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Quand les chicanes de village se transportent à la mairie

Une salle remplie de gens.

De nombreuses citoyens s'étaient déplacés pour s'informer sur les problèmes survenus au cours des derniers mois à Sainte-Paule. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Pierre Chapedlaine de Montvalon

Récemment, plusieurs élus de villages de la région ont remis leur démission. C’est le cas à Sainte-Paule, à Saint-Jean-de-Cherbourg, dans l’arrière-pays de la Matanie, à Causapscal dans la Matapédia ou encore dans la MRC de La Côte-de-Gaspé, à Petite-Vallée.

Dans le communiqué qui annonçait sa décision, lundi, la mairesse de Petite-Vallée, Mélanie Clavet, expliquait sa décision par un climat tendu et faisait référence à des menaces et à des agressions verbales. Elle déplorait de surcroît un contexte économique difficile dans les petites municipalités.

Au cours des derniers mois, plusieurs autres démissions de maires ou de conseillers ont fait les manchettes. C’est le cas l’an dernier du maire Grenade Grenier de Saint-Godefroy, dans la Baie-des-Chaleurs et de Raymond Carrier, maire de Sainte-Paule, qui ont tous deux quitté leurs fonctions quelques mois après leur élection.

À Sainte-Paule s’ouvre vendredi une troisième élection au poste de maire depuis l’élection générale municipale de novembre 2021. Trois postes de conseillers sont aussi en élection le 23 avril prochain.

À Saint-Jean-de-Cherbourg, la mairesse a aussi démissionné en janvier. Cette démission a été suivie de celle d’un conseiller et de la directrice générale.

Bâtiment de la mairie avec cloche et affiche.

Mairie et bureau de poste de Saint-Jean-de-Cherbourg.

Photo : Radio-Canada / Véronique Duval

Des élections sont aussi prévues le 30 avril pour le poste de maire de Causapscal si plus d’un candidat se présente.

En janvier dernier, l’Union des municipalités du Québec calculait que 311 élus municipaux avaient démissionné depuis novembre 2021.

Ciblés par la critique

Daniel Côté, maire de Gaspé et préfet de la MRC de La Côte-de-Gaspé, connaît bien Mélanie Clavet. Celui qui est aussi président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) s’est dit surpris de la décision de la mairesse de Petite-Vallée. C’était une personne très engagée dans son milieu, souligne M. Côté.

Plusieurs raisons, selon lui, peuvent aussi expliquer le départ des élus en cours de mandat.

Il souligne que la fonction d’élu municipal est souvent mal payée et sans beaucoup de reconnaissance.

Les citoyens sont parfois durs avec leurs élus, rapporte Daniel Côté. Se faire rentrer dedans, se faire critiquer, se faire regarder de travers, se faire envoyer des petits messages autant par des collègues élus que par des citoyens, citoyennes, je comprends que ça te tente plus le matin de te lever et de vouloir développer son milieu, commente le président de l’UMQ.

C’est encore plus difficile dans les plus petits milieux, croit le président de l’UMQ. Ça devient personnel. Bien souvent, c’est dans les petites municipalités que ça brasse le plus parce que les élus ont moins de ressources, ils sont plus collés sur les citoyens.

La mairesse de Percé, Cathy Poirier, dont c’est le second mandat, avoue qu’il est plus ardu pour les élus municipaux d’assumer leurs fonctions. Le bruit est de plus en fort, on entend de plus en plus les réfractaires, les mécontents, relève la mairesse.

Le conseil de ville lors de la séance de l'adoption du budget 2023.

Le conseil municipal de Percé devrait appliquer des règles plus strictes lors de la période de questions. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Guillaume Whalen

Elle souligne que ces remarques diffèrent pourtant des commentaires et appuis qu’elle reçoit en privé. Les gens en face à face, c’est très positif.

Mme Poirier constate que beaucoup de citoyens ignorent quels sont les pouvoirs municipaux. C’est quoi, les obligations, c’est quoi, les restrictions? C’est quoi, les limites, ce qu’on a le droit de faire, ce qu’on est obligés de faire, qu’est ce qu’on ne peut pas faire, énumère Cathy Poirier.

Elle note que le monde municipal se complexifie et les mandats se multiplient. Les gens pour qui on travaille devraient savoir ce que fait la municipalité.

D’autant plus, relève le maire de Gaspé, Daniel Côté, que le travail des élus est beaucoup plus exigeant qu’il pouvait l’être il y a 25 ou 30 ans. Si on veut faire une bonne job, il faut pratiquement s’impliquer à temps plein, et ce, qu’importe la taille de la ville. Ce n’est pas vrai qu’à 5000 $ ou 6000 $ par année, un maire va être capable de faire la job, estime Daniel Côté.

Les médias sociaux

La présence des médias sociaux a aussi eu des répercussions sur la tâche.

Le maire n’est plus seulement disponible une fois par mois lors de la séance du conseil municipal, il doit demeurer accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Et il y a certaines personnes, cachées derrière leur écran, qui en profitent pour attaquer les élus, relève Daniel Côté. Ces critiques étaient auparavant exprimées lors des réunions publiques. Devant public, devant d’autres citoyens, les gens se gardaient une petite gêne avant de faire des menaces ou de l’intimidation à l’égard des élus.

Professeure associée au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Danielle Pilette, ajoute à cette analyse quelques éléments.

Le danger ne vient pas seulement, selon l’universitaire, du ton inconvenant ou des menaces sur les réseaux sociaux, mais de son utilisation par les maires et conseillers. Les élus, croit-elle, ne devraient pas répondre à des questions qui devraient être adressées à des fonctionnaires ou à des gestionnaires municipaux en priorité. Si le citoyen, après, n’a pas satisfaction ou n’a pas de réponse, on peut s’adresser aux élus, mais il y a une ligne à tracer.

Le conseil municipal de Gaspé.

Les membres du conseil de Ville et le maire de Gaspé, Daniel Côté. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Elle observe que des citoyens et même des élus, notamment dans les petites municipalités, comprennent mal la distinction entre administration et politique. Le réflexe de la population, c’est de penser qu’on s’adresse au maire pour tout et n’importe quoi. Ce qui est administratif doit être traité par des fonctionnaires municipaux et ne doit pas être politisé, observe la professeure.

Elle croit que les élus éviteraient beaucoup de problèmes en respectant les tâches et mandats de chacun, dont les citoyens qui ont aussi un rôle à jouer, notamment au sein de comités comme le comité consultatif sur l’urbanisme.

Mme Pilette fait valoir que le travail de la municipalité est un travail collectif et que les échanges sur les réseaux sociaux ne reflètent pas les mandats de chaque membre de l’équipe.

Cathy Poirier remarque par ailleurs que le climat des séances publiques est aussi devenu préoccupant et désagréable. Elle admet que certains enjeux à Percé sont venus un peu échauder les humeurs.

La mairesse estime que certaines interventions ne permettent pas aux citoyens d’obtenir des informations justes et claires : C’est délicat. Je ne peux pas laisser les gens dire des choses qui sont fausses.

Afin de rétablir une certaine harmonie, Cathy Poirier compte appliquer une réglementation adoptée en 2011 par les élus de l’époque. La période de questions sera consacrée aux seules questions et non aux opinions.

Démissions dans les conseils municipaux : faut-il y voir une tendance?

ÉMISSION ICI PREMIÈRE • Au coeur du monde

L'inscription Au cœur du monde sur deux lignes

Une question d’argent

Selon Danielle Pilette, professeure à l’UQAM, il faut aussi distinguer les municipalités entre elles. Il y a celles qui ont une richesse foncière importante et celles, petites et rurales, qui n’ont que très peu de ressources, où il n’y a pas ou très peu de développement, analyse Mme Pilette.

La situation lui apparaît plus difficile dans ces petites municipalités exclues de ce qu'elle appelle le grand mouvement d’enrichissement foncier, basé sur l’augmentation de la valeur des terrains et des résidences. On doit faire beaucoup, donner des services satisfaisants dans un contexte d’inflation et de hausse des taux d’intérêt qui atteignent aussi les municipalités. On doit faire tout ça sans bénéficier de l’enrichissement qui a cours dans les plus grandes villes. C’est sûr que ça rend le climat plus difficile et peut-être plus acrimonieux.

Paysage village de Grande-Vallée au bord de la mer en Gaspésie.

Ce ne sont pas tous les villages qui ont pu profiter de l'augmentation récente de la richesse foncière, observe la spécialiste de l'UQAM. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Si des élus démissionnent, d’autres ne se représentent pas, souligne de son côté la mairesse de Granby, Julie Bourdon, qui est aussi présidente de la Commission Femmes et gouvernance à l’UMQ. Elle rappelle qu’en 2021, l’UMQ avait lancé une campagne sur la démocratie par le respect.

Pour le président de l’UMQ, Daniel Côté, l’une des solutions est de valoriser la fonction d’élu afin de rendre la tâche plus attrayante, d’assurer une meilleure rétention et de sensibiliser davantage les citoyens au rôle et au mandat des élus.

Avec la collaboration de Roxanne Langlois et de Pierre Chapdelaine de Montvalon

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