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Ingérence étrangère : l’opposition exige une enquête, Trudeau évite de s’engager

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a repris ses travaux sur l'ingérence étrangère lors des dernières élections fédérales.

Justin Trudeau prend la parole en point de presse.

Justin Trudeau ne ferme pas complètement la porte à la tenue d'une enquête, mais il dit appuyer les processus en cours.

Photo : La Presse canadienne / Darryl Dyck

Radio-Canada

Les chefs des partis d'opposition ont encore une fois réclamé, mercredi, la tenue d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère. Mais le premier ministre a une fois de plus évité de s’engager en ce sens.

Il y a de plus en plus d'ingérence par des pays comme la Chine, la Russie, l’Iran et d’autres dans nos institutions et dans nos processus démocratiques. D’autre part, on a reconnu qu'il manquait d'outils pour contrer cette ingérence et pour défendre notre démocratie lorsqu’on est arrivés au pouvoir, il y a huit ans, a concédé Justin Trudeau lors d’un point de presse en Colombie-Britannique.

Il a rappelé que l’État avait mis en place des mécanismes et des outils pour lutter contre cette ingérence et qu’il comptait laisser ces processus continuer. M. Trudeau a évité de répondre directement aux demandes de l’opposition tout en indiquant du même souffle que [son gouvernement] est toujours ouvert à en faire plus [pour] aller répondre aux préoccupations [des] Canadiens.

Le Parti conservateur réclame à son tour une enquête publique indépendante sur l'ingérence étrangère dans les élections fédérales. Malgré la pression qui continue de monter, Justin Trudeau ne bronche pas. Reportage Louis Blouin

Selon le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, qui s’adressait mercredi aux médias à Ottawa, le gouvernement Trudeau, s’il décide d’aller de l’avant, devra faire en sorte que la personne qui présidera les travaux soit sélectionnée avec l’aval du Parlement et des élus.

Il me semble nécessaire de réitérer […] l’invitation au premier ministre à accéder à la demande que fait le Bloc québécois, que fait aussi le NPD, de mettre en place une enquête publique et indépendante, a déclaré le chef bloquiste.

« Je pense que le gouvernement n’a rien à perdre à faire cet exercice. Je pense qu’il aurait en main un outil pour établir la confiance des gens envers le système électoral. »

— Une citation de  Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

Son homologue conservateur, Pierre Poilievre, a lui aussi demandé au gouvernement fédéral de lancer une enquête sur l'ingérence étrangère tout juste avant que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes (PROC) reprenne ses travaux, mercredi après-midi.

Pendant des mois, Justin Trudeau a nié et minimisé à plusieurs reprises les graves allégations d’ingérence étrangère dans notre démocratie. Il s’en est pris aux dénonciateurs qui ont sonné l’alarme au sujet de ces graves menaces au lieu de dire la vérité. Il a prétendu que ces rapports étaient inexacts, mais n’a toujours pas fourni de réponse lui-même, a déclaré l'élu de la région d'Ottawa, en écorchant aussi au passage le NPD.

La formation de Jagmeet Singh, qui appuie les libéraux dans les votes clés aux Communes afin de ne pas provoquer le déclenchement d'élections d'ici 2025, ferait de l'obstruction dans ce dossier, selon M. Poilievre. Le NPD exige lui aussi une enquête indépendante sur l'ingérence étrangère dans le processus électoral.

La Chine, « la plus grande menace »

Cette nouvelle demande pour la tenue d’une enquête publique sur de présumées manœuvres chinoises pour influencer le cours des élections fédérales de 2019 et 2021 en faveur des libéraux survient alors que le Comité permanent de la procédure poursuit son examen sur l’ingérence étrangère lors des dernières élections fédérales au Canada.

Le 21 février dernier, le PROC a annoncé qu’il convoquait les agences de sécurité nationale et les ministres du cabinet Trudeau pour témoigner de l’influence présumée de la Chine lors des dernières élections fédérales.

Le comité a notamment interrogé de hauts fonctionnaires des Affaires étrangères, de la Sécurité publique, de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), ainsi que la conseillère en sécurité nationale et au renseignement, Jody Thomas, la directrice exécutive au Renseignement et police internationale de la GRC, Adriana Poloz, et le directeur général en évaluation du renseignement au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), Adam Fisher.

Première à s'exprimer, Mme Thomas a tenu à rassurer les Canadiens sur le fait que les deux dernières élections étaient justes et légitimes [...] malgré les tentatives d’ingérence étrangère lors des élections de 2019 et 2021.

Elle a affirmé avoir tenu des séances d’information régulières avec le premier ministre concernant l’ingérence étrangère, soulignant que la Chine représente la plus grande menace, suivie par la Russie et l’Iran.

Commentant les récents articles médiatiques faisant état d’ingérence de la part de Pékin dans les dernières élections, Mme Thomas a indiqué que le partage inapproprié d'informations met en péril notre sécurité nationale. Cela met en danger les institutions et expose les gens à des risques inutiles et c'est très préoccupant, a-t-elle déclaré aux députés.

Des questions sans réponses

De son côté, Shawn Tupper, sous-ministre à la Sécurité publique et à la Protection civile, a affirmé que la GRC n'enquête sur aucune des allégations découlant des dernières élections.

Tara Denham, directrice générale du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion d'Affaires mondiales Canada et membre du groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections, a affirmé que le groupe était conscient que des messages anticonservateurs avaient été largement diffusés sur l’application chinoise WeChat lors des dernières élections. Mais Mme Denham a déclaré que le groupe ne pouvait pas déterminer si ces messages provenaient de sources étrangères.

L'ancien député conservateur de la Colombie-Britannique Kenny Chiu, qui a vivement critiqué la Chine, a déclaré qu'il avait été la cible de propagande et de désinformation sur WeChat lors de la dernière campagne électorale. Il a perdu son siège dans la région de Vancouver au profit du candidat libéral et a affirmé que la Chine avait joué un rôle dans cette défaite.

Les responsables interrogés ont toutefois évité de répondre à plusieurs questions des députés, arguant qu'ils ne pouvaient dévoiler des informations classifiées et suscitant la frustration de l'élu conservateur de Mégantic–L'Érable, Luc Berthold.

Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a par ailleurs convenu d’inviter la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, pour une autre série de questions.

Le comité a également convoqué le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, des représentants d’Élections Canada et des organismes de sécurité nationale, dont la GRC et le SCRS.

Le comité des Communes étudie depuis novembre dernier l’ingérence étrangère dans les précédentes élections fédérales, en 2019.

Le gouvernement Trudeau, de son côté, s’en remet aux conclusions d’un groupe d’experts composé de hauts fonctionnaires fédéraux chargés de signaler les incidents d'ingérence étrangère lors des élections fédérales de 2021. Selon le rapport d’enquête dirigé par Morris Rosenberg, un ancien haut fonctionnaire choisi en 2022 par le gouvernement pour mener les travaux, le gouvernement n’a pas observé d’activités nuisant à la capacité du Canada de tenir des élections libres et justes pouvant atteindre le seuil requis pour procéder à une annonce publique.

Des conclusions qui ne rassurent pas l’opposition, dans la mesure où la Chine est reconnue pour déployer des tactiques d’ingérence impliquant l’intimidation de membres de la communauté sino-canadienne ou le recours à des mandataires pour influencer des candidats ou des électeurs, apprend-on dans le rapport.

Ce rapport donne une vision qui pourrait avoir l’air apaisante, qui fait abstraction de certains éléments historiques et qui souffre beaucoup d’un déficit de crédibilité pour deux raisons, a expliqué Yves-François Blanchet. Les travaux du groupe de travail n’étaient pas publics et s’il est un enjeu qui doit être public et transparent, c’est bien celui du processus électoral.

Sans juger des états de service de M. Rosenberg, M. Blanchet a par ailleurs souligné sa proximité avec la Fondation Pierre Elliott Trudeau, qui aurait reçu des sommes de donateurs d’origine chinoise, ce qui en soi n’est pas l’objet de l’enquête, mais crée une apparence de proximité et permet de se poser des questions sur sa véritable indépendance.

Pékin dénonce des allégations « diffamatoires »

De récentes révélations du Globe and Mail font en effet état d'un don d'un million de dollars fait par un milliardaire chinois à la Fondation Pierre Elliott Trudeau au moment où Morris Rosenberg en était le président. Selon le Globe and Mail, le milliardaire chinois Zhang Bin aurait agi à la demande d'un diplomate chinois avec la promesse de se faire rembourser ce don par le gouvernement de la Chine.

Réagissant à ces informations, la Fondation Pierre Elliott Trudeau a annoncé mercredi avoir « procédé au remboursement du montant intégral du don reçu » de 200 000 dollars. À titre d’organisme de bienfaisance indépendant et sans affiliation politique, l’éthique et l’intégrité font partie de nos valeurs fondamentales et nous ne pouvons garder un quelconque don qui pourrait avoir été commandité par un gouvernement étranger à notre insu, a déclaré la Fondation dans un bref communiqué.

Pour sa part, l'ambassade de Chine à Ottawa a démenti les informations faisant état de tentatives d'ingérence électorale au Canada, affirmant que ces allégations sans fondement et diffamatoires nuisent aux relations diplomatiques. « Nous ne voulons pas nous mêler des affaires intérieures du Canada et nous n'avons jamais essayé de le faire », a indiqué l'ambassade dans un message transmis par courriel à Radio-Canada.

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