Des loyers doublent, des Néo-Écossais veulent savoir si le plafond des loyers survivra
Le gouvernement provincial « n’est pas en faveur d'un régime de contrôle des loyers » comme ceux en place dans d’autres provinces.

Des manifestants réclament un contrôle permanent des loyers, le 23 septembre 2021 devant l'édifice de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, à Halifax.
Photo : CBC / Paul Palmeter
Des locataires et des défenseurs du logement abordable en Nouvelle-Écosse s’inquiètent de la fin du plafonnement temporaire des hausses de loyer et des intentions d’un gouvernement provincial ouvertement hostile au contrôle des loyers.
Une association de propriétaires, pendant ce temps, continue de s’opposer aux limites qu’on leur impose et affirme que cela les encourage à quitter l’industrie.
Pourquoi le plafond est-il temporaire?
Les hausses de loyer sont présentement limitées à 2 % par année en Nouvelle-Écosse. Ce plafond a été mis en place par l’ancien gouvernement libéral en 2020, en réponse aux répercussions économiques causées par le début de la pandémie de COVID-19.
Le Parti progressiste-conservateur avait indiqué durant la campagne électorale l’année suivante qu’il ne voulait plus d’un plafond des loyers. Le parti a été élu en août 2021, mais a éventuellement prolongé la mesure à cause de la crise du logement.
Toutefois, le plafond de 2 % doit se terminer le 31 décembre 2023.
Des façons de contourner le plafond des loyers
Sur le terrain, des locataires constatent entre temps que des propriétaires contournent cette mesure, en expulsant leurs locataires pour diverses raisons, ou en leur faisant signer un bail à durée déterminée qui doit être renégocié.
Un nouveau bail avec un nouveau locataire n’est pas assujetti au plafond des hausses de loyer, donc le propriétaire peut exiger ce qu’il veut.
L’expérience récente d’une résidente de Dartmouth n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans la région d’Halifax.
Elizabeth O'Hanley raconte qu’à la fin de l’année dernière, son voisin et elle ont reçu de leur propriétaire une note leur indiquant que leurs baux à durée fixe ne seraient pas renouvelés lorsqu’ils se termineraient en mars. Le propriétaire disait que sa mère et lui viendraient habiter leurs appartements.
En mars, en cherchant un logement sur Kijiji, Elizabeth O'Hanley s’est rendu compte que l’appartement qu’elle venait de quitter — et pour lequel elle payait 925 $ par mois — était à louer pour 2350 $ par mois.
En quelques jours, les deux appartements ont été loués.

Elizabeth O'Hanley
Photo : CBC / Robert Short
Joanne Hussey, travailleuse juridique au Dalhousie Legal Aid Service, dit que ces exemples sont fréquents dans la grande région d’Halifax.
Elle affirme que c’est un avant-goût de ce qui se produira à grande échelle lorsque le plafond des loyers disparaîtra le 31 décembre.
Les loyers doublent ou triplent, mais les revenus des citoyens n’ont pas triplé, souligne Joanne Hussey. C’est sans oublier les personnes qui vivent de revenus fixes, par exemple les retraités.
Il n’y a aucun moyen que leur situation économique leur permette de suivre des hausses de loyer de cette ampleur
, dit-elle.
En augmentation constante
Selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL), même avec ce plafond temporaire des loyers, le prix des logements a augmenté en moyenne de 9,3 % en un an à Halifax, la hausse la plus importante au Canada.
Le prix moyen d'un appartement à une chambre à Halifax est maintenant de presque 2000 $ par mois, selon une recherche dans Rentals.ca.
À lire aussi :
L’Association pour le logement abordable de la Nouvelle-Écosse dit avoir identifié près de 800 personnes à Halifax qui sont sans logement depuis au moins six mois.
Max Chauvin, directeur du logement et de l’itinérance à la Ville d’Halifax, a déclaré lors d’une récente réunion du conseil municipal que si le plafond des loyers disparaissait à la fin de l’année, la Municipalité se retrouverait avec de 500 à 1000 personnes sans-abri de plus en quelques mois.

Hannah Wood, codirectrice du chapitre d’ACORN sur la péninsule d’Halifax, en entrevue mercredi.
Photo : Radio-Canada / Héloïse Rodriguez
Hannah Wood, codirectrice du chapitre d’ACORN sur la péninsule d’Halifax, prédit que c’est exactement ce qui arrivera.
On va voir des centaines de locataires évincés à cause de hausses de loyer qu’ils ne peuvent pas se permettre, et ils dormiront tous dans la rue
, a-t-elle dit mercredi. Il n’y a plus de places dans les refuges, les logements abordables ne sont pas construits assez vite, et les constructions prévues ne seront pas suffisantes pour répondre aux besoins essentiels en logement.
À l’opposé, un groupe qui représente des propriétaires dans la province soutient que le plafond des loyers leur complique la vie, et ils veulent le voir disparaître en décembre.
Les choses doivent changer. Préférablement l’abolition du plafond. Sinon, il doit être ajusté pour refléter les conditions actuelles du marché, c’est-à-dire l’augmentation des coûts d’exploitation des logements
, déclare Kevin Russell, directeur général de l’Association des propriétaires d’investissements immobiliers en Nouvelle-Écosse.

Kevin Russell, directeur de l'Association des propriétaires d'investissements immobiliers de la Nouvelle-Écosse, en 2017.
Photo : Radio-Canada / Jonathan Villeneuve
Il affirme que les propriétaires vont vendre leurs immeubles s’ils perdent de l’argent et déclare que la responsabilité de la crise du logement ne doit pas reposer uniquement sur leurs épaules.
Le gouvernement doit s’en mêler. Ils doivent régler ce problème. Ils doivent augmenter le parc immobilier. Ils doivent donner des incitatifs aux propriétaires pour qu’ils restent en affaires, et des incitatifs aux développeurs pour qu’ils bâtissent plus de logements
, dit Kevin Russell. Ils doivent avoir un plan clair qui comprendra de l’aide aux propriétaires et de l’aide aux locataires.
Ce plan est pour le moment tout sauf clair, et le contrôle des loyers ne semble pas en faire partie.
Interrogé mardi, le ministre des Services internes, Colton LeBlanc, a dit que le gouvernement de Tim Houston n’est pas en faveur d'un régime de contrôle des loyers
comme ceux en place dans d’autres provinces.

Le ministre Colton LeBlanc le 22 octobre 2021 à Halifax
Photo : CBC / Robert Short
Il affirme que son ministère étudie toutes les options
, mais ne précise pas quelles sont ces options.
Il dit que son ministère est régulièrement en communication avec des intervenants. S’il y a des changements, ils seront annoncés d’ici l’automne, ajoute-t-il.
D’après les reportages de Nicola Seguin (CBC), de Paul Légère et d’Héloïse Rodriguez-Qizilbash