Awso Peshdary écope de 14 ans de prison pour avoir recruté le djihadiste John Maguire
Son procès avait été interrompu il y a près de cinq ans avant qu'il ne plaide coupable à des accusations liées au terrorisme.

Awso Peshdary dans les années précédant son arrestation en 2015 à Ottawa.
Photo : Facebook
À Ottawa, le terroriste Awso Peshdary a été condamné, jeudi, à 14 ans de prison après avoir plaidé coupable plus tôt dans la journée à quatre accusations liées au terrorisme. L'individu de 33 ans avait été appréhendé en 2015 par la GRC pour avoir facilité des activités terroristes pour le compte du groupe armé État islamique en Syrie.
Awso Peshdary avait notamment recruté en 2013 le djihadiste de renom John Maguire, qui est mort deux ans plus tard en Syrie.
Maguire est cet étudiant canadien qui s'est fait connaître dans une vidéo de propagande du groupe armé État islamique dans laquelle il proférait des menaces contre le Canada.
Le procès d'Awso Peshdary avait été interrompu indéfiniment en juin 2018 à Ottawa à cause d'un présumé vice de procédure concernant le mandat de perquisition du Service canadien de renseignement et de sécurité, lequel avait été présenté en preuve par la Couronne.
Une requête à ce sujet est d'ailleurs toujours devant la Cour fédérale. Les preuves sont toujours frappées d'un interdit de publication dans cette affaire.
Awso Peshdary, qui avait 28 ans à l'époque, était accusé d'avoir recruté des Canadiens pour les envoyer se battre en Syrie aux côtés de l'EI
.Il était toujours emprisonné au Centre de détention d'Ottawa-Carleton depuis son arrestation en 2015. Sa défense avait déposé une requête pour résoudre l'impasse avec l'aveu de culpabilité de son client.
Reconnaissance de culpabilité
En plaidant coupable, Peshdary a lu une déclaration à la cour en disant qu'il endossait l'entière responsabilité de ses crimes et qu'il comprenait les répercussions de ses actions sur la communauté. J'ai échoué en tant que musulman en adoptant des valeurs qui sont contraires à l'islam
, dit-il.
Il ajoute que les huit années qu'il a passées en prison l'ont fait réfléchir au sujet de ses idées radicales
et il espère que son cas serve de leçon
à d'autres jeunes, qui adopteraient la même idéologie extrémiste
.
Son avocat, Solomon Friedman, a demandé une peine de 14 ans.
Me Friedman explique que son client est complètement déradicalisé et qu'il ne représente plus un danger pour le public. Il ajoute, rapport psychiatrique à l'appui, que son risque de récidive est très bas.
« Mon client a honte et il se sent humilié par ce qu'il a fait, mais, comme sa famille l'a expliqué dans des lettres de soutien, sa détention l'a totalement transformé et il n'est plus le même homme. »
L'avocat ajoute qu'Awso Peshdary était mêlé et qu'il s'est facilement fait endoctriner par la propagande djihadiste et un imam radical du Yémen. Il était impressionnable et une jeune proie facile
, dit-il.
Il était vendu au djihad, obsédé par des idées conspirationnistes et par une idéologie violente, mais maintenant le linceul qui voilait son esprit n'existe plus
, dit-il en citant la famille de l'individu.
L'avocat souligne que son client a complété tous les programmes d'éducation et de réinsertion sociale disponibles en détention, sans compter des cours sur le développement personnel.
Il veut éventuellement être un père pour son fils à sa sortie de prison
, déclare-t-il.
Me Friedman affirme qu'Awso Peshdary n'a pas grandi dans une famille d'extrémistes et que sa famille d'origine kurde s'est réfugiée au Canada dans son enfance.
Il reconnaît que le comportement de son client a commencé à changer à l'adolescence en grandissant avec ses trois sœurs. Sa famille a toujours honte de lui, malgré son soutien
, dit-il.
L'avocat assure toutefois que l'individu accepte dorénavant toutes les autres religions. L'une de ses sœurs a épousé un bouddhiste, une autre, un chrétien et la troisième est athée
, précise-t-il.
Me Friedman ajoute que son client a été très ému par les réactions des Canadiens après la tuerie d'Alexandre Bissonnette dans une mosquée de Québec.
Sa famille écrit dans un rapport que la GRC a sauvé la vie d'Awso
et qu'il a une meilleure compréhension de l'islam aujourd'hui et des valeurs démocratiques du Canada qu'il avait rejetées à l'époque.
L'avocat souligne que son client est maintenant prêt à contribuer à sa société en aidant ceux qui sortiraient du droit chemin
.
Il est toujours un fervent croyant, mais son idée de l'islam est beaucoup plus nuancée et il s'est mis à l'étude du soufisme [un courant mystique de l'islam, NDLR ]
, souligne-t-il.
L'avocat conclut qu'Awso Peshdary est sevré et redevenu lucide
.
La défense a en outre demandé à la juge de recommander le transfert de son client au Centre correctionnel de traitement St-Lawrence Valley près de Brockville, parce qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique.
La Couronne ne s'est pas opposée à la requête de la défense, puisqu'il s'agit d'une position conjointe. Mais le procureur Roderick Sonley a tenu à lire la déclaration d'impact que la mort de John Maguire a eu sur la famille du djihadiste.
Mme Maguire explique qu'Awso Peshdary a tiré profit de [son] fils alors qu'il était à l'université et qu'il n'avait aucune intention de devenir un djihadiste
. Depuis la mort de John, j'ai vieilli de 100 ans d'un seul coup, je suis en colère
, dit-elle.
Elle ajoute que le temps ne cicatrise rien contrairement au proverbe, qu'elle vit isolée de sa famille et qu'elle n'a pas le choix de vivre avec la mort de son fils.
Jugement de la magistrate
Dans sa sentence, la juge Julianne Parfett affirme qu'une peine de 14 ans assujettie à une période de probation de trois ans est appropriée et qu'elle remplit les principes fondamentaux de dénonciation et de dissuasion.
Elle explique qu'elle a tenu compte du jeune âge de l'accusé à l'époque, de son absence de casier judiciaire, de sa reconnaissance de culpabilité et du rapport psychiatrique qui lui est favorable.
« Je sais que votre procès a été long et ardu, mais les preuves dans cette affaire sont horribles; une première partie de votre vie s'achève, une autre est à la veille de débuter, je vous souhaite bonne chance. »
Outre la peine et la probation de trois ans, la juge lui impose plusieurs conditions.
Awso Peshdary ne pourra en aucun cas être associé ou communiquer avec des individus violents ou aux idées radicales.
Il ne pourra joindre des groupes ou des associations de jeunes sans la permission de son agent de probation et dans le seul but de les déradicaliser.
Il devra poursuivre ses efforts de déradicalisation en détention et à sa sortie de prison. Il peut d'ici là être envoyé au Centre Lawrence Valley si la Commission des libérations conditionnelles en accepte la recommandation.
Il ne pourra posséder d'appareils électroniques que pour un usage éducatif ou professionnel. Les mots de passe de ses appareils devront en outre être révélés à son agent d'approbation par souci de surveillance.
Il ne pourra enfin jamais posséder d'armes à feu.
En vertu du temps qu'Awso Peshdary a passé en détention préventive, il ne lui restera plus que 21 mois à purger en prison.