Ingérence étrangère : David Johnston nommé rapporteur spécial indépendant

L'ex-gouverneur général du Canada David Johnston (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé mercredi la nomination de l'ancien gouverneur général du Canada David Johnston au poste de rapporteur spécial indépendant, chargé de déterminer si, oui ou non, une commission d'enquête doit être créée pour examiner les allégations d'ingérence étrangère dans les deux dernières élections fédérales.
Il s'agit d'un nouveau rôle qui a été créé dans le cadre d’une série de mesures visant à lutter contre l’ingérence étrangère et à accroître la confiance dans notre processus électoral fédéral et nos institutions démocratiques
, indique le bureau du premier ministre du Canada dans un communiqué.
Le texte précise par ailleurs que cette décision survient à la suite de consultations menées auprès de tous les partis à la Chambre des communes
.
La date de son entrée en fonction n'a toutefois pas été précisée. Le bureau du premier ministre indique travailler avec M. Johnston pour mettre la dernière main à son mandat dans les jours à venir
. Le mandat sera rendu public par la suite
, ajoute le communiqué.
M. Johnston est un fonctionnaire canadien et un professeur de droit accompli. Il a occupé le poste de 28e gouverneur général du Canada de 2010 à 2017, un rôle important au sein de la démocratie canadienne
, indique le bureau de M. Trudeau.
Il a également été conseiller auprès de l'ancien premier ministre conservateur Stephen Harper lors de la mise en place d'une enquête publique sur des transactions secrètes visant à garantir l'achat d'un grand nombre d'avions Airbus pour Air Canada.
« Dans ce nouveau rôle, M. Johnston sera doté d’un vaste mandat pour examiner les conséquences de l’ingérence étrangère dans les deux dernières élections générales fédérales et pour formuler des recommandations spécialisées sur la manière de mieux protéger notre démocratie et de maintenir la confiance des Canadiens en celle-ci. »
Le gouvernement fédéral assure qu'il respectera ses recommandations publiques, qui pourraient comprendre une enquête officielle, une révision judiciaire ou un autre processus d’examen indépendant, et les mettra en œuvre
.
M. Johnston apporte une intégrité impeccable, une riche expérience et de grandes compétences, et je suis convaincu qu’il mènera un examen impartial pour s’assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises afin de préserver notre démocratie ainsi que de maintenir et renforcer la confiance à son égard
, a dit M. Trudeau, cité dans le communiqué.
Le 6 mars dernier, le premier ministre avait annoncé sa volonté de nommer un éminent Canadien
à ce poste. Il avait également demandé aux responsables du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) ainsi que de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) d'entreprendre des démarches de toute urgence
dans le dossier de l'ingérence étrangère.
Le CPSNR
travaille à huis clos. Il est composé de députés de toutes les formations politiques reconnues à la Chambre des communes et de sénateurs qui possèdent tous une habilitation de sécurité de niveau « très secret », qui sont tous astreints au secret à perpétuité. Quant à l'OSSNR, il s'agit d'un organisme qui examine les activités liées à la sécurité nationale et au renseignement entreprises par le gouvernement.Les partis d'opposition appellent M. Trudeau à lancer une enquête publique depuis plusieurs semaines. D'anciens conseillers du premier ministre, comme Gerald Butts, ont dit au Globe and Mail que cela était nécessaire. Un ancien directeur général des élections a fait de même.
Une série de reportages du réseau Global et du quotidien The Globe and Mail ont détaillé des tentatives d'ingérence orchestrées par la Chine au cours des deux dernières campagnes électorales fédérales.
Ces allégations, évoquées dans des fuites anonymes aux médias en provenance de sources dans des agences de sécurité canadiennes, portent à croire que Pékin voulait s'assurer de la réélection des libéraux de Justin Trudeau − à la tête d'un gouvernement minoritaire − aux dépens des conservateurs. Les reportages indiquent que pour ce faire, des consulats ont été pressés de mobiliser des membres de la communauté sino-canadienne.
L'opposition réclame toujours une enquête publique
Réagissant à la nomination de M. Johnston, le député fédéral néo-démocrate Alexandre Boulerice a affirmé qu'il s'agit d'une bonne nomination
, louant l'excellente réputation
de l'ancien gouverneur général. Il a cependant réitéré l'appel de son parti pour le déclenchement d'une enquête publique indépendante. C'est un aveu de faiblesse de la part de Justin Trudeau de [confier] cette décision-là à quelqu'un d'autre, à un rapporteur spécial, alors qu'il aurait dû faire preuve de leadership
, a dit M. Boulerice.
« J'espère que M. Johnston va prendre une décision très rapidement et que ça sera une commission d'enquête publique. »
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a lui aussi lancé des flèches en direction de Justin Trudeau pour ne pas avoir déclenché une enquête publique indépendante sur les allégations d'ingérence étrangère dans les élections fédérales.
Sans juger des états de service de M. Johnston, on ne peut que constater que Justin Trudeau s’entête à ne pas déclencher maintenant l’enquête publique et indépendante que tout le monde réclame. Il n’est pas question d’utiliser le mandat du rapporteur spécial, dont on ne connaît pas encore les détails ni la durée, pour garder le Parlement et la population dans l’ignorance
, a dit M. Blanchet dans une déclaration écrite transmise à Radio-Canada.
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