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Le Manitoba veut limiter le nombre de chasseurs de canards américains dans la province

Trois personnes dans un bateau.

Doug Janes et sa compagne, Lesley-rae Karnes, ainsi que le chien Kait, qui a la qualification canine de « maître-chasseur », allant à la chasse au canard.

Photo : Doug Janes

Le Manitoba a annoncé discrètement de nouveaux règlements pour la chasse aux oiseaux migratoires vendredi. La province instaure notamment un système de tirage au sort pour les permis de chasseurs étrangers.

Auparavant, les chasseurs d’oiseaux migratoires au Manitoba venant de l’étranger – presque exclusivement des Américains – étaient soumis aux mêmes règles que les résidents, en payant un permis un peu plus cher.

Ils pourront dorénavant chasser des canards et des oies seulement pendant une période limitée de sept jours consécutifs, pendant une saison qui dure de deux à trois mois. Ces permis seront répartis entre un système de tirage au sort et les pourvoyeurs de la province. La province crée aussi un permis de droit acquis pour les propriétaires et les locataires de terrains au Manitoba qui habitent en dehors du pays.

La première année, chaque chasseur étranger désirant un permis en obtiendra un, mais, selon une brochure du ministère des Ressources naturelles et du Développement du Nord, ce ne sera pas toujours le cas.

Pour les prochaines années, le but du tirage au sort est d’autoriser un nombre maximal de chasseurs étrangers [sans guide], en s’assurant que les terres restent disponibles pour tous, indique le document, qui ne précise pas quel pourcentage des demandeurs obtiendront un permis dans les années à venir.

Une ébauche de la réglementation publiée cet automne visait à réduire de 20 % le nombre de chasseurs étrangers par rapport à la moyenne annuelle d’avant la pandémie.

Un texte montrant la proportion de canards tués par des résidents et des étrangers.
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Les chasseurs étrangers récoltent environ la moitié des canards tués au Manitoba.

Photo : Radio-Canada

Une réduction de 20 % réduira la pression sur la chasse et la concurrence pour l’accès des chasseurs résidents, tout en offrant aux chasseurs étrangers la possibilité de venir chasser au Manitoba, indique l’ébauche.

La province soutient qu’il est nécessaire de limiter le nombre de chasseurs étrangers d’oiseaux migrateurs au Manitoba. Les résidents étrangers représentent maintenant plus de 50 % de la chasse provinciale annuelle de canards tout en achetant seulement environ un tiers de tous les permis provinciaux annuels pour le gibier à plumes vendus au Manitoba, précise-t-on dans l’ébauche de réglementation.

Environ 3500 chasseurs étrangers achètent un permis chaque année, alors qu’il y a 10 000 chasseurs de canard au Manitoba chaque année, en moyenne. Voyage Manitoba estime que les chasseurs ont dépensé environ 212 millions de dollars en 2020, dont 165 millions de dollars provenaient de personnes vivant au Manitoba.

Ça change tout

Doug Janes est l’un des chasseurs américains qui viennent au Manitoba chaque année. Le dresseur de chiens rapporteurs, originaire du Wisconsin, chasse le canard dans la région de The Pas depuis 31 ans.

J’adore les grandes plaines et les grands marais du nord du Manitoba. C’est un lieu incroyable qui est devenu une partie intégrante de ma vie, confie-t-il. C’est l’immensité, la beauté de ces ressources naturelles. [Les canards] y commencent la migration chaque automne, ils commencent là-haut et on peut en être témoin.

Il a été pris de court par l’annonce des nouvelles règles au Manitoba. S’il est limité à une période de sept jours pour chasser et qu’il ne sait pas s’il peut obtenir un permis avant la date du tirage au sort en juin, ça change tout pour lui.

Je commence la planification en hiver, pour l’automne suivant , dit-il. Mes meilleurs amis au monde sont là-haut.

Doug Janes dans un champ avec un chien noir.

Doug Janes et son chien Bond, qui a aussi la désignation de « maître chasseur ». Il explique qu'il a dressé parmi les « meilleurs chiens rapporteurs du monde » en chassant près de The Pas.

Photo : Doug Janes

Doug Jones soutient qu’il n’a jamais eu l’occasion de faire valoir son opposition aux nouveaux règlements auprès de la province. Il ajoute qu’il n’a jamais vu les comportements dont la province parle, à savoir le fait de s'accaparer des terres publiques, afin de justifier ces mesures.

Il est rare que je voie trois autres chasseurs durant une saison, explique-t-il. The Pas se trouve à l’extérieur de la région des fondrières des Prairies, qui s’étend de l’Alberta jusqu’en Iowa, aux États-Unis. Les millions de mares de cette région créent un environnement particulièrement favorable aux sauvagines, et, donc, aux chasseurs.

Les problèmes liés aux chasseurs étrangers relevés par la province sont concentrés dans cette région. Doug Janes pense qu’il pourrait y avoir des règles différentes selon les secteurs de la province, afin d’éviter de pénaliser tous les chasseurs.

Les chasseurs américains les plus touchés par ces mesures sont les chasseurs indépendants comme Doug Janes. Pour des raisons de préférence ou de moyens, ils n'engagent pas de guide ou de pourvoyeur.

Faire du Manitoba la Mecque de la chasse aux canards

Lorsque l’ébauche des nouveaux règlements a été dévoilée, l’organisation à but non lucratif internationale Delta Waterfowl a constaté qu'il y avait des intérêts contradictoires pour ses membres au Canada et aux États-Unis.

Ils avaient des points de vue diamétralement opposés, note l’agent principal chargé des politiques de l’association, au Dakota du Nord, John Devney.

Les chasseurs américains voulaient la possibilité de chasser plus longtemps et sans tirage au sort au Manitoba, et les chasseurs manitobains étaient contents d’une réduction de la pression occasionnée par les chasseurs étrangers. M. Devney estime que la province a trouvé un juste milieu.

Des silhouettes de canard sur l'eau calme d'un lac.

Des appelants à canard dans un lac manitobain, à l'aube.

Photo : Radio-Canada / Gavin Boutroy

Un document du gouvernement du Manitoba souligne que le permis de sept jours et le tirage au sort visent à décourager la création de systèmes de contrôle qui nuisent à d’autres chasseurs.

Avec un permis de sept jours, le meilleur pari pour les chasseurs indépendants sera d’aller à l’hôtel, des propriétés de location et des restaurants, plutôt que de construire et d’utiliser des camps privés, peut-on y lire.

Le but est de faire du Manitoba la Mecque de la chasse à la sauvagine, où l’expérience est d’une qualité supérieure aux régions trop commercialisées et dont les terres ont été privatisées, selon la province.

C’est cette vision qui a poussé l’association des pourvoyeurs, la Manitoba Lodges and Outfitters Association, à accepter une réduction de sa clientèle américaine potentielle.

Un graphique montrant la baisse du nombre de vente de permis au Manitoba.
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En 1978, plus de 50 000 Manitobains chassaient des oiseaux. Le chiffre a baissé pour se stabiliser vers 10 000 chasseurs dans de récentes années. Le nombre de permis vendus aux étrangers est resté relativement stable pour la même période.

Photo : Radio-Canada

Les membres de l’association et les pourvoyeurs résidents font de nombreux sacrifices pour s’attaquer à la capacité de charge et à l’accessibilité, indique le gérant des communications, Noel Linsey. Il ajoute que l’association reconnaît l’importance de moderniser les règles de la chasse aux oiseaux migratoires au Manitoba.

John Devney, de l’association Delta Waterfowl, souligne que le Manitoba joue un rôle important dans l’imaginaire des chasseurs américains et dans la reproduction des canards en Amérique du nord.

Les Fuligules abattus en Virginie ont grandi à Minnedosa [au Manitoba], par exemple, et il ne serait pas rare pour les canards pilets nés dans l’ouest des Prairies de se rendre en Californie, fait-il valoir. Pour cette raison, des Américains ont fourni des millions de dollars à la préservation de zones humides au Manitoba.

Une carte de l'Amérique du Nord avec une grosse tache au milieu, de l'Alberta à l'Iowa.
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Les millions de mares de la région des fondrières des prairies créent un environnement particulièrement favorable aux sauvagines et donc aux chasseurs.

Photo : Radio-Canada

Toutefois, outre l'importance du maintien de la population de canards, les Américains aiment beaucoup avoir l’occasion de chasser au nord de la frontière avec le Manitoba.

Entre 2011 et 2015, il y avait en moyenne 65 822 chasseurs de canard par année au Minnesota, et 54 102 par année, au Wisconsin. Au Manitoba, pour la même période, il y en avait beaucoup moins : seuls 16 074 permis de chasse aux oiseaux de gibier, en moyenne, ont été vendus chaque année dans la province.

La sensation au Manitoba est vraiment différente de celle dans beaucoup d’endroits aux États-Unis, ajoute John Devney. L’accès et les occasions de chasser semblent infinis pour un gars qui a grandi en Arkansas ou en Californie.

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