« Je pensais qu’on mourrait ensemble » : Guy Fournier rend hommage à son frère Claude

Le cinéaste Claude Fournier s'est éteint jeudi à l'âge de 91 ans.
Photo : Radio-Canada
Le cinéaste Claude Fournier est décédé jeudi à l’âge de 91 ans, laissant derrière lui une œuvre majeure qui a redéfini les codes du cinéma québécois. Son frère Guy Fournier se rappelle de la symbiose qu’il avait avec lui, alors que Pierre Karl Péladeau évoque le grand attachement de Claude Fournier à la culture québécoise. Ensemble, les deux ont contribué à mettre sur pied le programme de restauration de films québécois Éléphant.
Au micro de Patrick Masbourian à Tout un matin, le cinéaste et grand manitou de la télévision Guy Fournier n’a pu cacher sa vive douleur à l’idée d’avoir perdu son frère jumeau, alors qu’il s’était toujours imaginé qu’ils partiraient au même moment.
C’est très difficile. On est nés ensemble, on a passé notre vie ensemble, on a fait jusqu’à un certain point le même métier. Je ne sais pas pourquoi, mais j’avais le sentiment, un peu comme les frères Bogdanoff, qu’on mourrait ensemble, mais ce n’est pas ça qui s’est produit. Il est parti avant moi
, a-t-il expliqué avec émotion au lendemain du décès de Claude Fournier.
Je vais sûrement surmonter ça, mais je ne pensais jamais que ce serait aussi difficile. On s’est beaucoup vus depuis trois ans
, a ajouté celui qui avait un pied-à-terre tout près de celui de son frère en campagne, à L’Île-des-Sœurs et à Paris.
« On se devinait. On se devinait tellement qu’on était toujours malades en même temps. Il avait la grippe, moi j’avais la grippe. Il avait mal au genou, j’avais mal au genou. La seule chose qu’on n’a pas partagée, c’est nos femmes. »
Frères de sang et d’esprit
Dans les dernières années, les deux frères s’étaient beaucoup rapprochés, se parlant quotidiennement pour discuter d’art, d’actualité et plus récemment de la guerre en Ukraine.
On se voyait tous les jours, on s’appelait tous les jours, on discutait tous les jours, a expliqué Guy Fournier. La plupart du temps, on se parlait de films, plus que de télévision, parce que Claude, peut-être pour se différencier de moi, a plutôt fait sa vie du côté du cinéma.
« Moi je prétendais que la télévision était un média plus important que le cinéma et lui prétendait le contraire. C’est à peu près les plus gros différends qu’on a eus. »
Guy Fournier affirme que Claude était particulièrement impliqué depuis l'invasion russe en Ukraine, allant manifester tous les jours devant le consulat russe. Il l’accompagnait parfois, mais n'y allait pas de façon aussi assidue que son frère.
Le cinéaste s’était même mis en tête d’aller lui-même en Ukraine afin de tourner un film sur le drame qui s’y déroule, lui qui depuis l’invention de l'iPhone a rarement quitté le mode caméra de son appareil, filmant absolument tout ce qui se passait autour de lui.
On lui a dit qu’il avait peut-être passé l’âge de faire un film en temps de guerre. Ça l’a un peu insulté… S’il n’avait pas eu les pressions de Marie-Josée [Raymond, sa femme] et de moi, je suis sûr qu’il serait parti faire un film en Ukraine.
Guy Fournier se souviendra de son frère comme d’un homme enthousiaste, très peu aigri par les échecs et les revers qu’il a connus au fil de sa carrière. Il affirme que l’un de ses seuls regrets a peut-être été la saga qui l’a opposé à l’ancien directeur des programmes de Radio-Canada, Mario Clément, qui avait critiqué la minisérie du cinéaste sur Félix Leclerc dès la diffusion de son premier épisode, en 2005.
C’est peut-être la seule période où j’ai vu Claude manquer d’enthousiasme devant la vie, où j’ai vu Claude aigri
, a conclu son frère.
Une amitié indéfectible avec Pierre Karl Péladeau
De son côté, le patron de Québecor, Pierre Karl Péladeau, s’est lié d’amitié avec Claude Fournier un peu sur le tard, lorsqu’ils ont collaboré pour la création de la plateforme Éléphant. Lancée en 2018, l’initiative a restauré et rendus accessibles au public près de 250 longs métrages de fiction québécois qui ont marqué la mémoire cinématographique de la province.
Claude Fournier était la cheville ouvrière [d’Éléphant]. Il était un perfectionniste, un homme de détails, un homme investi complètement. Et c’est une des raisons pour lesquelles le projet est d’une très grande qualité
, a affirmé l’homme d’affaires à l'émission Tout un matin.
Il se souvient d’un homme chaleureux, quoique plus réservé en personne que ce que certains de ses films pourraient laisser croire.
Ce n’était pas un homme extrêmement extraverti. Moi, je ne l’ai pas connu de cette façon-là, mais [sa partenaire] Marie-Josée Raymond était là probablement pour combler la différence
, a ajouté celui qui a partagé plusieurs soupers avec le couple et différentes personnalités à leur maison de Saint-Paul-d'Abbotsford.
Ce côté extraverti qu’il n’avait pas dans la vie, il l’a certainement projeté intérieurement pour faire les œuvres auxquelles sa mémoire est attachée.