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Arrestations de masse à Montréal : les manifestants veulent des excuses publiques

Deux mains sont liées par une main gantée qui utilise une attache autobloquante.

Les manifestants demandent aussi aux autorités d'abandonner certaines pratiques policières. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz/La Presse canadienne

Même s'ils recevront des compensations totalisant 6 millions de dollars, les manifestants brimés par la police de Montréal entre 2011 et 2015 demandent à la mairesse Valérie Plante et au directeur du SPVM, Fady Dagher, de s’excuser de vive voix et de prendre plus de mesures pour faire cesser certaines pratiques policières.

Malgré l’entente judiciaire approuvée le 22 février dernier entre la Ville de Montréal et les avocats des manifestants, ces derniers déplorent notamment que les excuses municipales aient été vite enfouies au fin fond du site Internet de la Ville.

Dans cette lettre d'excuse qui n’apparaît que quand on clique en bas d’un communiqué de presse, on peut lire que la Ville admet que certains gestes posés par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et l’administration municipale ont porté atteinte à certains droits fondamentaux des manifestants, leur causant des dommages.

On voudrait que les instances responsables prononcent cette lettre d’excuse, a résumé Guillaume Perrier, qui représente les manifestants arrêtés le 15 mars 2013.

« Les excuses n’ont de sens que si elles sont clairement, explicitement et publiquement exprimées et assumées. »

— Une citation de  Marcel Sévigny, représentant des personnes arrêtées le 7 juin 2012

En tout, 16 recours collectifs ont été lancés pour des arrestations et des détentions illégales d’environ 3300 personnes entre 2011 et 2015. Les manifestants dénonçaient notamment la hausse des droits de scolarité ou les brutalités policières. Ces arrestations ont laissé des traces.

Témoignages troublants

À ce jour [10 ans plus tard], je fais encore des cauchemars et j’ai peur de manifester, a témoigné Isabel Matton, qui indique avoir été poivrée, molestée, menottée et gardée pendant des heures.

Durant tout le temps de notre détention illégale [dans des autobus], nous avons été privés d'eau, de nourriture et de la possibilité d'aller aux toilettes, a ajouté Sophie Vallée-Desbiens, qui a vécu des événements similaires lors d’une manifestation qui se tenait pourtant un après celle de Mme Matton.

« Il régnait une chaleur accablante dans ces autobus, certains ont eu des malaises, d’autres, des crises de panique. Tout cela pour un prétendu règlement municipal (P-6) qui s’est avéré inconstitutionnel. »

— Une citation de  Sophie Vallée-Desbiens, ancienne manifestante

Ces arrestations avaient souvent lieu avant même que la manifestation ne se mette en marche au prétexte que l’itinéraire n'avait pas été communiqué aux forces policières en vertu du règlement P-6, a expliqué Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés.

Elle a souligné que même si la validité du règlement P-6, adopté sous l'administration de l'ex-maire Gérald Tremblay, a finalement échoué en Cour et qu'il a été abrogé (de même que la pratique de la souricière), son organisation demande aux autorités municipales de rendre des comptes.

Les policiers utilisent le poivre de cayenne lors d'une manifestation en juin 2012 à Montréal.

Les policiers utilisent le poivre de cayenne lors d'une manifestation en juin 2012 à Montréal.

Photo : PC/Peter Mccabe

La Ligue veut savoir quelles mesures concrètes sont et seront prises pour assurer le respect du droit de manifester et réclame que ces explications aillent au-delà des phrases creuses auxquelles les autorités nous ont habituées jusqu’à présent.

Elle donne en exemple le fait que le retrait des balles de caoutchouc de l'arsenal policier faisait partie d’une des promesses de Projet Montréal et Valérie Plante en 2017 et que cette promesse n'a pas été tenue à ce jour.

L'administration Plante réagit

Par courriel puis sur Twitter, l'administration Plante a réitéré les excuses de la Ville de Montréal à l'égard de toutes les personnes qui ont été touchées. Mais le cabinet de la mairesse n'a pas répondu directement à la question d'excuses publiques, se contentant de mentionner que l'administration Plante était celle qui avait abrogé le règlement P-6.

Il est toutefois prévu qu'elle se prononce sur le sujet, mercredi, lors d'un point de presse.

Selon Marcos Ancelovici, ce sont les façons de faire de la police qui doivent être passées au crible.

Les enjeux, ce n’est pas juste la formation des policiers, c’est aussi comment la police comprend son rôle, comment elle est encadrée par le pouvoir civil et pourquoi on a plus de policiers par habitant que Toronto. Pour la police, on ne peut jamais couper les budgets, alors qu’on le fait en santé et en éducation, a-t-il souligné.

Il souligne que même si la répression policière des manifestations peut sembler lointaine, la police est toujours aux prises avec un problème de profilage racial et que le nouveau chef Fady Dagher avait défendu le règlement P-6 devant le conseil municipal en 2014 alors qu’il était directeur adjoint du SPVM.

Les organisateurs de la conférence de presse ont appelé les quelque 3300 personnes arrêtées illégalement lors de 16 manifestations bien précises, à 14 dates différentes, à contacter les cabinets d’avocats concernés.

  • Melançon Marceau Grenier Cohen (8 recours collectifs) : manifestations du 7 juin 2012, 15 mars 2013, 22 mars 2013, 5 avril 2013, 1er mai 2013, 15 mars 2014, et 1er mai 2014;
  • Arsenault Dufresne Wee : 15 mars 2011, 15 mars 2012, 9 avril 2015, 20 et 23 mai 2012;
  • Ray Casgrain : 1er mai 2014 et 15 mars 2015.

Lorsque l'on déduit les frais juridiques, les sommes à distribuer vont de 1500 $ à 2000 $ par dossier.

Néanmoins, plusieurs manifestants qui avaient été arrêtés lors d'autres manifestations que les 16 événements visés par les recours collectifs ne recevront aucune indemnisation, déplore Alex Tyrrell, chef du Parti vert du Québec.

Ce dernier a été arrêté avec des dizaines d'autres manifestants, les 22 mai 2012 et 13 mars 2013, avant de subir les mêmes traitements déjà signalés : mains menottées dans le dos pendant des heures, intimidations verbales et physiques de la part des policiers et nombreuses heures perdues en cour pour contester les contraventions.

Nous n’avions pas les moyens à l’époque pour nous défendre devant les tribunaux pour faire valoir nos droits, explique-t-il. Les délais judiciaires pour intenter une action collective sont dépassés, alors M. Tyrrell se tourne désormais vers la Ville de Montréal pour qu'elle étende son processus d'excuses et d'indemnisation à tous ceux et celles qui ont été arrêtés arbitrairement.

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