte à comparaître et aussitôt envoyé à l’institut Pinel pour 30 jours.
Son dossier, qui est toujours au stade des procédures, doit revenir devant le tribunal le 28 mars.
La victime, Lysane Gendron, était directrice adjointe au Service de la culture, des loisirs, du sport et du développement social à Laval.
Ses collègues et la Ville lui ont rendu hommage dans les jours suivant sa mort.
Puis, le 19 février dernier, une femme de 26 ans, Amel Benali, connue également pour des problèmes de santé mentale, a été soupçonnée d’avoir poignardé sa mère de 54 ans, Luiza Ouali.
Les agents du SPVM
s’étaient d’abord rendus dans un immeuble à logements de la rue de Liège, dans le quartier Parc-Extension, pour intervenir après l’agression armée au couteau contre un voisin de 23 ans, signalée au 911.Lorsque les patrouilleurs ont voulu questionner la mère de la jeune femme qui habitait dans le logement voisin, ils ont fait la macabre découverte du corps qui portait des marques de violence à la hauteur du cou. Selon nos informations, la mort remontait à plusieurs heures avant l’arrivée des policiers.
La preuve circonstancielle n’est donc pas directement reliée à la jeune femme de 26 ans, mais les policiers la soupçonnent d’avoir tué sa mère.
Amel Benali a été envoyée en évaluation psychiatrique à l’Institut Pinel et doit revenir le 22 mars devant le tribunal. Pour le moment, elle fait uniquement face à des accusations d’agression armée sur son voisin, mais des accusations d'homicide pourraient s’ajouter si l’enquête criminelle évolue suffisamment.
Enfin, le vendredi 17 mars, Arthur Galarneau a, selon les accusations, commis l’irréparable en poignardant à mort sa grand-mère, Francine Gingras-Boucher, ainsi que son père et sa mère, Richard Galarneau et Mylène Gingras (53 ans).
L'accusé de 19 ans était connu pour des problèmes de santé mentale, mais n'avait aucun antécédent judiciaire. Il a été maîtrisé et arrêté par le SPVM
en état de crise, couvert de sang de la tête aux pieds.Il a été transporté à l’hôpital Santa Cabrini après son arrestation pour y soigner des blessures. Il fait désormais face à trois chefs d’accusation de meurtre au deuxième degré. Il devra revenir devant le tribunal le 11 avril prochain.
Couverture médiatique
Alors que la population montréalaise est déjà préoccupée par la violence armée, voilà donc que les actes de violence extrême causés par des personnes aux prises avec de graves problèmes de santé mentale se multiplient depuis le début de l'année.
Dans ce contexte, le sentiment d'insécurité devant la situation peut exacerber l’anxiété chez plusieurs personnes.
Face aux nouvelles négatives qu’on voit dans l’actualité, on peut se sentir impuissant quant à ce qui arrive, ce qui alimente l’anxiété. Pour sortir de cette impuissance, il est important de chercher à retrouver une certaine maîtrise de notre quotidien
, recommande la Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue clinicienne, conférencière et professeure associée à l’UQAM .
La spécialiste du trouble de l’anxiété et de l’humeur suggère de limiter la consommation de nouvelles à ce qui est nécessaire pour demeurer informé et de se rappeler que ce sont des événements qui sont rares
.
« Notre cerveau tend à surinvestir les nouvelles négatives, ce qui teinte notre perception du monde comme étant plus menaçant. Mettre en mots comment on se sent est très aidant et, au besoin, il faut en parler à un professionnel de la santé mentale. »
Soutien fondamental pour les proches des victimes
Pour les proches des victimes assassinées, l'accès à l'aide psychologique devient primordial, rappelle Geneviève Beaulieu-Pelletier.
Ce sont des événements qui peuvent plonger les proches dans une profonde souffrance, une tristesse douloureuse
, indique la psychologue clinicienne.
Elle rappelle que l’accès à des services de santé psychologique doit être offert aussi longtemps que nécessaire
.
La professionnelle en santé mentale conclut qu'il faudra du temps, une présence bienveillante de la part des proches, et, pour certains, la possibilité de construire un sens à partir de ce qu’ils vivent ou d’agir pour sortir du sentiment d’impuissance, par exemple en s’engageant dans la prévention et la sensibilisation
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