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Incendie dans le Vieux-Montréal : l’inaction des autorités contre Airbnb montrée du doigt

Le logo d'Airbnb s'affiche sur un écran d'ordinateur portable dans une salle de travail.

Le logo d'Airbnb affiché sur un écran d'ordinateur. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Dans la foulée de l’incendie survenu au Vieux-Montréal, où sept personnes manquent à l’appel, tous les intervenants interrogés déplorent l’inaction du gouvernement Legault et des municipalités. Ils implorent les autorités de multiplier les enquêtes et les amendes contre les locations touristiques illégales afin de protéger le parc locatif déjà en crise.

Tous soulignent que la réglementation existe, que ce soit au niveau provincial, avec l’obligation d’avoir un numéro d’enregistrement de la CITQ, ou au niveau municipal, avec une délimitation des zones précises où la location touristique à court terme est autorisée. C’est la quasi-absence de répression qui cloche, selon eux.

« C’est un peu comme si on mettait des limites de vitesse sur les autoroutes et qu’on ne mettait pas de policiers pour les faire appliquer. »

— Une citation de  Antoine Morneau-Sénéchal, avocat spécialisé en droit du logement

M. Morneau-Sénéchal souligne que les deux ordres de gouvernement (provincial et municipal) ont des responsabilités, mais, comme bien souvent, personne ne veut intervenir parce qu’évidemment, il y a des coûts à [payer] des inspecteurs et [à gérer] un registre des inspections.

L'incendie tragique dans le Vieux-Montréal braque les projecteurs sur le manque d'encadrement de la location de courte durée. Dans ce secteur de la Ville, on retrouve des centaines de logements offerts illégalement en location sur la plateforme Airbnb. Comment expliquer l'absence d'inspection ? On constate que les autorités n'ont pas les moyens de faire respecter les règlements en place. Reportage de Marie-Isabelle Rochon.

Cette relative inaction entraîne des dérives. Par exemple, dans l'arrondissement de Ville-Marie, qui a resserré sa réglementation en 2018 et où les inspecteurs font la chasse aux boîtes à clés, il y a bien plus de logements disponibles sur Airbnb que dans les 45 établissements qui ont une autorisation officielle d'exploiter une résidence de tourisme.

Selon l’organisme Inside AirBnb, à Montréal, 92,5 % des 13 913 logements listés sur Airbnb sont loués sans permis.

Lorsqu’une plainte est déposée à l'arrondissement de Ville-Marie, elle est transmise à Revenu Québec, qui est mandaté pour vérifier si l’exploitant détient l'accréditation requise de la CITQ, mentionne par courriel Camille Bégin, relationniste à la Ville de Montréal.

Revenu Québec a la responsabilité de mener les enquêtes et de remettre les constats d'infraction ayant trait à l'application de la Loi sur l'hébergement touristique.

Une de ces boîtes à combinaison dans lesquelles les propriétaires de logements de type Airbnb laissent normalement les clés à l'intention de leurs visiteurs.

Une de ces boîtes à combinaison dans lesquelles les propriétaires de logements de type Airbnb laissent normalement les clés à l'intention de leurs visiteurs.

Photo : Getty Images / Josie Desmarais

Toutefois, lorsqu’un citoyen souhaite formuler une plainte, la Ville de Montréal lui remet un formulaire de Revenu Québec où il faut indiquer le nom et l'adresse du propriétaire fautif. Ces informations sont parfois difficiles à obtenir tant qu’on n'a pas loué ledit logement, mentionne la chercheuse Cloé St-Hilaire.

Tous les intervenants interrogés par Radio-Canada croient en outre que les autorités municipales et gouvernementales devraient arrêter de tergiverser.

« C’est effarant en 2023 qu’on en soit encore là à se renvoyer la balle. »

— Une citation de  Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Le FRAPRU, un organisme qui lutte pour le droit au logement, demande un moratoire sur les plateformes d'hébergement touristique de type Airbnb dans les secteurs où sévit une pénurie de logements locatifs.

Sur la même longueur d’onde

Pour une rare fois, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) est quasiment sur la même longueur d’onde que le FRAPRU.

Si la CORPIQ croit que les plateformes comme Airbnb ont leur raison d’être dans les secteurs où l’offre hôtelière est faible, par exemple à Mont-Tremblant, cette organisation milite pour un resserrement afin que les locataires ne puissent plus louer leur logement moins de 30 jours sans l’accord du propriétaire.

Il faut absolument protéger le parc locatif actuel et lutter contre les locations illégales. Ça prend du leadership politique, soutient Marc-André Plante, porte-parole de la CORPIQ. Les plus récents indices chiffrés lui font craindre que la crise du logement atteigne cette année les sommets de 2000-2001.

Marc-André Plante parle dans un micro.

Marc-André Plante, porte-parole de la CORPIQ (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

La CORPIQ croit par ailleurs que le gouvernement doit aussi sévir contre les plateformes comme Airbnb ou Facebook afin qu'elles s’assurent que les annonces de logements qu'elles publient possèdent bien leur certificat d’enregistrement officiel auprès de la CITQ. À Toronto ou à Vancouver, aucune annonce ne peut être créée sans numéro de certification.

À la limite, en tant que consommateurs, on devrait aussi nous assurer que l’hébergement qu’on s’apprête à louer dispose bien du numéro CITQ adéquat, sinon c’est un peu l’équivalent de faire affaire avec un peintre et de le payer au noir, ajoute M. Plante. Il recommande d’ailleurs de bien vérifier sur le site de la CITQ que le numéro de certification correspond bien à l’adresse du logement loué, car certains locateurs utilisent de faux numéros.

Un avis partagé par Martin Soucy, PDG de l’Alliance de l’industrie touristique du Québec qui évoque « une responsabilité partagée entre les consommateurs et les exploitants ».

Airbnb a refusé de répondre à nos questions, se contentant d’une courte réaction par écrit. Nos pensées vont aux victimes de cette tragédie ainsi qu'à leurs familles et à leurs proches. Nous apportons notre soutien aux personnes touchées et nous aidons les forces de l'ordre à enquêter, y déclare Ben Breit directeur international des communications de confiance et de sécurité chez Airbnb.

Réactions politiques

Depuis plusieurs mois, Québec solidaire appelle le gouvernement à resserrer la Loi sur l’hébergement touristique et vise directement Airbnb. Visiblement, on ne peut pas faire confiance aveuglément à cette entreprise pour qu’elle agisse de façon responsable par rapport à la crise du logement, a déclaré Alexandre Leduc, leader parlementaire du deuxième groupe d’opposition.

Du côté du Parti libéral du Québec, la porte-parole en matière d’habitation, Virginie Dufour, croit que la situation ne changera pas de sitôt, car les municipalités n’ont pas les ressources pour agir. Dans les faits, les locations illégales vont continuer à perdurer. S’il y en a présentement alors que ce n’est pas permis dans plusieurs villes, il va continuer à y en avoir, déplore-t-elle.

Si les clients sont capables de trouver les offres, certainement que les enquêteurs sont capables d’en faire autant, note Pascal Bérubé, député du Parti québécois, qui croit que le mauvais encadrement met les clients en danger.

Les ministres des Finances, du Tourisme et de l’Habitation n’étaient pas disponibles dimanche pour répondre aux questions de Radio-Canada.

Avec les informations de Marie Isabelle Rochon et de Stella Dupuy

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