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Le défi de se défaire d’une dépendance à la vapoteuse à cannabis à 15 ans

Se défaire de la wax pen, une vapoteuse à cannabis à forte teneur en THC, est une épreuve difficile. Un adolescent d'une école secondaire de Sherbrooke témoigne de son combat.

Un jeune avec une vapoteuse à cannabis aux lèvres.

Les vapoteuses à cannabis sont de plus en plus populaires chez les jeunes.

Photo : Radio-Canada / André Vuillemin

Adam* et son intervenante du Centre Jean-Patrice-Chiasson m’attendent dans un petit local situé près de l'accueil à l’entrée de l’école de l’adolescent. Je ne vais pas les rencontrer pour qu’Adam me relate son dernier exploit sportif ou me parle de ses résultats scolaires. L’adolescent, qui vient à peine d’avoir 15 ans, a plutôt accepté de me raconter comment il est devenu dépendant à la vapoteuse à cannabis, connue sous le nom de wax pen, et comment il s’y prend pour s’en détacher. Un acte de courage et d’humilité pour celui qui vapotait tous les jours, voire plusieurs fois par jour.

Vêtu entièrement de noir, Adam a le visage d’un jeune qui ne sourit pas souvent et qui a traversé des périodes difficiles. Je fais des suivis. C'est compliqué, mais j'ai réussi à beaucoup réduire, explique-t-il sans afficher une grande fierté de cette réalisation. Il confie toutefois qu’il ressent les aspects positifs de sa démarche. Je me sens mieux. J’ai un poids de moins sur les épaules.

Un jeune appuyé sur un mur de corridor d'une école secondaire.

Il est difficile pour Adam de se défaire de sa dépendance au cannabis.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Il faut dire qu’il a réussi à passer une des étapes cruciales de son cheminement, celle qui s’est révélée la plus souffrante pour lui jusqu’à présent, soit les premières semaines de sevrage.

[C’était] très dur. J'étais agressif, enragé, explique-t-il sans verser dans l’émotion. T'as le goût d'en trouver, mais il faut rester fort. Il faut que tu te dises que tu n’es pas en train de faire ton sevrage pour rien. Tu veux arrêter. C'est surtout dans le mental.

Il semble avoir dû puiser au fond de lui-même pour passer au travers. Aujourd’hui, il paraît motivé à ne plus retomber dans les excès des dernières années de sa jeune vie, mais il lui reste encore des défis à relever.

Réduire la consommation

Même si tous les jeunes ne poussent pas leur consommation à l’extrême comme l’a fait Adam, de plus en plus de jeunes ont recours à cette drogue pour se distraire, socialiser ou atténuer leur anxiété. Une étude récente démontre que les jeunes consommateurs de cannabis se tournent davantage vers cette méthode de consommation. Chez les 15 à 17 ans, la proportion est passée de 44 % à 70 % de 2021 à 2022, selon l’Institut de la statistique du Québec.

Une intervenante discute avec un jeune.

Adam est accompagné par une intervenante qui l'aide dans sa démarche.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Ce qui est vendu à la Société québécoise du cannabis tourne autour de 20 à 25 % de taux de THC, explique l'intervenante d’Adam, Marie-Julie Riopel. Avec les wax pen, on est à plus de 90 %. Les adolescents sont souvent à la recherche d'intensité. Là, on a un produit qui va offrir cette intensité en peu de temps.

Le phénomène inquiète les intervenants scolaires, qui doivent régulièrement adresser des jeunes aux spécialistes du centre de dépendance Jean-Patrice-Chiasson de Sherbrooke. Oui, c’est inquiétant, parce que les élèves trouvent ça normal d'en prendre, souligne Yannick Dallaire, intervenant à l’École secondaire Montcalm de Sherbrooke.

L’objectif d’Adam, comme la plupart des jeunes engagés dans un processus thérapeutique en toxicomanie, n’est pas d’arrêter complètement, mais de réussir à maintenir une consommation responsable. C'est assez rare que les jeunes arrivent dans nos bureaux en disant : "Je ne veux plus consommer de ma vie", explique Marie-Julie Riopel, qui travaille en dépendance depuis une vingtaine d’années. À 14, 15 ans, c'est long la vie, c'est l'Everest. Le jeune souhaite avoir une consommation à faible risque ou un peu plus responsable. Par exemple, ne plus consommer à l’école, ne plus consommer le soir avant de se coucher pour aider à s’endormir. Mais il voudrait être capable de consommer dans les partys, une à deux fois par mois dans des occasions spéciales.

Un jeune debout sur des marches d'escalier.

Adam espère réussir à maintenir une consommation responsable.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

Un objectif possible à atteindre à brève échéance, mais parfois plus compliqué à maintenir au fil du temps, selon Marie-Julie Riopel. La stratégie utilisée pour arriver d’abord à diminuer sa consommation est d’identifier les raisons qui conduisent l‘adolescent dans cette voie, explique-t-elle. Adam évoque justement certains moments de sa vie et des circonstances qui l’ont poussé vers la vapoteuse à cannabis : le décès accidentel d’une tante, qui était pour lui comme une seconde mère, des déménagements et des changements d’école fréquents, de mauvaises fréquentations et de mauvais exemples de la part d’adultes autour de lui.

« Avec les problèmes que j'ai vécus, il s'est passé beaucoup de choses. Ça finit par être une porte de sortie pour oublier tout ça et penser à autre chose, pendant un petit moment. »

— Une citation de  Adam

Dans le cas d’Adam, la drogue, c'était comme un médicament, ajoute son intervenante, qui précise qu’il n’y a pas de recette miracle. La priorité, explique-t-elle, est d’établir un lien de confiance solide avec l’adolescent et de lui fournir des outils pour qu’il puisse s’en sortir. On va regarder de quelle autre façon tu peux répondre à ton besoin. Est-ce qu'il y a des alternatives [pour] réduire ton stress, calmer tes émotions.

« Le jeune qui va aller vers d'autres moyens une fois sur deux pour gérer son stress, je trouve qu'on a atteint quelque chose. »

— Une citation de  Marie-Julie Riopel, éducatrice spécialisée au Centre Jean-Patrice-Chiasson

De plus en plus accepté par les jeunes

Adam n’est pas le seul adolescent à utiliser le cannabis pour se relaxer et réduire son anxiété. Beaucoup de jeunes y voient un remède efficace. Toutefois, avec la vapoteuse à cannabis, qui est facilement accessible sur Internet ou par les réseaux sociaux, on est loin de la marijuana vendue légalement aux 21 ans et plus, rappelle l’intervenante Marie-Julie Riopel. La majorité du monde que je connais en consomme. C’est rendu trop accessible, reconnaît Adam.

Yannick Dallaire, debout dans un corridor.

« Les jeunes qu’on rencontre sont capables de nous le dire : "Mes notes ont vraiment baissé et c’est à cause de ma consommation qui a augmenté" », précise Yannick Dallaire.

Photo : Radio-Canada / Réjean Blais

L'éducateur spécialisé Yannick Dallaire se rend régulièrement auprès des fumeurs qui se tiennent aux limites du terrain de l’école Montcalm pour discuter avec les jeunes qui vapotent. Difficile d’intervenir, puisqu'il est presque impossible de distinguer les consommateurs de nicotine de ceux qui prennent du cannabis, tant les vapoteuses sont identiques.

La wax pen, ça ne sent pas. Tu peux ne pas avoir l'air trop gelé, contrôler un peu ta consommation, en prendre juste un peu le matin, le midi et tout ça. C'est facile d'accès, puis c'est plus accepté par les jeunes. Pour eux, ce n’est pas du chimique.

Un produit qui cause une forte dépendance

Il est pourtant possible de développer une dépendance. Yannick Dallaire explique qu’au printemps, de plus en plus d’élèves viennent le voir pour discuter de leur problème de consommation. Cinq jeunes ont jusqu’à maintenant fait une demande de soins spécialisés en dépendance, et ce n’est pas fini, selon lui.

Avant les Fêtes, jamais je n’entends le mot dépendance de la bouche des élèves. À ce temps-ci de l’année, certains se rendent compte qu’ils consomment beaucoup. Hier, il y en a un qui m’a dit : "Je suis tanné de consommer autant".

Pour Adam, le moment de faire un examen de conscience est venu plus tôt, soit cet automne. À un moment donné, je me suis fait la réflexion : si je suis rendu à prendre autant de quantité, de mélanger [avec d’autres substances] et que ça ne me fait rien, c'est quoi après? Je ne vais pas aller vers des drogues dures. Vaut mieux aller chercher de l’aide.

Des jeunes vapotent dans une cour d'école.

Les jeunes sont nombreux à consommer de la nicotine et du cannabis au moyen de vapoteuses.

Photo : Radio-Canada / ANDRÉ VUILLEMIN

Adam retourne en classe sans montrer d'émotion d'avoir fait état de moments éprouvants. Son intervenante est tout de même d'avis que cette expérience va l'aider dans son processus de guérison, que c'est un exercice qui lui permettra de constater tout le chemin parcouru.

Ce qu'il faut retenir, c'est que ces dépendances-là, ça te détruit et tu ne le vois pas tant que tu es dedans, lance Adam, comme un avertissement bienveillant.

* Le prénom d'Adam est fictif pour préserver l'identité de l'adolescent.

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