Tous les services du CHEO désormais disponibles en français

Depuis 1993, le CHEO offrait quelques programmes bilingues. Mais désormais cela concerne tous les services aux patients. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Rebecca Kwan
La nouvelle est presque passée inaperçue, mais depuis fin décembre, les parents et leurs enfants qui se rendent au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) peuvent exiger d’être servis en français, et ce, quel que soit le département où ils se rendent.
C’est une bonne nouvelle pour les services en français dans le milieu de la santé. C’est un enjeu qui touche la majorité des francophones de la ville. Quand on fait un sondage, c’est l’enjeu qui revient toujours au premier plan
, explique le président de l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO Ottawa), Éric Barrette.
Fin décembre, le ministère de la Santé de l’Ontario a approuvé la désignation de l’hôpital pour enfants d’Ottawa en vertu de la Loi sur les services en français.
Depuis 1993, l’institution de santé ottavienne devait déjà fournir six programmes dans les deux langues officielles. Mais désormais, ce sont tous les services aux patients qui sont concernés.
On dessert non seulement l'est ontarien, mais aussi l'Ouest du Québec, le Nord de l'Ontario… Et on sait que c'est très important d'enlever ces barrières-là, surtout pour nos jeunes patients et leurs familles, alors qu'ils arrivent chez nous [...] dans des [périodes] de crise ou de stress. Si on est en mesure d'enlever la langue comme étant une barrière de stress, on offre un meilleur service
, estime Anick Losier, dirigeante principale des communications au CHEO .
La désignation a été recommandée par le Réseau des services de santé en français de l'Est de l'Ontario (RSSFEO), chargé d’accompagner les organismes dans le processus et d’analyser leur candidature.
[Le CHEO ] a les mesures pour s'assurer que ça soit disponible de façon permanente, tous les jours-là, 24/7
, assure la présidente-directrice générale du RSSFEO , Jacinthe Desaulniers.
« Est-ce que c’est plus de services? Oui. Parce qu’avant, il y avait cette intention [du CHEO ] d'offrir les services [en français]. Maintenant, il y a cette obligation, cette garantie de services. Puis, comme le CHEO , c'est majoritairement des services uniques, c'est un grand gain pour la communauté francophone parce qu'ils ne sont pas offerts ailleurs. »
Un service bilingue, mais pas toujours en personne
L’accueil, les services fournis par le personnel, la signalisation et les communications doivent désormais tous être bilingues.
[Les patients] peuvent s'attendre à ce qu'on va toujours dire : “Hello, Bonjour.” Ça va être leur porte d'entrée au CHEO , illustre Mme Losier. Et puis, s'ils veulent continuer la conversation en français, ils vont pouvoir le faire soit avec une personne ou soit avec un instrument technologique. [...] Vous savez la beauté maintenant dans le monde aujourd'hui, c'est qu'on a des appuis technologiques qui peuvent nous aider.
Ce service d’interprétation virtuel et téléphonique sur demande, disponible par l’entremise d’iPads pour faciliter la communication avec les familles et les patients, suscite toutefois quelques réserves.
Ce genre de système là peut potentiellement perdre certaines nuances qui sont très importantes lorsqu’on parle de soins de santé. Les termes médicaux, les nuances médicales… Quand on se retrouve à l’hôpital, c’est souvent des situations tendues… [...] J’ai de la misère à croire que la technologie est à point pour répondre vraiment bien aux besoins de la communauté francophone avec un système d’interprétation
, souligne M. Barrette qui ajoute toutefois qu’il voit cette solution d’un bon œil
à condition que le système d’interprétation soit utilisé en dernier recours
.
Il faut que ça reste ainsi
, insiste-t-il.
« Il faut miser davantage sur de vraies personnes qui pourront offrir un service de première ligne en français parce qu’on sait que c’est primordial pour obtenir un service de santé de qualité de pouvoir s’exprimer dans sa langue. »
Mais Mme Losier tente de se faire rassurante.
On va toujours faire les meilleurs efforts d'avoir des personnes avec qui converser en français et en anglais. Mais dans les rares instances où ça ne sera pas possible, oui, on va avoir la l'appui technologique
, explique-t-elle.
« Le petit extra technologique nous permet d'aller chercher la qualité dont on avait besoin pour justement assurer que les gens qui viennent chez nous peuvent avoir cette conversation, discussion au niveau de leur cas, dans la langue de leur choix. »
Des recours possibles
De son côté, Mme Desaulniers lance un appel aux patients francophones.
Je pense que le message le plus important à la communauté, c'est [...] de ne pas hésiter à exprimer le besoin d'avoir les services en français.
Et d'ailleurs, s’ils ne les obtiennent pas, ils peuvent le signaler à l’outil du RSSFEO
, Le Réseau à l'écoute, ou même faire une plainte à l’ombudsman des patients ou au commissaire aux services en français au sein du bureau de l’ombudsman de l’Ontario, fait valoir Mme Desaulniers.Un processus qui n’effraie pas le CHEO, assure Mme Losier.
Si on a besoin de réajuster certaines choses, c'est certain qu'on va le faire. On va apprendre dans le processus
, indique-t-elle.
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Des défis à venir
Le président de l’ACFO
Ottawa se montre patient quant à l’offre de service en français au CHEO .Je ne m’attends pas nécessairement à ce que du jour au lendemain, cette désignation vienne changer complètement l’offre de service francophone au sein de l’hôpital.
Mme Desaulniers, le confirme : la désignation n’est pas la fin du processus.
L'offre de services en français, elle se vit tous les jours pour les patients francophones qui se présentent à l’hôpital et pour les professionnels de la santé qui sont devant un patient francophone.
En pleine pénurie de personnel de santé, le défi sera de taille, reconnaît la présidente-directrice générale du RSSFEO
.Le recrutement et la rétention du personnel de santé capable de livrer des services en français, ce n’est pas une préoccupation uniquement pour le CHEO , c'est une préoccupation pour l'ensemble du système.
Mais selon elle, cela ne doit pas servir d’excuse.
S’il y a une crise, ça n’élimine pas la responsabilité de livrer des services en français.
L’automne dernier, la pénurie de personnel avait d’ailleurs durement touché le CHEO
.Mais pour Mme Losier, le fait d’être une institution désignée bilingue pourrait être un atout pour recruter.
Dans trois ans, le travail accompli par le CHEO
pour s’affranchir de sa mission fera l’objet d’une réévaluation, à laquelle participera le RSSFEO .On ne veut pas que [nos agences désignées] aient une désignation, que les services se dégradent, puis que lorsque [vient le temps de fournir] une attestation de conformité aux trois ans, elles se remettent à niveau. On veut [...] que nos agences puissent le faire au quotidien, tous les jours
, conclut la présidente-directrice générale du RSSFEO .