La députée Marie-Louise Tardif s’explique en justice pour le congédiement d’un employé

La députée de Laviolette–Saint-Maurice, Marie-Louise Tardif, et Jacques Morand, attaché politique du cabinet du whip en chef du gouvernement du Québec.
Photo : Radio-Canada
Un ancien employé de la députée Marie-Louise Tardif lui réclame une somme de 15 000 $ devant la Division des petites créances de la Cour du Québec. Marc Léopold Fortin soutient avoir été congédié pour des motifs injustifiés. En pleine salle d'audience vendredi, la députée de Saint-Maurice a soufflé à une témoin avoir l'intention « d'embarquer sur son cas », une déclaration perçue par cette dernière comme une tentative d'intimidation.
L'ancien attaché politique, qui occupe aujourd'hui un emploi de magasinier pour une mine dans le Grand Nord du Québec, veut rebâtir sa réputation. Il dit ne pas mettre une croix sur la politique, mais indique être barré
partout depuis son congédiement.
D’entrée de jeu, la juge Marlène Painchaud a offert aux parties la possibilité de s’entendre hors cour, vantant les mérites d’un tel processus, ce à quoi la députée a répondu qu’elle n’avait pas d’ouverture
parce que les faits allégués sont selon elle des faussetés
.
L'audience s'est amorcée avec le témoignage de Marc Léopold Fortin, qui explique avoir reçu la proposition d'embauche de la députée le 15 octobre 2018 comme directeur de bureau à Shawinigan, poste assorti d'un salaire de 60 000 $. Le 4 novembre 2018, toutefois, il a reçu un avis l'informant que son salaire serait diminué à 48 000 $ de façon rétroactive. Ce ne sont pas des faussetés, ce sont des faits
, a-t-il pointé.
Le 5 décembre 2018, alors qu'il était sur une liste d'attente pour subir une chirurgie bariatrique, il a été remercié.
Il a été opéré le 21 janvier 2019. La chirurgie a été suivie d'une période de convalescence. Appelée à réagir sur cet aspect, Marie-Louise Tardif a indiqué avoir repoussé la date du congédiement afin que Marc Léopold Fortin puisse être couvert par ses assurances.
Pendant l’audience, Marc Léopold Fortin a longuement raconté à la cour qu'il n'avait vu venir d'aucune façon
ce congédiement. Il dit avoir envoyé une lettre et deux mises en demeure pour connaître les raisons de son renvoi. Lors de son témoignage, Marie-Louise Tardif a dit ne pas avoir répondu à ses demandes pour ne pas envenimer la situation
.
Elle prétend que Marc Léopold Fortin connaissait très bien les enjeux qu'elle avait notés dans son travail, comme son manque d'organisation
ou ses lacunes sur le plan rédactionnel
parce qu'elle l'avait rencontré à maintes reprises pour lui faire part des attentes qui n'étaient pas remplies. Mon bureau est grand comme un mouchoir de poche
, a-t-elle ajouté, expliquant que tous deux se parlaient régulièrement.

Marc Léopold Fortin soutient avoir été congédié pour des motifs injustifiés.
Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme
On va embarquer sur ton cas
Pendant son témoignage, M. Fortin a expliqué à la juge qu'une témoin, Sylvie Guilbeau, également ancienne employée, allait pouvoir corroborer ses dires. À ce moment, Marie-Louise Tardif s’est retournée vers Mme Guilbeau et lui a soufflé : On va embarquer sur ton cas.
L'ex-employée a alors sollicité l’attention de la juge pour immédiatement relever ce fait. La magistrate a posé son regard sur la députée Tardif, qui est demeurée en tout point silencieuse devant le fait.
En salle d'audience, Marie-Louise Tardif n'a pas nié ses mots. Par courriel, à la suite de la publication de notre article, le bureau de Mme Tardif a tempéré le verbe utilisé par la députée, qui soutient avoir plutôt dit : On va s'occuper de ton cas.
Plus tard, dans son témoignage, Sylvie Guilbeau dira qu’elle a entendu de nombreux commentaires à l'époque où elle était employée comme quoi il était très dangereux
de quitter le bureau de la députée Tardif, expliquant que plusieurs avaient ensuite beaucoup de difficulté à se retrouver un emploi.
Si vous quittez le bureau de Mme Tardif, vous ne pouvez pas vous en sortir indemne, c'est impossible. Elle vient d'essayer de m'intimider
, a-t-elle ajouté en référence à l'événement qui venait tout juste de se produire.
Mon témoignage est public et c'est bien malheureux
, a expliqué celle qui dit ne faire aucune mention de son ancien emploi au bureau de la députée dans son curriculum vitae, de crainte que cela lui soit nuisible.
Marie-Louise Tardif dit que son employé connaissait les raisons
Ce que j'entends aujourd'hui me scie les deux jambes
, a dit la députée en commençant son témoignage.
Je m'étais dit que je ne voulais pas qu'on en parle sur la place publique, a-t-elle ajouté. Marc [Leopold Fortin] sait très bien pourquoi il a été remercié. Sylvie [Guilbeau] sait très bien aussi pourquoi elle a été remerciée. Est-ce que c'est nécessaire de salir la réputation des gens? Est-ce que c'est nécessaire que je dise pourquoi vous avez été remerciés? Si c'est ce que vous souhaitez, c'est ce que nous allons faire.
La juge a réagi à cela, rappelant à Mme Tardif son rôle : C'est vous qui faites votre défense
, a dit la juge Painchaud, et pas le contraire.
Marie-Louise Tardif affirme avoir remarqué que Marc Leopold Fortin était un employé apprécié de tous et qu'il avait des forces pour accueillir les gens et représenter la députée, mais qu'il n'avait pas les aptitudes d'un administrateur ou d'un gestionnaire de dossiers. Ce n'est pas une bonne personne pour gérer, mais c'est un bon représentant
, a tranché la députée.
Marc Léopold Fortin a-t-il fait l'objet d'un congédiement injustifié? La juge Painchaud a pris la question en délibéré et rendra sa décision dans un délai maximal de quatre mois. Le verdict sera donc connu au plus tard le 24 juin et il sera sans appel.
L’audience a été reportée à deux reprises jusqu'à aujourd'hui, d’abord parce que la députée était atteinte de la COVID, puis parce que l’audience coïncidait avec le jour auquel Marie-Louise Tardif a été réélue pour un second mandat.
La députée a refusé de commenter le dossier.