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Analyse

Brouillard sur l’ingérence étrangère

Oui, Pékin a tenté d’influencer le résultat des élections de 2021. Non, le résultat global des élections n’a pas été compromis. Croyez-nous sur parole, disent les agences de renseignement et le gouvernement Trudeau.

Justin Trudeau parle au micro, aux côtés de la première ministre manitobaine, Heather Stefanson, dans une garderie de Winnipeg.

De passage dans une garderie de Winnipeg, vendredi, le premier ministre Justin Trudeau a assuré aux journalistes que les recommandations du rapport Rosenberg sur l'ingérence seraient prises au sérieux.

Photo : La Presse canadienne / JOHN WOODS

Selon les propos du premier ministre Justin Trudeau, vendredi, les mécanismes, processus, comités ou groupes mis en place par son gouvernement pour surveiller l’ingérence étrangère devraient être suffisants pour rassurer les Canadiens.

Des experts indépendants, non partisans et professionnels font leur travail de façon assidue, insiste le premier ministre, afin de s’assurer que l’intégrité du processus électoral est protégée.

Les recommandations du rapport Rosenberg, assure Justin Trudeau, seront prises au sérieux.

Mais son ton mi-moqueur, mi-impatient de vendredi laissait plutôt transparaître une certaine exaspération, celle d’avoir à répondre une énième fois à la même question : pourquoi ne pas déclencher une enquête publique?

Justin Trudeau refuse de se peindre dans un coin en disant clairement non à une telle enquête, mais on sent très bien qu’il n’a pas du tout envie de dire oui.

Le premier ministre espérait peut-être que les témoignages des grands bonzes de la sécurité, du renseignement et des élections en comité cette semaine allaient lui ouvrir une porte de sortie.

Lumière ou brouillard?

Loin de faire la lumière sur la question de l’ingérence étrangère, ces experts ont plutôt amplifié le brouillard dans cette affaire.

Ensemble, ils ont remis en question les reportages qui ont lancé la controverse, en plus de soulever des doutes sur l’origine de la fuite médiatique, sur la véracité de son contenu (fondé peut-être sur des rumeurs) et sur la motivation du lanceur d’alerte.

L’un d'eux a souligné l’épisode des armes de destruction massive, lors de la guerre en Irak, pour souligner que renseignement n’est pas toujours synonyme de vérité.

Un autre a envoyé un message au lanceur d’alerte (qui est peut-être, ou pas, un employé du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) : s’il est mécontent des décisions de ses supérieurs, il y a des façons de régler cela à l’interne tout en protégeant l’information classée secrète. Une tape sur les doigts qui sert aussi d’avertissement à ceux qui seraient tentés de l’imiter.

Bref, plutôt que de projeter la transparence, ces spécialistes semblaient protéger leur services, donnant l’impression d’être sur la défensive.

Il est difficile de voir si cette attitude aide le gouvernement Trudeau ou lui nuit.

D’un côté, le fait de montrer que des informations ultrasecrètes ne peuvent pas être dévoilées en public alimente l’argument qu’une enquête publique serait limitée dans son travail.

De l’autre, le manque de transparence nourrit le cynisme dans la population, laisse le public perplexe et entraîne une perte de confiance des électeurs.

L’exemple australien

Pour contrer l’ingérence étrangère, l’Australie a des lois plus robustes que le Canada, un registre des agents étrangers et des pénalités plus sévères.

Une des principales différences, c’est que les agences australiennes de renseignement, vues d’ici, paraissent proactives. Celles du Canada semblent plutôt réactives.

Au Canada, le groupe de surveillance des élections est actif seulement durant la période électorale. Son rapport sur les événements de 2021 n’a été rendu public que 17 mois après le scrutin. Les détails opérationnels sont presque tous caviardés.

En Australie, trois mois avant les élections de 2022, l’agence de renseignement a annoncé avoir découvert et démantelé une tentative d’ingérence étrangère. Et a divulgué une partie de l’information au public.

Un homme d’affaires, ayant des liens étroits avec un gouvernement étranger, utilisait des comptes en banque extraterritoriaux pour financer des candidats australiens et influencer la scène politique au profit d’une puissance étrangère.

On est loin du niveau de détails qui a été partagé avec le public canadien. Peut-être parce qu’une histoire du genre ne s’est jamais produite au Canada. Mais on ne le sait pas.

C’est le genre de posture proactive (recommandée par ailleurs dans le rapport Rosenberg) qui pourrait contribuer à redonner confiance aux Canadiens envers leurs élections et envers le travail des services de renseignement.

L’Australie est voisine de la Chine. Elle est ciblée plus souvent, plus activement et depuis plus longtemps que le Canada. Elle a tiré les leçons du passé.

Peut-être que l’épisode que vit en ce moment le Canada jouera le rôle de sonnette d’alarme pour le gouvernement au pouvoir et la classe politique en général.

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