Facture pandémique salée pour plusieurs écoles du Québec
La répartition des coûts liés aux mesures sanitaires relève de la géométrie variable entre les différents établissements québécois.

Les écoles ont dû rapidement adopter des mesures sanitaires contre la propagation de la COVID-19.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Les mesures sanitaires ont coûté cher aux écoles et les services aux élèves pourraient en pâtir, puisque certaines d'entre elles se voient confier la facture par leur centre de services scolaires.
C'est le cas de l'école Wilfrid-Pelletier, située dans l'arrondissement d'Anjou à Montréal. Il s'agit de l'un des plus gros établissements primaires au Québec avec 1000 élèves. L'établissement, situé sur le territoire du Centre de services scolaire de la Pointe-de-l'Île (CSSPI), doit éponger un déficit accumulé de 250 000 $ à même son fonds de roulement.
Au début de l'année, près d'une centaine d'enseignants ont assisté à une séance d'information sur les états financiers de l'école. Plusieurs d'entre eux en sont ressortis abasourdis.
Notre directrice, qui est très, très efficace, je tiens à le dire, nous a expliqué qu'on avait un 250 000 $ en moins en raison des mesures sanitaires comme les bulles-classes
, nous a expliqué une enseignante sous couvert de l'anonymat.
Ça nous a fait réagir parce que c'est une décision du gouvernement d'avoir procédé de cette façon, et là, ça va avoir une incidence directe sur nos services
, déplore une autre enseignante, à qui nous avons aussi accordé la confidentialité, puisqu'elle n'est pas non plus autorisée à parler aux médias.
Le Fonds 1 [de roulement], c'est le fonds réservé à tout le soutien aux élèves, ça passe par les services en orthopédagogie, en psychologie, nos techniciennes en éducation spécialisée [TES], bref tout le personnel qu'on mobilise pour aider les élèves
, précise-t-elle.
Comme toutes les écoles du Québec, Wilfrid-Pelletier a dû embaucher du personnel supplémentaire durant la pandémie afin de désinfecter les aires de travail et de jeux, accueillir les parents à l'extérieur et respecter les bulles-classes, pour ne nommer que quelques mesures.
Les écoles ont, de surcroît, encaissé des pertes durant la fermeture des services de garde. Privées des revenus des parents, elles devaient néanmoins rétribuer le personnel.
Or, le gouvernement Legault n'a pas remboursé l'ensemble des dépenses pandémiques scolaires. Dans bien des cas, les centres de services les ont assumées eux-mêmes.
Au Centre de services scolaire de la Capitale (CSSC), dans la région de Québec, le manque à gagner lié à la COVID-19 pour 2020-2021 s'élève à près de 1,5 million de dollars. Le déficit le plus important grimpe à 450 000 $ pour une seule école, mais le CSSC
a récupéré la facture.Le CSSC n’a pas exigé de mesures de récupération de ces sommes, il n'y a donc pas de conséquences [pour les élèves]
, assure le Centre de services scolaire.
À lire aussi :
Le Centre de services scolaires Marguerite-Bourgeoys (CSSMB) et le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) disent tous les deux avoir eux aussi absorbé les pertes subies par leurs écoles durant cette période.
Nous avons reçu d’autres compensations du MEQ [le ministère de l'Éducation du Québec] pour la COVID-19. Celles-ci ont permis d’éponger totalement le manque à gagner pour les services de garde
, a fait savoir le porte-parole du CSSDM , Alain Perron.
Situation différente au CS de la Pointe-de-l'Île
Le Centre de services scolaire de la Pointe-de-l'Île (CSSPI) affirme, lui, qu'il incombe aux écoles d'assumer leurs déficits.
Le CSSPI a toujours fait le choix de redistribuer les surplus et les déficits aux écoles, lesquelles, de manière générale, se retrouvent avec un surplus en fin d’année
, a indiqué l'avocate du CSSPI , Catherine Marois à Radio-Canada.
Dans le cadre de la pandémie de COVID-19, certaines écoles, en raison de leur service de garde, se sont retrouvées dans une situation financière particulière
, observe aussi l'avocate.
« Nous sommes présentement en discussion avec les directions des établissements afin de déterminer collectivement comment seront traités les résultats financiers, afin de soutenir les écoles déficitaires. »
Le conseil d'établissement de l'école Wilfrid-Pelletier estime qu'il est du ressort du CSSPI
d'éponger ce déficit. Son président, Mohamed Reda Khomsi, se dit confiant que le centre de services s'y pliera.Si, à la fin de l'année, le centre de services scolaires n'a pas respecté son engagement, vous pouvez être sûrs que je vais être le premier à faire un état des lieux
, a prévenu M. Khomsi.
Pourquoi le CSSPI n'a pas été aussi proactif que les autres CS ? Ça, je ne le sais pas
, a-t-il ajouté.
Les enseignantes à qui nous avons parlé estiment que la responsabilité en échoit au gouvernement Legault.
Que ce soit le centre de services scolaires ou l'école qui éponge le déficit, je trouve ça tout aussi aberrant parce ça nuit dans les deux cas aux services aux élèves
, résume l'une des enseignantes.
Nous, avec le fonds de roulement, on se paye des services supplémentaires [psychologie, orthopédagogie, éducateurs spécialisés] pour soutenir nos élèves en difficulté
, dit-elle.
Ça veut dire que des élèves n'auront pas de suivi parce que ces professionnels-là vont être appelés à éteindre des feux pour les cas lourds. Un élève qui serait en échec versus un élève qui aurait dans les 60 %, ben on va prioriser l'élève en échec
, poursuit-elle, mais si on ne fait pas de prévention, l'élève qui a eu 60 % va éventuellement devenir celui qui est... en échec
.
Le MEQ
renvoie la balle aux centres scolairesLe ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a décliné notre demande d'entrevue en marge du dîner-conférence de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec auquel il participait cette semaine.
Son ministère renvoie la balle aux centres de services scolaires. Il revient aux organismes scolaires d’assurer une répartition équitable des ressources à leurs établissements
, indique Bryan St-Louis, porte-parole du MEQ .
Dès l’année scolaire 2019-2020, des compensations ont été octroyées aux organismes scolaires à cette fin. Il est important de mentionner que les organismes scolaires ont également réalisé des économies principalement liées à la fermeture des écoles. Ainsi, globalement, les organismes scolaires ont bénéficié du financement nécessaire pour offrir leurs services et honorer leurs obligations
, ajoute-t-on.
En entrevue avec La Presse, le premier ministre François Legault a annoncé il y a quelques jours vouloir davantage centraliser les centres de services scolaires, allant jusqu'à nommer, au besoin, leurs directeurs généraux.