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Journée internationale des femmes : « Naître et résister », selon Maya Cousineau Mollen

« Je suis l’Indienne, celle que tu ne connais pas »

Une femme à la caméra.

Maya Cousineau Mollen, femme et auteure innue, en conférence en Allemagne (Photo d'archives)

Photo : Gacieuseté Maya Cousineau Mollen

Maya Cousineau Mollen, originaire de la communauté des Innus de Ekuanitshit (Mingan), entretient une relation particulière avec la région d'Ottawa et de Gatineau, où elle a vécu deux années. Après un passage au Salon du livre de l’Outaouais, la récente lauréate du Prix du Gouverneur général du meilleur ouvrage de langue française en poésie est partie en tournée en France, puis en Allemagne, pour « continuer de parler des réalités des femmes autochtones ».

Il y a 20 ans, Maya Cousineau Mollen habitait à Gatineau et travaillait à Statistique Canada.

Selon elle, le Canada se divise en trois solitudes : le Québec, le Canada et les Nations autochtones. Une chose que l'on ressent davantage lorsqu'on vit dans la région de la capitale nationale.

Il y a eu un réveil assez brutal depuis quelques années dans la société canadienne et québécoise, et le drame des sépultures y est pour quelque chose, illustre la poète. Il y a eu Joyce Echaquan également, murmure-t-elle avec force.

« Ton sacrifice sera tout sauf vain, il a ébranlé ces sociétés endormies. »

— Une citation de  Enfants du lichen, Maya Cousineau Mollen, Éditions Hannenorak, 2022

Une amitié enracinée

Quand elle se remémore sa vie dans la région, elle se sent particulièrement rattachée à la communauté autochtone qu’elle a su se créer sur place.

Il y [avait] un groupe de gens intéressants qui [venaient] de partout, se rappelle l’auteure, qui souligne que les autochtones étaient peu nombreux à l’époque sur ce territoire non cédé de la Nation algonquine anishinaabe. Elle se souvient toutefois que des Anishinaabe étudiaient à l’Université du Québec en Outaouais (UQO).

Elle a vécu une amitié sincère avec Evelyne et Réjeanne Papatie, ses sœurs autochtones d’une autre nation, précise-t-elle. Mes deux amies anishinaabe que j’ai rencontrées dans la reconnaissance que nous avions l’une de l’autre étaient exceptionnelles.

Nous avons étudié ensemble. Nous avons ri ensemble. Aimé aussi. Sûrement, exprime Maya Cousineau Mollen. L’une d’entre elles nous a quittés. J’ai vécu ce deuil comme un arrachement, souffle l’auteure.

Une journée pour lutter

Maya Cousineau Mollen affirme que la femme autochtone est en constante guérison. Tant que nous ne serons pas respectées et accueillies de façon respectueuse dans les différents médias, nous aurons toujours un combat à mener, illustre-t-elle.

La Journée internationale des femmes sert d’ailleurs à rappeler, pour Mme Mollen, qu’il faut continuer de lutter pour le droit au respect et à la reconnaissance de nos cultures. Naître femme autochtone est en soi un acte de résistance, précise-t-elle.

« Mes sœurs, en cette Journée internationale des femmes, faisons de nos existences des moments de victoire. »

— Une citation de  Maya Cousineau Mollen, auteure et chargée de projets en relations avec les peuples autochtones à Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Nous avons toujours nos cartes de statut indien, que j’appelle notre matricule rattachée à la Loi sur les Indiens, explique Maya Cousineau Mollen, qui voit là un prolongement de l’ère de la colonisation. Ce n’est pas nous qui avons choisi les réserves qui sont devenues des lieux de survie de nos langues et de nos cultures, et c’est merveilleux en soi.

Selon elle, il y a de nos jours une reconnaissance du rôle de la femme autochtone dans les communautés. Elle affirme qu'il y a plus d’hommes autochtones en politique et que, maintenant, on voit davantage de femmes aussi. Elles sont essentielles, soutient-elle.

Mme Mollen estime qu’il faut parler de cette réalité et rappeler aux gens que le dernier pensionnat a fermé en 1996. Une année tout juste après, certaines d’entre nous étaient les premières femmes à fréquenter l’Université.

Enfants du lichen en trois mots : colère, résilience et quête

Pour elle, la crise d'Oka est un tournant majeur dans sa vie de femme autochtone. J'étais adolescente, nous sommes toutes devenues Mohawks cet été là et avec tous les préjugés qui venaient avec, relate-t-elle. On se rappelle tous cette douleur cuisante et amère.

Autant Bréviaire matricule 082 que Enfants du lichen sont nés de cette prise de conscience identitaire. Un exutoire pour elle, mais aussi de l’indignation en raison des réalités des femmes autochtones.

« Souviens-toi, belle enfant, du Registre, tu n'as pas de nom. »

— Une citation de  Enfants du lichen, Maya Cousineau Mollen, Éditions Hannenorak, 2022

Selon Mme Mollen, dans ce contexte, une femme autochtone ressent la vocation de se battre pour ses valeurs et celles de sa culture. Comme quelque chose qui se loge dans nos gènes, explique Maya Cousineau Mollen. Cette bataille exige tout de soi, souligne-t-elle.

Maya Cousineau Mollen au micro des malins.

L'auteure Maya Cousineau Mollen

Photo : Radio-Canada / Olivier Plante/Simon Blais

Hypersexualisation et dévalorisation

L’hypersexualisation de la femme autochtone est un fléau, poursuit-elle. Quelque chose qu’elle tente de combattre dans sa poésie : elle veut redonner à la femme autochtone son droit à une sexualité.

La femme autochtone a tellement été habituée à se faire dire qu’elle n’était pas grand-chose, précise Maya Cousineau Mollen.

Elle évoque, par exemple, le fantasme de certains hommes allochtones qui souhaitent voir une femme autochtone vêtue d’un petit kit à franges faites de cuir.

On me l'a demandé, je me suis sentie insultée. On m’a offert de me payer, comme si une femme autochtone servait à cela, souffle-t-elle.

Il y a aussi la situation des jeunes filles autochtones qui vivent avec des hommes qui veulent les utiliser et les vendre. Tout cela n’est pas normal, précise Maya Cousineau Mollen.

« Je me croyais en paix. Mon corps n’y croyait plus. »

— Une citation de  Enfants du lichen, Maya Cousineau Mollen, Éditions Hannenorak, 2022

Les abus et la violence touchent toutes les femmes, toutefois, les femmes autochtones sont surreprésentées. Elles sont plus atteintes et les chiffres sont là, rappelle-t-elle.

Partager pour bâtir des ponts

En tant que femme innue qui a été adoptée dans une famille québécoise, elle a le recul nécessaire pour créer des liens entre les deux cultures. Ma famille adoptive a fait de moi celle que je suis, précise-t-elle.

Ma famille innue me prend comme je suis, je suis celle qui a grandi ailleurs et ils sont heureux comme cela, dit-elle. Lorsque l'on se revoit, nous nous aimons, murmure à nouveau l’auteure.

Forte de cette expérience, elle veut amener les gens ailleurs dans leurs connaissances des femmes autochtones, telle une quête.

Je leur parle des femmes de la première génération, soit de celles qui ne sont pas allées dans les pensionnats, insiste Maya Cousineau Mollen.

« Je veux contribuer à des rapprochements. La réconciliation insinue que nous avons fait quelque chose de mal. »

— Une citation de  Maya Cousineau Mollen

L’expérience et l'histoire autochtones peuvent sembler très sombres, alors j’explore avec eux des exemples positifs de cocréation et de collaborations, soutient celle qui affirme qu’elle ne sera jamais extrémiste québécoise ni extrémiste innue. Ce n’est pas édifiant, je préfère bâtir des ponts.

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