La résilience d’un tresseur de raquettes à neige
Non-voyant, le Beauceron Yvan Bédard a déjà tressé 475 paires de raquettes par année.
Yvan Bédard tresse des raquettes à neige depuis 31 ans.
Photo : Radio-Canada / Philippe Grenier
Yvan Bédard a perdu la vue, l’odorat et le goût en 1978 lors d’un accident de travail. Le père de famille de Saint-Côme–Linière en Beauce avait 30 ans et sa femme était enceinte de leur deuxième fils. « Le dernier, je ne l’ai pas vu. » Le camionneur s'est alors demandé : « Qu’est-ce que je vais faire? » Yvan Bédard raconte son histoire de résilience et de persévérance qui l'a guidé vers le tissage de raquettes à neige.
Yvan Bédard saisit une raquette à neige dénudée de tressage déposée sur son établi dans son sous-sol, qu'il considère comme son bureau de travail. Il la fixe solidement dans une structure métallique devant sa chaise. La première étape, je sors mon fil, j’ai fait mon nœud, le fil est dur, ça prend de bons doigts
, relate le sympathique Beauceron de 74 ans.
Aujourd'hui, il tresse des raquettes à neige, mais il a commencé par tresser du rotin après son accident. Je me faisais compétitionner par les Chinois. J’ai décidé d’arrêter ça
, dit celui qui a utilisé ce matériau pendant huit ans.
« Tu ne pourras jamais apprendre ça »
Yvan Bédard a rencontré un tresseur de raquettes à neige en Beauce qui lui a expliqué les rudiments du métier. Je n’étais pas capable
, se rappelle-t-il devant la complexité du travail.
Un ami l’accompagnait pour le guider et l’encourager à poursuivre l'aventure. Il m’a montré un tour à la fois et j’ai grandi avec ça.
Un jour, son père est venu le voir tresser et lui a dit : C’est bien de valeur de te dire ça, Yvan, mais tu ne pourras jamais apprendre ça.
« Il y a un mot que vous me dites qui me fait du bien, le mot "jamais", je l’aime beaucoup. »
Trois mois plus tard, Yvan lui montre sa première raquette. Il n’en revenait pas, il m’a dit : "Tu as une moyenne tête"
, raconte-t-il.
Des centaines de raquettes
La première année, Yvan Bédard a produit 8 paires de raquettes, la deuxième année, 25 paires, la troisième année, 75 paires. Vendues dans le temps de le dire
, lâche-t-il.
Sa production a finalement atteint quelques années plus tard jusqu’à 475 paires de raquettes.
« Je me disais à moi-même, je suis normal, j'essaye de gagner ma vie. »
Le septuagénaire a maintenant baissé la machine
. Cette année, le Beauceron est rendu à une centaine de paires de raquettes à neige, mais je n’ai pas fini, il reste les sucreries qui commencent, encore entre 35 et 50 paires à faire
.
L’homme a donné pendant plusieurs années des conférences à des jeunes du secondaire en Beauce. Encore aujourd’hui, son message reste le même : Il ne faut pas se décourager, les jeunes des fois voient noir, je leur dis de s’essayer!