Sourires Solidaires : une clinique dentaire communautaire au service des plus démunis
Des services dentaires gratuits sont offerts à des patients de la clinique Sourires Solidaires.
Photo : Radio-Canada / Marc-André Turgeon
EN MODE SOLUTIONS - Depuis février 2021, 1200 adolescents ont pu recevoir des soins dentaires gratuits dans une clinique communautaire de Laval. Sourires Solidaires est un OBNL unique au Québec qui finance une partie de ses services gratuits avec les profits générés par sa clientèle payante. Un modèle que ses fondateurs aimeraient bien voir se déployer ailleurs.
Fouzia Saidami et sa famille sont arrivés au Québec il y a sept mois. Leur situation financière est précaire. Elle et son mari étaient des professionnels de la santé avant leur départ d’Algérie.
Pour intégrer notre profession, il faut faire des formations
, nous explique Fouzia. On n'a pas de revenus vraiment, à part les allocations familiales. C'est juste pour les enfants, donc on a trouvé cet organisme, cette clinique solidaire, qui nous a fait cette faveur-là.
L'économie sociale au service de la dentisterie
Sourires Solidaires est une clinique dentaire pédiatrique qui traite des patients payants. Elle accueille aussi des familles qui n’ont pas les moyens d’offrir des soins à leurs enfants de 10 à 17 ans qui ne sont plus couverts par l’assurance maladie.
Très tôt dans leur pratique, les cofondateurs, la Dre Tasnim Alami-Laroussi et le Dr Farid Amer-Ouali, se sont rendu compte que le cadre conventionnel d’une clinique dentaire privée ne permettait pas d’aider cette tranche de la population à faibles revenus.
Souvent, ils ne savaient pas où aller
, dit la Dre Alami-Laroussi. C'est en pensant un petit peu à l'extérieur du cadre qu'on en est venus à se dire : peut-être que de développer une clinique communautaire serait la solution aux problèmes pour lesquels on était limités
, enchaîne le Dr Amer Ouali.
Ils ont mis sur pied un OBNL, basé sur un modèle d’économie sociale, et se sont associés à des organismes publics et communautaires qui leur confient les jeunes patients. Par exemple, la moitié des 400 enfants qui ont accès aux services du Centre de pédiatrie sociale Laval voient des dentistes de Sourires Solidaires.
« Avant ça, on cognait à diverses portes, on trouvait des dentistes qui acceptaient de faire du pro bono pour nous. Mais depuis, Sourires Solidaires, on a plein de barrières qui sont tombées […] Nos médecins sont tellement contents de voir que les enfants ont enfin les soins dentaires nécessaires. »
Philanthropie, subventions et bénévolat
Le plan d’affaires initial élaboré par les deux dentistes a permis d’établir que les activités payantes de leur clinique permettraient de soutenir 10 % de patients bénéficiaires, les non-payants. Rapidement, la demande a explosé.
Dès les premiers six mois, les appels ont triplé, quadruplé
, explique Tasnim Alami-Laroussi. Elle ajoute : Les demandes qui venaient des intervenants dans les écoles, dans les organismes communautaires, dans les CISSS, pour nous dire : "On a ces familles-là, puis on ne peut pas dire non, surtout [quand on] voit l'état de la bouche"
.
L’organisme a revu ses cibles à la hausse et espère maintenant recevoir 40 % de patients bénéficiaires. La philanthropie et les subventions sont au cœur de ce développement.
« Comme organisation, on essaie à ce moment-là de se développer et d'aller chercher le plus de subventions, le plus de revenus extérieurs pour que ces enfants puissent être traités et éviter d'allonger les listes d'attente ou de faire en sorte que les patients ne puissent pas être pris en charge. »
La clinique communautaire du samedi
Une fois par mois, le samedi, les bénévoles s’activent dans la clinique de Laval pour recevoir les adolescents. Sarah Sellam nous raconte qu’elle est venue compléter ses traitements amorcés il y a quelques mois. Aujourd'hui, c'était la dernière étape, on m'a fait du fluor pour arrêter les caries.
Elle adore fréquenter la clinique. Ils sont gentils, comme si c'était ma famille.
Cette journée-là, les dentistes, hygiénistes, assistantes dentaires et étudiants en médecine dentaire travaillent tous gratuitement.
Le Dr Arian Mir lève toujours la main pour y participer. Les parents travaillent toute la journée, puis ils n’arrivent quand même pas à économiser assez pour venir chez le dentiste.
Il est essentiel d’aider cette catégorie de patients qui n’ont pas les moyens, dit-il. On a vraiment un problème d'accessibilité, je trouve, aux soins dentaires, donc on essaie de faire notre part. C'est des petits pas qu'on fait là, mais ça aide.
En plus de ces journées communautaires, Arian Mir travaille bénévolement à Sourires Solidaires tous les vendredis. Les autres jours de la semaine, il pratique dans une clinique privée de Laval. Ça m'apporte plus de plaisir, plus de bien. Je dors mieux la nuit.
Il en retire une grande satisfaction. On sent qu'on redonne à la société, puis on sent le bien ce que cette clinique-là fait chez les patients.
Farid Amer-Ouali y voit aussi une occasion de développer le sens du don, de redonner dans son milieu et de faire en sorte qu’il y ait de plus en plus d'activités comme ça
.
La prévention au cœur de la mission de Sourires Solidaires
Sourires Solidaires offre aussi un programme de sensibilisation et de prévention pour favoriser l'adoption de saines habitudes d'hygiène dentaire, ce qui n’est pas toujours possible avec un modèle conventionnel de clinique privée.
Les principes d'hygiène bucco-dentaire, qui sont simples à comprendre pour des professionnels, ne le sont pas toujours pour les patients et leur famille, dit la Dre Amali-Laroussi. De faire sortir ce volet de la prévention nous a vraiment permis de réaliser que les gens avaient beaucoup de questions.
Une façon aussi de créer un lien de confiance et d’engagement, croit-elle. Les personnes sont encore plus mobilisées, puis motivées à faire ces changements-là dans leurs habitudes de vie.
Étendre le modèle ailleurs au Québec
Les cofondateurs de Sourires Solidaires sont conscients des limites de leur modèle. La demande dépasse largement l’offre. On a des patients qui viennent de Québec […] du Bas-Saint-Laurent, de l'Abitibi, parce que le besoin est réel
, explique le Dr Amer-Ouali.
C’est en sensibilisant des partenaires publics et communautaires solides qu’il croit qu’on pourra débloquer des fonds et ultimement soigner plus de patients de toutes les couches de la société.
L’économie sociale pourrait aussi permettre de développer une clinique communautaire pour adultes en situation financière précaire, selon la Dre Alami-Laroussi. C'est vraiment réaliste que ça vienne de la communauté […] que ça émerge des gens locaux qui puissent faire le bien.
Autre solution : le projet Bouche B
Bouche B offre des soins dentaires de base à une population plus vulnérable qui n'a pas accès aux services publics gratuits :
- Les enfants de 10 ans et plus non couverts;
- les futures mamans et jeunes familles du programme SIPPE et de la Fondation Olo;
- des patients en attente d’une chirurgie ou d’un traitement en oncologie.
Bouche B reçoit des demandes d’organismes communautaires ou d’agences gouvernementales et s’occupe du maillage avec les dentistes bénévoles en clinique privée. Le projet est financé par l’Ordre des dentistes du Québec. Quelque 600 dentistes de la province sont inscrits au programme. On traite entre 250 et 300 patients par an.