LA Renaissance : l’usine de Grande-Entrée rouvrira-t-elle cette année?
L'affichage d'un appel d'offres jusqu'au 23 mars, l'arrivée incertaine de travailleurs étrangers et des problèmes de titres de propriété pourraient compromettre le redémarrage de l'usine de Grande-Entrée à temps pour la saison de pêche au crabe des neiges. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
À l’aube de la reprise de la pêche, les délais administratifs liés au processus d’appels d’offres pour la vente des actifs de LA Renaissance des Îles pourraient compromettre la transformation du crabe des neiges à l’usine de Grande-Entrée.
La firme mandatée pour liquider les actifs de LA Renaissance des Îles à la suite de la faillite de l'entreprise publiera en fin de semaine l’appel d’offres pour solliciter officiellement les acquéreurs intéressés.
Cet appel d’offres va se clore le 23 mars, soit quelques jours seulement avant l’ouverture potentielle de la pêche au crabe des neiges.
Considérant que l’analyse des offres reçues prendra selon toute vraisemblance quelques jours de plus, il est très peu probable que le repreneur choisi soit connu avant le mois d’avril.
Pourtant, la saison de pêche au crabe des neiges dans la zone 12 pourrait ouvrir assez tôt, compte tenu de la faible présence de glace dans le golfe du Saint-Laurent. En 2021, les crabiers de ce secteur avaient pris le large le 3 avril.
Radio-Canada a interrogé Financement agricole Canada, le créancier qui détient les garanties sur les actifs de LA Renaissance, sur les raisons qui expliquent la durée de l'appel d'offres.
La relationniste de l'organisme fédéral, Éva Larouche, explique par courriel que le nombre d’actifs en vente exige une période de temps suffisante pour obtenir le plus d’offres possible
.
Mme Larouche ajoute qu'il est important de laisser suffisamment de temps
, notamment pour permettre aux acheteurs potentiels d'effectuer des visites des installations, considérant que les îles de la Madeleine ne sont pas accessibles facilement
.
Des délais très serrés pour les repreneurs potentiels
Dans ce contexte, l’entreprise gaspésienne E. Gagnon et fils, qui souhaite racheter les actifs de LA Renaissance, doute que l’usine de transformation de crabe des neiges de Grande-Entrée puisse être fonctionnelle pour le début de la saison.
« C’est certain qu’on aurait aimé que les choses se déroulent plus rapidement, mais on comprend bien qu’il y a des étapes, des démarches et un côté légal dans tout ça. »
Je vois difficilement l’usine transformer du crabe au jour 1 de la saison, à moins qu’il se mette à faire -20 degrés Celsius, que le golfe gèle et que la saison soit retardée d’un mois, mais ce n’est pas parti pour ça
, ajoute Bill Sheehan.
De son côté, la nouvelle Coopérative des pêcheurs des îles de la Madeleine qualifie de défi de taille
les échéanciers serrés pour relancer l’usine de Grande-Entrée.
C’est sûr que le délai est important, mais on l’avait vu venir
, souligne le directeur provisoire de la coopérative, Olivier Renaud. Ce n’est pas le premier défi de taille auquel on fait face. On travaille activement parce que notre but est de sauver les emplois et de relancer l’usine de crabe.
Il va falloir qu’on trouve des solutions pour accélérer les choses
, ajoute-t-il en refusant de donner davantage de détails pour des raisons stratégiques.
Quant à elle, l’entreprise E. Gagnon et fils n’exclut pas, si elle devient propriétaire des actifs, d’acheter le crabe des neiges et de le transporter par camion dans d’autres usines
, sans toutefois préciser lesquelles. Cette solution serait temporaire, le temps de redémarrer l'usine de Grande-Entrée.
M. Sheehan indique d’ailleurs qu’une acquisition en partenariat avec des entreprises madeliniennes ou québécoises
est désormais envisagée.
Il y a des discussions en cours avec différents groupes, mais rien n'est encore définitif
, affirme le vice-président d’E. Gagnon et fils. On était les seuls à montrer notre intérêt au départ, mais là, on a des appels. Il y a différents groupes qui seraient intéressés.
La question des travailleurs étrangers
Outre les délais liés à la durée de l’appel d’offres, l’arrivée des travailleurs étrangers risque de compromettre la transformation de crabe des neiges ce printemps.
Dans les dernières années, les travailleurs étrangers constituaient la majorité des employés de LA Renaissance. L’an dernier, l’entreprise comptait sur 154 Mexicains pour la production dans ses deux usines.
Selon Bill Sheehan, il n’est plus réaliste de croire que ces travailleurs pourront arriver à temps pour le début de la saison de pêche au crabe des neiges, puisque la planification de leur venue prend habituellement plusieurs mois.
C’est certain qu’il faut faire une croix sur les travailleurs étrangers pour le début de la saison du crabe. On va essayer de les avoir pour le début de la saison du homard
, précise M. Sheehan.
Tant E. Gagnon et fils que la Coopérative des pêcheurs des îles de la Madeleine misent sur une mobilisation politique pour accélérer les démarches liées à l’immigration des travailleurs.
À la publication de cet article, Radio-Canada n’avait pas été en mesure de s'entretenir avec les deux autres acheteurs potentiels, Fruits de mer Madeleine et Unipêche M.D.M. pour recueillir leurs impressions sur le dossier.
Terrain de Grande-Entrée : une situation à régulariser
La relance de l’usine de Grande-Entrée risque également de s’avérer complexe en raison du fait que LA Renaissance n’a jamais été officiellement propriétaire du terrain où se trouve l’usine, ce qui complique évidemment la vente de cet actif.
Le bâtiment a été construit sur un lot qui appartient au ministère des Ressources naturelles et des Forêts, en vertu d’un protocole d’entente intervenu en 2011 entre le ministère et l’entreprise qui exploitait alors l’usine, Cap-sur-Mer.
Lorsque LA Renaissance a racheté les actifs, les titres de propriété n’ont jamais été officialisés au nom du nouvel acquéreur.
Financement agricole Canada indique qu'il poursuit ses démarches auprès des autorités gouvernementales, en collaboration avec le syndic, afin de régulariser les titres de propriété de l’usine de crabe pour en faciliter la vente
.
Malgré tout, l'organisme fédéral a confirmé à Radio-Canada que l'usine de Grande-Entrée ferait bel et bien partie des actifs qui seront mis en vente en fin de semaine.
Québec conscient de l'urgence d'agir
Le directeur de cabinet adjoint du ministère québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) rapporte que des échanges ont eu lieu avec la ministre fédérale responsable de Financement agricole Canada pour discuter de l'urgence d'agir dans l'intérêt de la pêche et des Madelinots.
Il y a actuellement une très grande mobilisation de la part du gouvernement du Québec dans ce dossier et aucun effort n’est négligé
, écrit par courriel Jean-Bernard Marchand.
M. Marchand note également que le MAPAQmultiplient les rencontres
avec divers intervenants dans le dossier, dont divers repreneurs potentiels
.
Le directeur adjoint du cabinet du MAPAQplusieurs scénarios sont sur la table, incluant un opérateur à court terme pour la reprise des activités pour la saison actuelle
et que le gouvernement québécois sera présent pour appuyer les scénarios déposés
.