« Urgent d’agir » pour améliorer la maîtrise du français au collégial
Le rapport, remis au gouvernement il y a plus d’un an, vient d’être rendu public. On y recommande notamment d’intégrer l’enseignement de la grammaire française au collégial afin d’améliorer la réussite des étudiants.

Un étudiant sur quatre échoue à son premier cours de français au cégep.
Photo : getty images/istockphoto / Jardul
Les trois coautrices du Rapport du comité d’expertes sur la maîtrise du français au collégial font un constat sans équivoque : « il est temps plus que jamais de passer à l’action », selon elles.
Ce qu’elles ont découvert, après analyse de nouvelles données, c'est que la maîtrise de la langue française à la sortie du secondaire est un gage de réussite des études collégiales. En effet, parmi les étudiants ayant obtenu plus de 75 % à l’épreuve unique de français en secondaire 5, 84 % repartiront du cégep diplômés. Mais à peine un étudiant sur deux ayant obtenu une note plus faible terminera avec succès son parcours collégial.
Bref, les étudiants les plus faibles en français sont très à risque de ne pas obtenir leur diplôme
, résume Lison Chabot, en entrevue avec Radio-Canada.
Le comité juge que la maîtrise des compétences langagières constitue une pierre d’assise pour la réussite collégiale.
Par ailleurs, un étudiant sur quatre échoue à son premier cours de français au cégep. Et les difficultés principales rencontrées lors de l’épreuve uniforme de français, dont le succès est nécessaire à la diplomation au collégial, sont principalement liées à des lacunes en français écrit, confirment les expertes.
Dans ce contexte, Lison Chabot est d'avis que le gouvernement et les autres décideurs du milieu collégial ne doivent pas perdre de temps.
Il y a urgence d'agir pour que les étudiants puissent compléter leur cheminement avec succès. On a besoin de ces jeunes-là. Et tout ça va contribuer au renforcement de la qualité du français au Québec selon moi.
Enseigner les notions de français au collégial
La première des 35 recommandations du comité est d'enseigner systématiquement les notions de langue au collégial, ce qui n’est pas le cas en ce moment. En ce moment, l'enseignement du fonctionnement de la langue, ou de la grammaire, s'arrête en cinquième secondaire, alors que le besoin serait de continuer au collégial
, explique Marie-Claude Boivin, professeure en didactique du français à l’Université de Montréal et coautrice du rapport.

Une des coautrices du Rapport du comité d'expertes sur la maîtrise du français au collégial en entrevue au Réseau de l'Information
Photo : Radio-Canada
La maîtrise de la langue écrite, ça s’apprend bien au-delà du secondaire. Ça se poursuit toute la vie!
Le rapport recommande également un recours plus généralisé à l’écriture électronique et aux outils de correction numériques et que le personnel enseignant soit mieux formé pour utiliser les outils technologiques disponibles.
Créer un enthousiasme autour de la langue française
Les coautrices indiquent que, pour améliorer la maîtrise de la langue et la réussite des étudiants au cégep, il faut aussi susciter l’enthousiasme des Québécois envers leur langue en la revalorisant, dès le début du parcours scolaire. Une relation positive des élèves à leur langue devrait commencer dès le primaire, s’intensifier au secondaire (...) et se poursuivre à l’enseignement supérieur
, écrivent les expertes.
Le comité croit sincèrement que toute la société québécoise doit renouveler son engagement, avec énergie et enthousiasme, pour que la langue française soit véritablement une richesse présente au cœur de la vie sociale.
Des gestes concrets devraient être posés pour que la culture francophone investisse les classes du collégial
, ajoute-t-on dans le document d'une centaine de pages.
Un rapport qui a tardé à être rendu public
Godeliva Debeurme, professeure retraitée de l’Université de Sherbrooke, Marie-Claude Boivin, professeure titulaire à l’Université de Montréal, et Lison Chabot, directrice des études retraitée du Cégep de Beauce-Appalaches, avaient reçu le mandat, à l’automne 2021, de formuler des recommandations au ministère de l'Enseignement supérieur pour améliorer la maîtrise de la langue française chez les étudiants au collégial.
La ministre de l'Enseignement supérieur de l'époque, Danielle McCann, était alors préoccupée par la maîtrise du français aux études supérieures.
Les trois expertes ont remis leur rapport à la ministre McCann quatre mois plus tard, en janvier 2022. Mais celui-ci n'a été rendu public que vendredi matin. Ce délai a soulevé des questions de la part de plusieurs acteurs du milieu de l'éducation, impatients de connaître le contenu du rapport et comprenant mal pourquoi celui-ci n'était pas rendu public plus tôt.
Radio-Canada avait formulé à l’été 2022 une demande d’accès à l’information afin d’obtenir un exemplaire de ce rapport, mais celle-ci a été refusée. Selon les motifs invoqués, il s’agissait de documents du cabinet du ministre ou produits pour son compte et les processus décisionnels n'avaient pas été complétés.
Pourquoi la publication du rapport a-t-elle été retardée? C’est une question qu’il faudrait poser à la ministre de l’Enseignement supérieur
, a répondu Marie-Claude Boivin, circonspecte.