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Des œuvres sur Donald Trump et Doug Ford évoquées pour censurer une exposition en Ontario

Yafang Shi devant la bibliothèque d'Aurora.

Yafang Shi n'a pas accepté la version censurée de son travail par la bibliothèque.

Photo : Patrick Swadden/CBC

Radio-Canada

Une bibliothèque publique au nord de Toronto refuse de présenter l'exposition d'une artiste locale à moins que cette dernière retire des photos et des déclarations critiques de Donald Trump et Doug Ford.

La photographe et poète Yafang Shi est la créatrice de Fire II, une exposition de photographies qui documente plusieurs marches pour les droits des femmes. L’exposition devait prendre l'affiche à la galerie de la bibliothèque publique d'Aurora, en Ontario.

Son ouverture devait coïncider avec la Journée internationale des droits des femmes, mais la bibliothèque dit refuser d’autoriser l'exposition à moins que la photographe ne supprime trois photos et modifie sa déclaration d'artiste de manière significative.

J'ai mis tout mon cœur pour préparer cette exposition pour ma communauté, c’est déchirant, dit Mme Shi à propos de la décision de la bibliothèque. D’autant plus que la direction du l'établissement a été très favorable à son travail dans le passé, assure-t-elle.

Selon la photographe, la bibliothèque conteste la présence de la photo d'une manifestante qui brandit une pancarte affichant Stop Ford !, d'une autre où l’on peut lire Ford érode les libertés et d'une photo avec une autre pancarte où on voit un croquis d'organes génitaux masculins .

Un collage de photos de manifestations.
Agrandir l’image (Nouvelle fenêtre)

Yafang Shi dit que la bibliothèque publique d'Aurora n'autorisera pas l'affichage de ce collage à cause d'une image où l'on aperçoit "Stop Ford!" (au centre à gauche).

Photo : Photo fournie par Yafang Shi

La bibliothèque lui a également demandé d'ajuster sa déclaration d'artiste pour exclure tout langage mentionnant Donald Trump ainsi que les déclarations Sans l'égalité des sexes, la liberté est vide de sens et Ce n'est que lorsque le monde est féministe qu'il devient équitable, juste, sans violence et pacifique.

La bibliothèque justifie sa décision par courriel par le fait qu'elle est financée par l'État.

« Nous ne participons pas à la politique partisane. C'est pourquoi la référence à des politiciens spécifiques ne peut pas être incluse. »

— Une citation de  Bibliothèque publique d'Aurora

L’établissement a signifié à la photographe, le jour prévu pour l’inauguration de l’exposition, qu'elle ne pouvait pas inclure de commentaires politiques directs sur un politicien en poste.

Les travaux de Yafang Shi comprennent des images liées aux manifestations devant les consulats américains dans diverses villes canadiennes après l'annulation de Roe v. Wade aux États-Unis l’an dernier. D’autres images font référence à une autre manifestation, tenue devant Queen's Park lorsque le gouvernement de l'Ontario a imposé une convention collective à 55 000 fonctionnaires et interdit aux travailleurs de l'éducation de faire la grève.

Pourtant, les œuvres laissent voir des collages critiques à l'égard d’autres gouvernements, y compris des régimes iranien et chinois, deux régimes qui ont récemment fait l'objet de manifestations historiques.

La bibliothèque dit que je peux inclure cette partie, mais pas la contestation pour les droits des travailleurs ici ou pour les droits à l'avortement. Ça n'a aucun sens, fait-elle remarquer.

Une violation de la liberté d’expression

Il ne fait absolument aucun doute que la bibliothèque viole la liberté d'expression de Mme Shi, garantie par l'article 2(b) de la Charte , affirme Martha Jackman, professeure de droit à l'Université d'Ottawa.

Cette dernière qualifie la position de la bibliothèque d’ironique parce que les gouvernements au Canada sont liés par la Charte des droits et libertés. Compte tenu de son financement public, la bibliothèque serait alors perçue comme une entité gouvernementale.

Portrait de Martha Jackman.

Forcer la censure de l'exposition de Yafang Shi est une violation flagrante de ses droits garantis par la Charte, selon Martha Jackman.

Photo : Photo fournie par Martha Jackson

Il s'agit d'une institution publique financée par des fonds publics, et la Charte s'applique donc à absolument toutes les décisions qu'elle prend, reprend Martha Jackman.

La bibliothèque signale qu'elle a une politique selon laquelle l’établissement se réserve le droit de déterminer la pertinence de toute exposition proposée dans ses locaux et se réserve le droit d'accepter ou de refuser une exposition, ou de modifier, d'annuler ou de supprimer une exposition à tout moment, à sa discrétion.

L’explication ne convainc pas Martha Jackman, qui souligne que ce n'est pas parce qu'une politique est en place qu'elle est à l'épreuve de la Charte.

Elle pense par ailleurs que le gouvernement provincial devrait régler le problème, si la Ville d'Aurora n'intervient pas.

La Municipalité a refusé de commenter la question, affirmant que la bibliothèque publique est une organisation indépendante et à but non lucratif.

« Dans un monde idéal où notre démocratie constitutionnelle fonctionne correctement, le premier ministre Ford devrait inciter Aurora à dire à la bibliothèque de cesser de violer la liberté d'expression de Mme Shi. »

— Une citation de  Martha Jackman, professeure de droit à l’Université d’Ottawa

Le ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport, qui est responsable de l'administration de la Loi sur les bibliothèques publiques et de l'élaboration de politiques provinciales pour les bibliothèques publiques n'a pas non plus répondu à une demande de commentaires.

Afin d’aller de l’avant avec l’exposition, Yafang Shi a suggéré d'inclure une clause de non-responsabilité où elle endosse l’entière responsabilité de ce qu’elle affiche. L'administration a refusé son offre, malgré sa politique sur l’art public qui indique qu'une exposition n'implique pas l'approbation du conseil d'administration de la bibliothèque publique d'Aurora ou de son personnel.

Un collage de photos.

Sur ce collage, c'est la photo placée en haut à gauche qui pose problème, selon Yafang Shi.

Photo : Photo fournie par Yafang Shi

Jusqu'à présent, l’artiste n'a pas accepté d'exposer la version censurée de son travail par la bibliothèque. Elle met de l’avant le fait que le féminisme signifie prêter attention aux femmes qui manifestent partout dans le monde, y compris au Canada.

Si les premiers ministres et les gouvernements ne peuvent pas être critiqués pour leurs politiques, où est la démocratie de base?, a-t-elle écrit dans un courriel adressé à la bibliothèque le 6 mars.

Mme Shi dit également qu'elle a demandé à la bibliothèque avant d'inclure des photos de la manifestation pour les droits des femmes du 4 mars dernier. Dans un courriel, la bibliothèque lui a répondu : C'est à vous de décider: ce que vous soumettez.

La professeure Jackman indique que Yafang Shi pourrait déposer une plainte contre la bibliothèque en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Le financement de tels processus est très limité, prévient-elle, ce qui laisse beaucoup de personnes faire appel à de l’aide juridique ou aux organisations de défense des libertés civiles.

Sans mentionner un éventuel recours en justice, Yafang Shi souhaite que la bibliothèque mette en place des politiques claires qui permettent la liberté d'expression, même en cas de critique du gouvernement.

Il ne s’agit pas seulement de mon expression particulière, mais de politiques et de principes.

Avec les informations de Patrick Swadden, CBC

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