La réconciliation, au cœur des nouveaux projets énergétiques

La réconciliation économique permet à plusieurs communautés autochtones de recevoir une partie des bénéfices des projets énergétiques situés sur leurs territoires.
Photo : Associated Press / Sue Ogrocki
Le projet de gaz naturel liquéfié Cedar LNG, approuvé par Victoria et Ottawa cette semaine, est le premier au Canada à être mené par une Première Nation. Ce nouveau partenariat semble devenir un modèle pour les futurs projets énergétiques de la Colombie-Britannique.
Quand le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a annoncé le feu vert environnemental donné par la province au projet de construction de terminal gazier Cedar LNG, à Kitimat, la conseillère en chef de la nation Haisla, Crystal Smith, en avait les larmes aux yeux.

Le premier ministre David Eby et le ministre de l'Environnement George Heyman entourent la conseillère en chef de la nation Haisla, Crystal Smith.
Photo : CBC News / Ben Nelms
Pour elle, ce n'était pas seulement un jour historique
, mais un vrai changement du cours de l'histoire pour la Première Nation Haisla, puisque jusqu'à maintenant, les Autochtones ont été laissés pour compte dans le développement économique de leur propre territoire
, dit-elle.
Il n'y a pas à remonter très loin pour trouver des exemples de projets énergétiques auxquels les Premières Nations étaient farouchement opposées, selon Mark Jaccard, professeur à l’École de gestion des ressources et de l’environnement de l’Université Simon-Fraser. Pendant la dernière phase de projets énergétiques au Canada, les Premières Nations ont été vues comme un obstacle
, explique-t-il.
Les Premières Nations disaient : "Attendez une minute, c'est notre terre!"
Entre 2004 et 2016, le projet de pipeline Northern Gateway, d'Enbridge, a suscité une forte opposition, entre autres de la part des Premières Nations de Colombie-Britannique et d'Alberta, qui estimaient ne pas avoir été assez consultées. Le tollé a fini par mener à l'abandon de ce projet de près de 8 milliards de dollars.

Des manifestants contre le pipeline Northern Gateway défilent à Vancouver le 17 juin 2014.
Photo : La Presse canadienne / DARRYL DYCK
Selon Adam Pankratz, professeur d'économie à l'École d'administration Sauder de l'Université de la Colombie-Britannique, il y avait des problèmes avec ce qu'avait fait Enbridge. Ils n'ont pas aussi bien fait leur travail que Cedar LNG ou TransMountain
. Il croit qu'il y a maintenant une reconnaissance que si on n'a pas l'engagement et l'appui des Premières Nations, il n'y a aucune chance que ces projets soient acceptés
.
Un projet de mine crée un précédent
En juin 2022, un projet de mine d'or et d'argent à Eskay Creek (Nouvelle fenêtre), dans le nord de la Colombie-Britannique, est devenu le premier à bénéficier de permis environnementaux délivrés par une Première Nation. L'accord entre la nation Tahltan et l'entreprise vancouvéroise Skeena Resources respecte l'esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui a été adoptée par la Colombie-Britannique en 2019.
Les Premières Nations comme les Haisla ou les Tahltan comprennent très bien qu'elles ont sur leurs territoires des ressources énormes qui peuvent apporter beaucoup de richesse et de prospérité économique à leur peuple
, explique Adam Pankratz.
Des projets bons pour l'environnement?
L'implication des Premières Nations dans les projets énergétiques rend la tâche des environnementalistes plus complexe, selon Mark Jaccard. Maintenant, on a cette phase intéressante où ça devient de plus en plus difficile, même pour les environnementalistes. de dire : "Ne faites pas ce projet parce que les Premières Nations n'en veulent pas"
, explique-t-il.
Donc, vous avez des gestionnaires de projets qui comprennent maintenant qu'il faut impliquer les Autochtones dans ces projets. Que ce soient des projets bons pour l'environnement ou pas, cela reste à voir.
À lire aussi :
Cette semaine, quand le projet Cedar LNG a été approuvé, la Fondation David Suzuki a d'abord rappelé qu'elle accueille avec beaucoup d'enthousiasme la réconciliation avec les Premières Nations et leur droit d'avoir de l'activité économique sur leur territoire
, selon les mots du conseiller principal sur la politique climatique, Tom Green.
La fondation a dit cela avant d'ajouter sa critique du projet : Mais le gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL), toute l'énergie que ça prend et toutes les émissions que ça entraîne, ce n'est pas un projet qui va aider l'humanité à long terme.

La Fondation David Suzuki a tenu à féliciter l'initiative de réconciliation avec les Premières Nations que représente le projet Cedar LNG avant de lancer sa critique du pipeline.
Photo : Getty Images / David McNew
Le responsable de la campagne sur le climat pour Sierra Club BC, Jens Wieting, abonde dans le même sens : Je crains que n'importe quel projet d'énergie fossile dans lequel une communauté investit en appelant ça une contribution à la réconciliation puisse finir de manière tragique.
Des Premières Nations divisées
Les Premières Nations sont également divisées à propos des projets énergétiques. Une partie des Wet'suwet'en est d'ailleurs encore opposée à la construction du gazoduc Coastal GasLink, qui alimentera entre autres le terminal gazier Cedar LNG.
Selon le grand chef Stewart Phillip, de l'Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique, l'expansion de l'industrie du GNL et de la fracturation hydraulique approuvée cette semaine est terrifiante quand on pense à la manière dont cela va toucher les terres et les étendues d'eau dans cette province, ainsi que dans le monde
.