Ingérence étrangère : Trudeau esquive les questions épineuses
« Peu importe ce que je dis, les Canadiens vont continuer de se poser des questions sur ce que nous avons fait ou ce que nous n’avons pas fait », a dit le premier ministre.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors d'une mêlée de presse à Ottawa avant une réunion de son caucus.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Le premier ministre Justin Trudeau a esquivé mercredi les questions des journalistes à propos des tentatives d'ingérence de la Chine dans les deux dernières élections fédérales.
Pressé par des journalistes parlementaires avant la réunion du caucus libéral, le premier ministre du Canada s’est obstiné à rappeler les mesures annoncées la veille, notamment la prochaine nomination d’un rapporteur spécial indépendant
chargé de se pencher sur cette affaire qui éclabousse son gouvernement depuis plusieurs semaines.
Pour être tout à fait honnête, je sais que peu importe ce que je dis, les Canadiens vont continuer de se poser des questions sur ce que nous avons fait ou ce que nous n’avons pas fait
, a-t-il déclaré aux journalistes sur la colline du Parlement mercredi.
« Les gens sont préoccupés par le fait que la Chine, ainsi que d’autres pays, tentent de s'immiscer dans nos processus démocratiques. »
Une série de reportages du réseau Global et du quotidien The Globe and Mail ont détaillé des tentatives d'ingérence orchestrées par la Chine au cours des deux dernières campagnes électorales fédérales.
Ces allégations, évoquées dans des fuites anonymes aux médias en provenance de sources dans des agences de sécurité canadiennes, portent à croire que Pékin voulait s'assurer de la réélection des libéraux de Justin Trudeau − à la tête d'un gouvernement minoritaire − aux dépens des conservateurs.
Les reportages rapportent que pour ce faire, des consulats ont été pressés de mobiliser des membres de la communauté sino-canadienne.
« Aucune information »
L'ancien député conservateur de la Colombie-Britannique Kenny Chiu, qui a vivement critiqué la Chine, a déclaré qu'il avait été la cible de propagande et de désinformation sur WeChat lors de la dernière campagne électorale.
Il a perdu son siège dans la région de Vancouver au profit du candidat libéral et a affirmé que la Chine avait joué un rôle dans cette défaite.
Nous n'avons aucune information sur des candidats fédéraux recevant de l'argent de la Chine. C'est toujours le cas
, a répondu Justin Trudeau au chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, qui a soulevé cette question en Chambre.
La chaîne Global avait rapporté en novembre que le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) avait informé M. Trudeau en janvier 2022 de tentatives chinoises en vue de s’ingérer dans les élections qui se sont tenues cette année-là.
Selon ces informations, le gouvernement chinois aurait acheminé des fonds à onze candidats.
En décembre, la conseillère en renseignement au Bureau du Conseil privé, Jody Thomas, avait témoigné devant un comité, affirmant qu’il n’existait aucune preuve selon laquelle des candidats avaient touché de l’argent du régime chinois lors des élections de 2019.
Nouveau démenti de Pékin
Mercredi, M. Trudeau a également rappelé avoir demandé aux responsables du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) et à ceux de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) d'entreprendre des démarches de toute urgence dans le dossier de l'ingérence étrangère.
Le CPSNRtrès secret
, qui sont tous astreints au secret à perpétuité.
Quant à l'OSSNR
, il s'agit d'un organisme qui examine les activités liées à la sécurité nationale et au renseignement entreprises par le gouvernement.Ces deux organisations ont accès à tous les documents top secrets, à tous les briefings qui auraient pu être faits ou qui n'ont pas été faits par le SCRS
, a assuré M. Trudeau.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a critiqué le manque de transparence du premier ministre, l’accusant de ne pas prendre au sérieux
cette question.
Il semble qu'il y a de plus en plus de choses à cacher. Tout cela n'aide pas les Canadiens à avoir confiance dans leur système électoral, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une enquête publique
, a-t-il réitéré.
Une porte-parole de la République populaire de Chine a nié toute allégation d'ingérence dans les élections canadiennes.
La Chine s'oppose toujours à l'ingérence dans les affaires intérieures d'autres pays. Nous n'avons aucun intérêt et ne nous immisçons pas dans les affaires intérieures du Canada
, a déclaré Mao Ning, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse mercredi.
Il est absurde que certaines personnes au Canada en fassent un problème en se basant sur la désinformation et sur des mensonges
, a-t-elle ajouté.
Avec les informations de Catharine Tunney, CBC News
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