Des accompagnantes à la naissance se disent victimes d’une femme faussement enceinte

La suspecte fait face à 32 chefs d'accusation pour avoir prétendument simulé sa grossesse.
Photo : Shutterstock
En Ontario, un groupe d’accompagnantes à la naissance croient être les victimes d'une femme qui fait maintenant face à des dizaines d'accusations pour avoir sollicité frauduleusement leurs services.
La résidente de Brantford Kaitlyn Braun, 24 ans, a été arrêtée par la police locale lundi et fait face à plus de 30 chefs d'accusations de harcèlement criminel, de fraude et d'agression sexuelle.
Les enquêteurs disent qu'elle aurait demandé l'aide d’une cinquantaine d’accompagnantes à la naissance dans toute la province pour de fausses grossesses et de fausses mortinaissances de juin 2022 à février 2023.
Aucune des allégations n'a été prouvée en cour.
Parmi elles, les trois travailleuses avec qui le réseau CBC a parlé racontent que leur expérience avec la suspecte leur a causé de sévères traumatismes, ainsi que la perte d'un temps précieux et, dans certains cas, aucune compensation financière.
J'ai assisté à de nombreuses naissances, donc je sais à quoi ressemble le travail
, assure Amy Silva, une accompagnante de London qui pratique depuis cinq ans. Rien ne semblait aller de travers chez cette personne, ni pour moi ni pour les autres. Et nous en avons toutes parlé.
Une accompagnante à la naissance est une professionnelle formée qui fournit un soutien physique, émotionnel et informationnel continu aux clientes avant, pendant et peu de temps après l'accouchement. Elles aident également à surmonter le deuil et les traumatismes liés à la perte de grossesse.
Cependant, elles ne sont pas autorisées à procéder à des actes obstétricaux, car elles ne sont pas des professionnelles de la santé. Elles n'ont aussi pas accès à l'équipement ni aux dossiers médicaux.
Notre fonds de commerce est basé sur la confiance
Toutes les accompagnantes contactées ont fait part d'histoires semblables sur la façon dont Mme Braun les a approchées.
La suspecte les a abordées une à une sur les réseaux sociaux pour solliciter leurs services, notamment du soutien à la perte de grossesse, à la mortinaissance et au travail.
À écouter :
Elle aurait notamment prétendu que sa grossesse était le résultat d'une agression sexuelle et qu'elle n'avait aucun soutien de ses amis ou de sa famille. Toutes ont eu des récits différents sur l'état d'avancement de sa grossesse.
Mais à cette étape du récit, la compassion pour sa situation a prévalu et les accompagnantes ont accepté de travailler avec elle gratuitement.
Amy Silva dit avoir été contactée à la mi-février. Kaitlyn Braun lui a alors expliqué qu'elle était enceinte de 24 semaines et qu'elle avait besoin d'aide pour accoucher d'un mort-né.
Notre fonds de commerce est basé sur la confiance et les relations avec les gens, donc quand quelqu'un vient nous voir et dit "je vis une perte", on ne remet pas ça en question
, dit-elle.
Des éléments de méfiance
L’accompagnante londonienne Seanna Hayes a quant à elle été approchée en août 2022. La suspecte lui a affirmé être enceinte de 41 semaines et avoir besoin de soutien pour accoucher chez elle, à Brantford, citant d'innombrables excuses pour éviter d'aller à l'hôpital.
Elle pleurait et criait, disant qu'elle avait été agressée à l'extérieur d'un hôpital par le passé et que c'était très angoissant pour elle
, se souvient Mme Hayes.
« J'ai travaillé chez elle pendant trois jours, après quoi on est parties à l'hôpital de Cambridge et son travail s'est mystérieusement arrêté en chemin. Elle faisait semblant de téléphoner à l'hôpital pour me dire que les médecins lui avaient dit qu'elle pouvait rester à la maison. »
Seanna Hayes est devenue méfiante et a appelé l'hôpital elle-même. Les responsables lui ont alors assuré n’avoir jamais dit à une patiente enceinte de rester à la maison. L’accompagnante a ensuite convaincu Kaitlyn Braun qu'ils devaient retourner à l'hôpital et se faire examiner. Une fois là-bas, Mme Tesse raconte avoir entendu un médecin dire à sa cliente qu'elle n'était pas enceinte et qu'il n'y avait rien en elle, mis à part un stérilet.
À ce moment-là, la suspecte a agi de manière très confuse et est devenue émotive, affirmant ne pas comprendre ce qui se passait, se souvient l’accompagnante.
Elle est très douée pour jouer la comédie
Kaitlyn Braun aurait dit à Amy Silva qu'elle était étudiante au Collège King's University et qu'elle vivait en résidence à London.
Prétendant qu’elle ne se sentait pas à l'aise de passer l’étape du travail dans sa maison avec des colocataires, elle a loué un Airbnb pour plus d'intimité.
Selon Mme Silva, tout ce qui concerne le processus de travail de Mme Braun semblait normal et son comportement semblait sincère.
Ses contractions étaient espacées, ce qui est normal quand on est nerveux
, explique-t-elle.
« Elle pleurait et disait : "J'ai vraiment peur et je ne peux pas le faire", et quand elle se sentait en sécurité, les contractions reprenaient, donc ça ne ressemblait pas à un faux travail. Elle est très douée pour jouer la comédie. »
Une autre accompagnante, Abigail Dienesch, de Durham, dit qu’elle était en train d’aider Mme Braun avec un mort-né la semaine dernière, et qu'elles étaient ensemble lorsque celle-ci a reçu un appel de la police lui disant qu'elle faisait l'objet d'une enquête pour fraude.
C'était vraiment choquant. Honnêtement, ça ressemblait à un film
, se souvient la professionnelle.
C’est difficile de comprendre que la personne avec qui j'étais est la même personne dont tout le monde parle.
Une expérience traumatisante
Les trois accompagnantes ont toutes déclaré qu'elles n'avaient aucune idée de ce qui avait poussé la jeune femme à agir de la sorte. Toutes assurent que leur rencontre avec elle a eu un impact sur leur vie.
Abigail Dienesch affirme s’être mise d’accord pour un contrat de 800 $, une somme qu'elle dit ne jamais avoir reçue.
Mes enfants ont passé deux jours chez leur grand-mère parce que je ne pouvais pas être à la maison avec eux
, déclare-t-elle. Si ça avait duré plus longtemps, j'aurais dû annuler d'autres contrats.
Seanna Hayes dit quant à elle avoir recours à un thérapeute parce que son expérience l'a amenée à suspecter toute cliente potentielle qui la contacte.
C'était vraiment traumatisant pour moi et c'est même difficile pour moi d'avoir des consultations avec les gens, ce qui est vraiment malsain et peu propice à une relation de confiance avec mes clientes, ce qui est important dans ce métier.
Enfin, pour Amy Silva, de nombreuses accompagnantes à la naissance qui, comme elle, ne facturent pas des services tels que le soutien à la perte de grossesse envisagent maintenant de le faire.
J'ai pris du temps dans ma vie bien remplie pour aider cette personne, sans poser de questions et sans rien demander en retour
, expose-t-elle.
Plus de victimes possibles
Les enquêteurs de la police de Brantford ont décidé de divulguer le nom de Kaitlyn Braun parce qu'ils pensent qu'il pourrait y avoir plus de victimes. Ils demandent à toute personne qui croit en avoir été victime de les contacter au 519 756-7050 au poste 2262 ou par l'entremise d'Échec au crime au 519 750-8477.
Kaitlyn Braun fait face aux accusations suivantes :
- 10 chefs d'accusation de harcèlement criminel
- 12 chefs d'accusation de faux semblants
- 4 chefs d'accusation de fraude
- 3 chefs d'accusation d'agression sexuelle
- 3 chefs d'accusation d'acte indécent
Elle a été placée en détention jusqu'à sa comparution devant le tribunal prévue ce 15 mars.