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Payer ou attendre : les médecins du sport déplorent une incohérence du réseau public

Un docteur utilise l'échographie pour guider une injection dans la cheville d'un patient.

Le docteur Collin est si passionné par l'échographie qu’il dit qu’il prendrait sa retraite demain si on lui enlevait le droit de s’en servir.

Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère

Les patients qui consultent un médecin du sport pour se faire infiltrer un médicament dans une articulation sous échographie pourraient se faire facturer pour la procédure, alors que le même geste fait ailleurs dans le réseau de la santé est couvert par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

L’infiltration sous échographie par un médecin de famille en cabinet est un service non assuré, selon le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Ce dernier considère que les médecins en cabinet sont des travailleurs autonomes et que les équipements qu’ils acquièrent pour les soins et les services qu’ils offrent à la population ne sont pas fournis par le réseau public.

C’est une situation que l’Association québécoise des médecins du sport et de l'exercice (AQMSE) dénonce depuis plusieurs années, affirmant qu’elle pénalise les patients.

Nous pensons que c’est un acte qui devrait être pris complètement en charge par la RAMQ et non pas par le patient, affirme le Dr Chakib Setti, le directeur de la promotion et du développement pour l'AQMSE. Ce ne sont pas tous les patients qui peuvent se permettre de payer ces coûts-là, puis d’un autre côté, ils ne devraient pas être pénalisés.

Le patient pourrait être couvert pour recevoir le même soin d'un médecin spécialiste tel qu’un radiologue ou un orthopédiste, explique-t-il, mais l’attente pour le rendez-vous peut prendre plusieurs mois, notamment dans les régions.

Le Dr Pierre Collin dans son bureau.

Le Dr Pierre Collin souhaite «démocratiser» l'accès aux soins sous échographie dans le réseau public.

Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère

Un outil essentiel

Le Dr Pierre Collin considère que l’échographie est essentielle à sa pratique. Ce médecin de famille qui a une spécialité en médecine du sport l'utilise, entre autres, pour guider des infiltrations de médicaments tels que la cortisone dans les articulations de ses patients.

En guidant son geste à l’aide de l'échographie, il affirme pouvoir mener cette procédure de manière beaucoup plus précise et sécuritaire qu’en utilisant des repères anatomiques, une technique dite à l’aveugle.

Le Dr Collin travaille dans le réseau public. S’il est rémunéré pour procéder à l’infiltration, son expertise pour l’utilisation de l’échographie n’est pas reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux, et il doit assumer lui-même le coût de l’appareil d’échographie.

En 2014, il a acheté son dispositif actuel au coût de 50 000 $.

Un malaise

Un jugement de la Cour d’appel en mars 2022 a reconnu que l’infiltration guidée par échographie est un service considéré comme non assuré au sens du Règlement d’application de la Loi sur l’assurance maladie et a donné le droit aux médecins de famille de facturer une partie des coûts de l'appareil d’échographie à leurs patients.

Depuis, le Dr Collin demande 75 $ par infiltration, mais il considère comme un non-sens le fait que ses patients, dont seulement une infime minorité est constituée d'athlètes d'élite, aient à payer pour des soins dans un système auquel ils cotisent déjà.

Il dit se sentir si mal à l’aise de demander de l’argent à certains de ses patients qu’il ne le fait tout simplement pas.

« Je ne suis pas là pour faire de l’argent sur le dos du patient. Je ne suis pas là pour discriminer les soins ou changer ma pratique parce que mon patient est défavorisé ou n’a pas de sous. »

— Une citation de  Dr Pierre Collin, médecin du sport

La Fédération des omnipraticiens du Québec (FMOQ) reconnaît d'ailleurs « qu’il demeure contre-intuitif bien souvent pour les médecins de famille pratiquant dans le régime public de facturer des frais aux patients, même lorsqu’ils peuvent et doivent le faire ».

La FMOQ juge qu’en offrant des services médicaux avec l’échographie en cabinet, les omnipraticiens contribuent « à améliorer la qualité de vie d’un bon nombre de patients et à diminuer (ou éliminer) le temps d’attente pour des traitements spécialisés », mais sont conscients que les frais parfois facturés peuvent représenter un frein à l'accès aux soins pour certains patients.

L'écran d’un appareil d’échographie.

L’échographie utilisée en médecine sportive permet d’observer des structures musculosquelettiques.

Photo : Radio-Canada / Bruno Giguère

Vu d’un bon œil par les spécialistes

L’Association des radiologues du Québec affirme que les infiltrations échoguidées ne représentent qu’une toute petite partie du travail de ses membres et voit d’un bon œil le fait que les médecins du sport fassent cette procédure en cabinet.

« En gros, l’accès amélioré ou bonifié au patient, c'est ce qu’on veut toujours. »

— Une citation de  Dre Magalie Dubé, présidente de l’Association des radiologues du Québec

Toutefois, la Dre Dubé aimerait un meilleur encadrement de la formation, de l'accréditation et du type d’appareil d’échographie utilisé par tous les médecins autres que des radiologues.

Quant à la présidente de l’Association d'orthopédie du Québec, la Dre Véronique Godbout, elle explique que les orthopédistes considèrent les médecins du sport comme des alliés.

Elle affirme que, lorsque les procédures d'infiltration sous échographie sont prises en charge par ces médecins au lieu des orthopédistes, ces derniers ont plus de temps pour prodiguer des soins strictement en lien avec leur spécialité.

« On peut appliquer le même traitement qu’eux, donc pour nous, ça augmente le temps qu’on a de libre pour les patients dont le traitement est chirurgical. »

— Une citation de  Dre Véronique Godbout, présidente, Association d'orthopédie du Québec

Le Dr Collin aimerait ne plus avoir à assumer les frais de son appareil d’échographie ou à refiler la facture à ses patients, mais il n'a pas beaucoup d’espoir que la cause soit portée devant ceux qui prennent les décisions.

L’association qui représente les médecins du sport n’est pas considérée comme un organisme représentatif avec lequel le MSSS tient des négociations, selon une porte-parole du ministère, ajoutant que le jugement de la Cour d’appel tombé en mars dernier confirme qu'aucune négociation à cet égard n’est requise entre le MSSS et la FMOQ.

Pour sa part, la FMOQ indique qu’elle a plusieurs dossiers à traiter, mais « que la porte de la Fédération est grande ouverte si le gouvernement souhaite, par divers moyens, que l‘échographie pratiquée hors établissement par les médecins omnipraticiens pour effectuer un service assuré soit couverte par notre régime public d’assurance maladie et convenir de modalités de financement en ce sens ».

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