Formation en soins infirmiers : accent sur le recrutement mais moins sur la rétention
Deux infirmières dans un hôpital. (Photo d'archives)
Photo : Reuters / Eric Gaillard
En payant les droits de scolarité et en rémunérant de futures infirmières, le gouvernement du Nouveau-Brunswick affirme faire un geste concret pour « produire un plus grand nombre d’infirmières et d’infirmiers auxiliaires autorisés ainsi que d’infirmières et d’infirmiers immatriculés ».
Autour d'un système de santé déstabilisé, l’annonce de cette nouvelle initiative travail-études, vendredi, est accueillie avec prudence.
Ça a fait partie de la solution
, a dit samedi Claire Johnson, professeure adjointe en gestion des services de santé à l’Université de Moncton. Elle prévient toutefois que le manque d’accent mis sur la rétention des travailleurs de la santé risque de perpétuer un cercle vicieux dont ceux-ci souffrent tous.
Dans le cadre du nouveau programme de formation Mission : soins infirmiers
, des travailleurs de la santé seront payés pour travailler à temps partiel tout en suivant une formation aux frais de la province. On propose aux préposés de devenir infirmier ou infirmier auxiliaire autorisé. Pour ceux qui le sont déjà, on offre la transition vers le rôle d’infirmier immatriculé.
Tout soutien de ce genre est une bonne chose à la base
, note la professeure Johnson. Elle espère cependant que ce ne sera pas qu’un programme de perfectionnement professionnel amélioré.
On pourrait soumettre l’argument que, dans le fond, tout ce qu'on est en train de faire, c'est d'augmenter le roulement, en quelque sorte
, dit-elle. Nos préposées vont devenir auxiliaires, nos auxiliaires vont devenir infirmières, puis nos infirmières vont potentiellement accéder à d'autres postes.
Je trouve qu'on met beaucoup l'accent sur la partie recrutement de l'équation, alors que, selon moi, on devrait mettre plus d'énergie, plus de ressources, plus d'accent sur la partie rétention
, affirme Claire Johnson.
La rétention, ajoute-t-elle, c'est là où on va pouvoir stabiliser le marché du travail
.
Il y a un cercle vicieux dont la province a du mal à s’extirper, explique-t-elle. Les travailleurs de la santé qui abandonnent cette carrière laissent un vide qui est mal comblé, ce qui dégrade les conditions de celles et ceux qui restent.
La charge de travail augmente, puis ça fait que les gens quittent encore plus
, dit Claire Johnson. Si on tente de recruter des gens dans un endroit qui est un peu malsain ou qui est déjà tendu, où la charge de travail est très élevée, on n’a pas le temps d’orienter le nouveau personnel comme on aimerait, alors les gens n'ont pas tendance à vouloir rester.
Cela ne présente pas de très bons arguments aux travailleurs qu’on tente de recruter, en plus de ne pas beaucoup encourager à rester ceux qui s’engagent.
La rétention est vraiment très importante pour créer un climat de travail ou un environnement de travail stable et favorable à la rétention ainsi qu'au recrutement
, conclut-elle.
Les effets du projet pilote Mission : soins infirmiers
seront évalués dans deux ans. Les participants recevront un salaire et des avantages sociaux. Les salaires seront maintenus pendant les périodes d’apprentissage, y compris les placements cliniques en milieu de travail, et les frais de scolarité seront couverts.
Selon le gouvernement, ce programme qui combinera de la formation en personne et en ligne comptera 104 premiers participants l'automne prochain à Bathurst et à Saint-Jean.
Le Nouveau-Brunswick y consacrera 13,3 millions sur deux ans.
D’après le reportage de Frédéric Cammarano