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Le gouvernement de Dennis King n’a pas respecté 30 % de ses engagements de campagne

Dennis King a déclenché des élections générales à l'Île-du-Prince-Édouard, lundi 6 mars. Les Insulaires seront appelés aux urnes le 3 avril. Retour sur les promesses faites en 2019 qui avaient menées les progressistes-conservateurs au pouvoir.

Dennis King s'adresse aux membres du Parti progressiste-conservateur de l'Île-du-Prince-Édouard le 9 février 2019 à Charlottetown.

Dennis King en campagne, en février 2019.

Photo : Radio-Canada / CBC / Brian McInnis

« Nous avons complété 95 % des promesses que nous avons faites en 2019 », a lancé Dennis King aux partisans réunis autour de lui, lundi 6 mars, à Winsloe.

Selon une analyse conduite par Radio-Canada, son gouvernement a en réalité mis en œuvre 54 de ses promesses de campagne, soit 45 %.

Et près d'une promesse sur trois n'a pas été mise en œuvre dans le mandat de quatre ans qui s'achève, ou aucune information n'a pu être obtenue à leur sujet.

La nature ambitieuse de la plateforme 2019 était telle qu'il était probablement impossible d'atteindre tous ces objectifs. Et cela montre bien ce qui se passe quand on est dans l'opposition, quand on promet la lune, et qu'il faut ensuite expliquer pourquoi on n'a pas tenu ses promesses, commente Don Desserud, politologue et professeur au Département de sciences politiques de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.

Bannière.

Le spécialiste convient que le gouvernement de Dennis King a eu son lot de crises, avec les tempêtes Dorian et Fiona et la pandémie de COVID-19, qui pourraient toutes constituer une bonne excuse pour ne pas avoir respecté toutes les promesses.

« Je pense qu'ils ont intérêt à être plus honnêtes. »

— Une citation de  Don Desserud, politologue

Selon Don Desserud, les gens vont regarder cela plus attentivement suite à la phrase prononcée par Dennis King.

Des résultats variés selon les thèmes

La plateforme électorale, publiée en 2019, contenait plus d'une centaine d'engagements, répartis en différentes thématiques, tels que le logement, la famille ou la transparence et la confiance envers le gouvernement.

Sur ce dernier point, les progressistes-conservateurs ont tenu la moitié de leurs promesses, notamment concernant le fonctionnement de l'Assemblée législative.

Le calendrier des sessions a été modifié, et l'opposition a désormais une majorité dans les comités permanents. Mais la promesse d'être un gouvernement transparent a fait long feu, avec des délais sans fin pour obtenir des documents dans le cadre de la loi sur l'accès à l'information, documents la plupart du temps caviardés.

Contrairement à ce qui était promis en 2019, les rôles de procureur général et de ministre de la Justice ne sont toujours pas séparés, Darlene Compton ayant la double casquette avant la dissolution du cabinet.

La santé occupe déjà une grande place dans la campagne, les trois principaux partis ayant dévoilé leurs propositions sur le sujet dès le début de la campagne.

Sur ce thème, Dennis King et son gouvernement ont respecté un quart environ de leurs engagements, comme le développement de l'application Bridge The Gapp pour faciliter l'accès à des ressources en santé mentale, le recrutement de plus d'infirmières praticiennes ou encore la mise en œuvre de la troisième option pour les survivants d'agressions sexuelles.

La plupart des engagements en santé sont en réalité en cours de mise en œuvre, ou réalisée partiellement. Le crédit d'impôt sur le bien être de 500 dollars pour tous les insulaires a été mis en place pour les enfants seulement. L'offre de soins contre le cancer n'a pas été étendue à d'autres hôpitaux que ceux de Charlottetown et Summerside, bien que le nombre d'oncologistes ait légèrement augmenté.

Une rédaction volontairement floue

Au rang des promesses non tenues, l'hôpital Hillsborough n'a pas été remplacé immédiatement, il n'y a pas plus de cliniques sans rendez-vous en santé mentale qu'en 2019, et les soins d'urgence sont toujours saturés, avec des fermetures régulières dans le comté de Prince notamment, faute de personnel.

Don Desserud note aussi que certaines promesses sont rédigées de manière à ne pas s'engager formellement sur le résultat.

Dennis King ajuste son micro. Il est debout devant un lutrin, entouré de partisans.

Dennis King, chef du Parti progressiste-conservateur de l'Île-du-Prince-Édouard, le 6 mars 2023 à Charlottetown.

Photo : La Presse canadienne / Brian McInnis

Dans beaucoup de cas, plutôt que de donner des promesses spécifiques, ils donnent une promesse qui parle d'un processus, qu'ils travailleront dans ce sens, détaille le professeur. Ils utilisent des mots qui leur donnent l'occasion de dire : "nous avançons vers cet objectif, cela ne signifie pas que nous ayons réellement atteint cet objectif", ajoute-t-il.

« Cela leur donne l'occasion de dire "eh bien, nous avons abordé le problème, nous ne l'avons pas résolu". »

— Une citation de  Don Desserud, politologue

Le professeur précise que ce genre de méthode est assez normale dans les plateformes politiques. La question, selon lui, est de savoir si le public va accepter cette rhétorique, alors que quatre ans plus tard, la situation des soins de santé ne s'est pas améliorée [et que] la liste des personnes en attente d'un médecin de famille est énorme par rapport à ce qu'elle était il y a quatre ans.

Toujours dans le thème de la santé, la promesse d'offrir dans la province la fécondation in vitro pour les couples rencontrant des problèmes de fertilité n'a pas non plus été tenue, la province offrant un soutien financier pour les personnes qui sortent de la province pour accéder à ce service.

Des bons de location comptabilisés comme des logements

Le logement est un autre thème sur lequel les progressistes-conservateurs auront à répondre de leurs actions, le secteur subissant une crise majeure depuis plusieurs années, notamment dans l'offre locative.

L'une des promesses-phares du parti en 2019 était de livrer 1200 logements abordables supplémentaires au cours des cinq prochaines années. À l'heure du déclenchement des élections, le parti de Dennis King se vante d'en avoir lancé 1185. Mais ces unités ne sont pas livrées comme le promettait la plateforme.

Le gouvernement inclut dans son décompte les 630 bons de location distribués aux personnes à faibles revenus, pour aboutir à son total.

Autre sujet majeur, notamment suite à la tempête post-tropicale Fiona : l'environnement. Sur ce point, le gouvernement de Dennis King a seulement tenu 30 % de ces promesses, dont le développement d'incitatifs pour l'achat de véhicules électriques ou l'installation de panneaux solaires.

Le moratoire sur les puits d'irrigation à grande capacité a aussi été maintenu, le temps de rédiger des règlements et de promulguer la loi sur l'eau, votée en 2017, mais les études scientifiques et indépendantes promises ne seront terminées qu'en 2024.

Le plan de reboisement, qui prévoyait de planter un million d'arbres par an dans des zones sensibles, n'a quant à lui pas eu lieu. Au contraire, le vérificateur général a éreinté le gouvernement pour sa mauvaise gestion forestière et une étude a montré que l'île a perdu 20 % de sa surface boisée en 30 ans.

Une équipe d'une dizaine de personnes a été choisie début 2023 pour travailler à la mise à jour de la politique forestière insulaire, un travail qui devrait prendre deux ans.

À l'opposition de mettre le doigt sur les renoncements

La banque de terres agricoles, un sujet qui revient sur la table depuis de nombreuses années, est également dans les limbes de l'aveu même du ministre Steven Myers, en charge au moment de cette déclaration, en 2021, des Transports et de l'Infrastructure.

Certaines des promesses de campagne des progressistes-conservateurs sont aussi parfois trop vagues pour être évaluées. Restaurer le respect de notre service public par exemple, ou encore Engager les Mi'kmaq de l'Î.-P.-É. avec honneur et respect, sur une base de nation à nation.

Selon Don Desserud, Dennis King ne prend pas un gros risque en affirmant qu'il a rempli 95 % de ses engagements, car il est difficile de se souvenir de ce que ces engagements étaient, quatre ans plus tard.

Quelque chose qui s'est passé il y a un an et qui a vraiment contrarié les gens, un an plus tard, ils ont oublié, croit-il. [Les progressistes-conservateurs] peuvent dire que 95 % des promesses de leur plateforme ont été tenues et la plupart des gens diront simplement "OK" et passeront à autre chose, ajoute-til.

« Cela fonctionne, malheureusement, de faire ce genre d'affirmation. »

— Une citation de  Don Desserud, politologue

Don Desserud affirme que le travail des autres partis sera justement d'attirer l'attention du public sur ces promesses non tenues.

Note méthodologique :

Quatre notes différentes ont été choisies pour chaque promesse.

  • Promesse tenue : on retrouve dans cette catégorie les promesses pour lesquelles une preuve claire et sans équivoque de réalisation a pu être trouvée.

  • Promesse réalisée en partie : cette catégorie concerne différentes situations. On y retrouve les promesses qui ont été réalisées partiellement, les promesses engagées, mais non terminées, ainsi que les promesses qui ont été tenues, mais sur proposition de l'opposition.

    On trouve aussi dans cette catégorie les promesses qui ont été tenues, mais sans avoir l'effet escompté. Par exemple, quand la promesse dit « Fournir plus de financement et de ressources à la Commission des droits de l'homme de l'Î.-P.-É. pour s'assurer que les plaintes sont traitées en temps opportun », la promesse est tenue en partie, car le financement a bien augmenté, mais l'arriéré de dossiers reste important.

  • Promesse non tenue : on retrouve dans cette catégorie les promesses pour lesquelles il existe une preuve factuelle de non-réalisation, ainsi que des promesses où l'engagement était précis dans le temps, sans que ce calendrier ait été tenu.

    On retrouve aussi des promesses pour lesquelles aucune information n'a pu être trouvée ou fournie par le gouvernement.

  • Promesse non évaluable : on retrouve dans cette catégorie des promesses à la formulation trop vague pour être vérifiée.

Certaines promesses sont répétées plusieurs fois dans la plateforme 2019 des progressistes-conservateurs, dans différentes thématiques. Dans ce cas, nous avons retenu la thématique où ces promesses apparaissent en premier dans le document.

Avec l'aide de Kerry Campbell, de CBC

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