L’Ontario approuve assez de logements, mais la construction traîne, selon un rapport

L'Ontario a introduit un projet de loi visant à accélérer la construction de maisons dans toute la province.
Photo : CBC/Patrick Morrell
Sur papier, l’Ontario a déjà plus de 1,25 million de logements prêts à construire. Pour plusieurs experts en planification urbaine, le problème réside davantage dans la manière dont la province pourrait pousser les promoteurs à démarrer plus rapidement les travaux.
Selon un nouveau rapport des Commissaires de la planification régionale de l’Ontario (RPCO) sur l’état de disponibilité des logements, la province a déjà en route de quoi améliorer la pénurie.
Une fois que les projets de construction ont été approuvés par les municipalités, il n’existe pas d’obligation d'échéancier pour construire lesdits logements.
Le RPCO indique que ses calculs se basent sur des chiffres de l’an dernier, avant que le premier ministre Doug Ford adopte le projet de loi controversée 23 visant à accélérer la construction de plus de logements.
Ce projet vise à créer 1,5 million de nouveaux logements dans la prochaine décennie. Ce chiffre ne prend pas en compte les logements déjà approuvés.
À lire aussi :
Selon les planificateurs, si la province arrivait à pousser les promoteurs à démarrer les travaux approuvés, elle remplirait déjà 85 % de son objectif.
Je pense que [le rapport] montre que le défi du logement n’est pas vraiment une question de terrains disponibles ni un problème d'approbation des permis de construire
, explique le président de RPCO, Thom Hunt.
Une extension dans la Ceinture de verdure peut-être pas nécessaire
Parmi les points de controverse dans le projet de loi 23, il y a le projet de récupérer des terrains dans la Ceinture de verdure pour créer 50 000 logements.
Pourtant, selon les chiffres du RPCO, Thom Hunt estime que le gouvernement n’a pas besoin dans les faits de recourir à une telle mesure pour répondre aux besoins.
Il n’est pas nécessaire de faire une expansion des limites des frontières urbaines dans la plupart des cas, et il n’est certainement pas nécessaire d’aller dans la Ceinture de verdure
, explique-t-il.
Il ajoute que, selon les chiffres, le gouvernement devra faire des efforts pour s’assurer que des logements abordables soient bâtis parmi ces projets déjà en cours. Il estime que des partenariats seront nécessaires en ce sens entre les gouvernements provincial et fédéral, les acteurs à but non lucratif et le secteur privé.
Les autorisations ne font pas tout
Le conseiller municipal de Toronto Brad Bradford nuance quant à lui la situation. Il estime que les chiffres du rapport ne sauraient permettre de conclure que le problème est réglé.
Il explique que faire construire les logements n’est pas chose aisée.
Je pense que le circuit de développement est souvent mis à mal par des gens qui ne veulent pas voir plus de constructions. On fait face à un important vent contraire dans notre effort de fournir davantage de logements
, dit-il.
Cela inclut la hausse des taux d’intérêt, qui rend la construction plus chère pour les promoteurs, l’inflation qui augmente la pression sur les matériaux et la manque continue de main-d’œuvre, indique Brad Bradford.

Le conseiller municipal Brad Bradford.
Photo : Radio-Canada / Lyne-Françoise Pelletier
On ne peut pas dormir sur nos lauriers avec les permis. Cela va demander tout un gouvernement et une collaboration avec l’industrie
, précise celui qui est aussi président du Comité de planification et de logement de la Toronto et ancien planificateur urbain.
Le chef de la planification de la Ville Reine, Gregg Lintern, a déjà indiqué qu’une moyenne de plus de 29 700 logements résidentiels a été approuvée par an de 2017 à 2021. Durant la même période, seulement près de 16 000 ont été construits chaque année.
Bien que la Ville approuve deux fois plus de logements que ceux qui sont construits, il est important de permettre un large éventail de logements pour combler différents besoins, et de travailler à améliorer la durée des consultations et de réduire le temps pour les autorisations
, affirme Brad Bradford.
Une incompréhension autour du processus d’approbation des permis
Matti Siemiatycki est le directeur de l’Institut d’infrastructure à l’Université de Toronto. Il explique que les chiffres du RPCO montrent qu’il existe des idées fausses autour du processus d’approbation de permis.
Si les permis peuvent parfois prendre du temps à être acceptés, il estime également qu’il existe certaines forces sur le marché qui tendent à retarder les constructions.
On sait aussi que certains logements approuvés ne sont pas construits. Je pense qu’on a besoin de plus d’enquêtes pour savoir pourquoi cela se produit.
Parmi les explications possibles, il évoque le fait que les promoteurs sont sensibles aux forces sur le marché et inquiets quant au rejet communautaire de certains projets. Parfois, les promoteurs font aussi face à des changements de direction internes qui peuvent faire dérailler des projets pourtant approuvés.
Il reconnaît en même temps que les municipalités n’ont pas d’autre choix que de répondre à la pression pour accélérer le processus de planification.
Au bout du compte, on a besoin de plus d’espaces où les gens peuvent vivre. Si le système est bloqué avec des projets qui ne sont pas construits et qu’il existe des façons d'atténuer ce problème, c’est important de le faire
, estime Matti Siemiatycki.
Une porte-parole pour le ministère des Affaires municipales explique de son côté que le gouvernement ne peut pas rester les bras croisés
alors que le coût du logement ne cesse de grimper. Même si tous les logements recensés dans le rapport sont construits, la province a tout de même besoin de centaines de millions d’autres pour remplir son objectif, explique le communiqué.
Selon cette porte-parole, la loi 23 a déjà permis d'accélérer le processus d’attribution des permis et de construction.
D’après les informations de Shawn Jeffords