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Des biosolides du Maine importés au Nouveau-Brunswick

Cette pratique méconnue sème l'inquiétude chez certains agriculteurs et chez des défenseurs de l'environnement.

Plan rapproché d'un amas de boue dans un champ de maïs non récolté.

Les biosolides présentent plusieurs avantages. Ils sont riches en azote, en phosphore et en matières organiques.

Photo : Radio-Canada / François Genest

Par mesure préventive, le Maine a interdit l’épandage de boues d’épuration municipales sur ses terres agricoles parce que ces matières contiennent des PFAS, des contaminants éternels. Or, des sites d’enfouissement américains débordent et les gestionnaires ne savent plus quoi en faire. Des biosolides sont donc transportés au Nouveau-Brunswick.

Nous avons récemment conclu un nouveau contrat avec un point de vente du Nouveau-Brunswick. Le directeur des communications de la firme Casella, Jeff Weld, a confirmé que des biosolides du Maine sont désormais acheminés chez son voisin néo-brunswickois.

Selon M. Weld, il n’y a aucun lien avec la décision récente du gouvernement du Québec d’imposer un moratoire sur l’utilisation de biosolides des États-Unis. L’interdiction au Québec n’a rien à voir avec cette question, selon ma compréhension, assure le porte-parole.

L'entreprise Casella se spécialise dans la collecte, le transfert et l’élimination des déchets solides. C’est une des plus importantes dans ce domaine dans le Nord-Est américain. Établie au Vermont, elle offre des services résidentiels, commerciaux et industriels dans sept États.

Nos accords sur les sites et les clients comportent des clauses de confidentialité qui nous interdisent de dévoiler d’autres détails, enchaîne le porte-parole.

Sabaa Khan en entrevue.

Avocate de formation, Sabaa Khan est spécialisée en droit international de l’environnement.

Photo : Radio-Canada / François Genest

La directrice de la Fondation David Suzuki, Sabaa Khan, juge qu'une enquête serait nécessaire pour éclaircir ce partenariat. [Les boues] peuvent être épandues sur des terres agricoles. Sinon, il y a l’incinération ou l’enfouissement, explique-t-elle.

En décembre dernier, c’est justement à la suite d’une enquête de Radio-Canada qu’on a découvert que des biosolides américains étaient importés au Québec.

Le ministre québécois de l’Environnement n’en savait rien. Les boues du Maine transitaient par la compagnie RMI au New Hampshire, aux États-Unis, avant d’être livrées à Bury, en Estrie. Ces matières servaient à produire du compost qui était vendu en vrac pour faire de l’aménagement paysager.

Toutes les activités sont en parfaite conformité avec la réglementation, assure Jeff Weld.

Ni le Québec ni le Nouveau-Brunswick ne réglementent les PFAS dans les biosolides, précise la Fondation David Suzuki. Québec a toutefois promis d'en resserrer l’encadrement.

À la frontière, ces produits ne sont donc pas considérés comme des matières dangereuses et ne font pas l’objet d’une attention particulière. C’est un peu un angle mort, résume Sabaa Khan, qui se spécialise en droit international de l’environnement et dans tout ce qui a trait à l'industrie des produits chimiques et des déchets.

Je m'inquiète pour les gens du Nouveau-Brunswick

Ils ne veulent pas subir les conséquences de ces produits chimiques, mais moi, je ne veux pas non plus vivre avec ces conséquences au Nouveau-Brunswick! lance la députée du Parti vert Megan Mitton en soulignant que la province a déjà ses propres questionnements sur les PFAS. Nul besoin, selon elle, d’en introduire de nouveaux.

Cette critique en matière d’environnement invite le ministre conservateur à resserrer la réglementation ou même à imiter le Québec en décrétant un moratoire. L’État du Maine a de bonnes raisons d'avoir des inquiétudes pour les sols, l’eau et la santé des résidents. Je m’inquiète pour les gens du Nouveau-Brunswick, affirme Mme Mitton.

À Fredericton, il a été impossible de parler au ministre de l’Environnement, Gary Crossman. À son cabinet, on indique qu’une compagnie néo-brunswickoise bénéficie de l’accord de la province, en vertu du Règlement sur les études d’impact sur l’environnement, pour importer des biosolides.

Envirem [Organics] est un joueur important dans la gestion des déchets organiques dans la province, écrit-on. Selon son rapport annuel de 2022, cette compagnie importe 13 400 tonnes de biosolides du Maine et de la Nouvelle-Écosse.

Le président-directeur général de cette entreprise, Bob Kiely, confirme que l’augmentation de volume devrait être à court terme. Il estime que son entreprise gèrera un volume total équivalent à ceux des autres années.

Envirem Organics se spécialise dans les composts pour la pelouse, le jardin et l'aménagement paysager. Elle ne procède pas à l’épandage sur des terres agricoles. Nous sommes une entreprise de compostage, précise le directeur.

Il ajoute avoir institué des seuils de contamination plus stricts [pour ce qui est des PFAS] que ceux de n'importe quelle autre autorité réglementaire. Ces seuils auraient été ajoutés au contrat avec Casella pour tenir compte des contaminants d’intérêt émergent.

Vue aérienne de biosolides stockés dans deux champs.

Les agriculteurs qui utilisent des biosolides sont surtout des producteurs agricoles propriétaires de grandes superficies, qui n’ont pas accès à du fumier animal à proximité ou qui n’en produisent pas assez.

Photo : Radio-Canada / François Genest

Dans une lettre dont Radio-Canada a obtenu copie, il est mentionné que Casella prévoit exporter jusqu’à 3600 tonnes de biosolides à l’extérieur du Maine chaque mois. C’est l’équivalent de plus de 130 camions. Ce volume semble excessif, répond toutefois Envirem Organics.

La province lui permet néanmoins d’importer un maximum de 100 000 tonnes de biosolides par année. Casella demande à ses clients que la concentration de PFAS ne dépasse pas un total de 125 ppb pour la somme de six contaminants.

Les PFAS regroupent plus de 4700 substances. Avant sa nouvelle réglementation, le Maine avait fixé des seuils pour deux de ces substances, soit les PFOA et les PFOS, dont les limites étaient respectivement fixées à 2,5 ppb et à 5,2 ppb.

Appel à la prudence

À Saint-Quentin, dans le nord-ouest du Nouveau-Brunswick, Joël Lamarche cultive des céréales. Il est aussi président de l’Alliance agricole du Nouveau-Brunswick (AANB). Je ne suis pas surpris, car ils le faisaient déjà au Québec, mais disons que ce n’est pas de quoi qu’on veut avoir ici, commente-t-il.

Ce producteur compte mobiliser les élus concernés pour empêcher l’importation de biosolides. Il entend également lancer un message de vigilance aux membres de son association.

À sa connaissance, les producteurs de son association n’ont pas recours aux boues pour fertiliser leurs champs.

Au Québec, le ministère de l’Environnement considère que l’épandage, lorsqu’il est bien encadré, est une pratique qui comporte des avantages agronomiques et écologiques puisqu’elle évite l’émission de gaz à effet de serre produits par l’enfouissement ou par l’incinération.

Au Québec, les biosolides sont offerts gratuitement aux producteurs, ce qui en fait une option intéressante pour fertiliser les champs en période d’inflation.

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