Les Néo-Écossais ne reçoivent pas l’aide requise pour retirer les images intimes en ligne
Le système d’aide contre la cyberintimidation, CyberScan, doit être amélioré, selon des experts.

Le système d’aide contre la cyberintimidation de la Nouvelle-Écosse doit être amélioré, selon des experts.
Photo : iStock
Les Néo-Écossais dont des images intimes ont été publiées en ligne sans leur consentement ne bénéficient pas du système d’aide contre la cyberintimidation de la province et tentent de prendre les choses en main pour faire retirer ces images. Dans plusieurs cas, ils ne savent même pas que ce système existe, selon un nouveau rapport.
Alexandra Dodge, criminologue à l’Université Saint Mary’s, estime que ce problème est suffisamment grave pour que de nombreuses personnes dans cette situation ne sachent pas que la province dispose d'un système conçu pour les aider.
Il s’agit du système CyberScan, créé en 2013, après la mort de Rehtaeh Parsons, une élève de l’école secondaire de Cole Harbour, décédée peu de temps après avoir tenté de se suicider à la suite de la diffusion d’une photo intime d’elle.
Selon Alexandra Dodge, le système était bien connu à cette époque, mais il l’est moins aujourd’hui, alors que le problème de la cyberintimidation au moyen d’images intimes ne cesse de s’aggraver.
Presque le double de cas en 5 ans
À Halifax, le nombre de cas signalés a presque doublé au cours des cinq dernières années, passant de 12 en 2018 à 23 en 2022, selon la police d’Halifax.
Ailleurs en province, la GRC affirme que le nombre de cas a également presque doublé, passant de 71 en 2018 à 130 en 2022.
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On ne sait pas combien d’images ont été retirées. Alexandra Dodge explique que de nombreuses personnes ne portent pas plainte, parce qu’elles veulent que leurs images soient retirées sans intervention judiciaire.
La criminologue est d’avis que la province a besoin d’une équipe de soutien technique qui se consacre exclusivement au retrait des images.
Un système trop contraignant pour les jeunes
Selon un avocat spécialiste de la protection de la vie privée, David Fraser, le système en place crée des obstacles pour les jeunes en particulier. Il estime qu’il est grand temps de l’améliorer.
David Fraser croit que les jeunes doivent pouvoir agir sans le consentement d’un parent ou d’un tuteur dans ce cas, devant la cour.
À l’heure actuelle, si un jeune veut porter l’affaire devant les tribunaux, le processus exige un avis de demande, un affidavit et une personne pour plaider au nom de la victime. Auparavant, les demandes pouvaient être introduites par l’unité CyberScan, mais ce n’est plus le cas.
Il dit que la province n’a pas approuvé ses recommandations visant à réduire les obstacles pour les jeunes lorsqu’elle a fait une révision de la loi sur les images intimes et la cyberprotection.
Le gouvernement aurait pu abaisser cette barrière ou mettre en place des mesures supplémentaires ou fournir, par exemple, des conseils juridiques gratuits, en particulier pour les jeunes, afin de lancer ces demandes
, précise l’avocat.
David Fraser est aussi d’avis que la Nouvelle-Écosse doit se pencher sur les questions liées à l’intelligence artificielle. Il ajoute qu’un nouveau projet de loi en Colombie-Britannique reconnaît les images modifiées par l’intelligence artificielle comme des images intimes. L’avocat estime que la Nouvelle-Écosse pourrait modifier sa loi en ce sens.
Nous constatons un phénomène croissant de ce que l'on appelle les hypertrucages [deepfakes] qui montrent une personne dans une situation intime dans laquelle elle ne se trouvait pas en réalité
, explique-t-il.
Une victime raconte
Des images intimes de Jean-Mari Hattingh ont été mises en ligne lorsqu’elle avait 13 ans et qu’elle vivait à l’étranger.
Elle dit avoir peur chaque fois que son téléphone sonne et qu’un numéro inconnu s’affiche sur son écran.
Elle est aujourd’hui étudiante en droit à l’Université Dalhousie. Elle croit aussi que la province doit mobiliser des ressources pour le retrait de ces images, car elles traumatisent les victimes à jamais.
Ce genre de choses doit être pris au sérieux. Le fait que la police vous donne des ressources ne va pas nécessairement aider à résoudre le traumatisme
, dit Jean-Mari Hattingh.
La souffrance et la douleur que vous ressentez lorsque vous devez vous présenter à l'école et que ces personnes vous connaissent et voient ces photos très intimes de vous, et qu'elles vous harcèlent et se moquent de vous, ce n'est tout simplement pas acceptable et ce n'est pas juste pour qui que ce soit.
D’après le reportage de Anam Khan, de CBC