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Garderies : 39 000 enfants sont exclus de la « liste d’attente » de Québec

Un syndicat de fonctionnaires accuse le ministère de la Famille de « répondre à une commande politique ».

La ministre Suzanne Roy en mêlée de presse.

La ministre de la Famille du Québec, Suzanne Roy, a affirmé que 33 000 enfants attendent une place, mais nos vérifications donnent un portrait différent.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Officiellement, 33 356 enfants sont sur la liste d'attente pour obtenir une place dans un service de garde au Québec. Cependant, la nouvelle méthode de calcul (Nouvelle fenêtre) du gouvernement n'inclut pas 39 075 autres enfants qui sont eux aussi inscrits dans le but d'obtenir une place, a découvert Radio-Canada. Pendant ce temps, un syndicat de fonctionnaires s'inquiète qu'un rapport du ministère fasse référence à « la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec ».

Depuis quelques jours, s'appuyant sur un tableau de bord (Nouvelle fenêtre), le gouvernement Legault affiche sa confiance de parvenir à faire correspondre l'offre et la demande en matière de places en garderie d'ici 2025.

Toutefois, combien d'enfants sont vraiment en attente d'une place? C'est très clair, c'est 33 000, a affirmé la ministre de la Famille Suzanne Roy, le 16 février (Nouvelle fenêtre), à l'Assemblée nationale en réponse à une question de Québec solidaire.

Des sources nous ont encouragés à examiner la nouvelle méthode de calcul du gouvernement.

C'est ainsi que nous avons appris que les parents de 72 431 enfants sont actuellement inscrits au guichet de la Place 0-5 pour obtenir une place dans un service de garde. Certains en ont besoin depuis des mois, d'autres l'attendent plus tard.

Un total de 72 431 enfants sont inscrits à la Place 0-5 pour obtenir une place :

  • 33 356 enfants inscrits pour obtenir une place avant le 31 août 2022 [la « liste d'attente »];
  • 39 075 autres enfants inscrits pour obtenir une place après le 31 août 2022

Ces deux nombres n'incluent pas les enfants encore dans le ventre de leur mère, qui peuvent eux aussi être inscrits sur la Place 0-5.

Ne sont pas non plus inclus les enfants déjà dans un service de garde, mais qui attendent une place dans un autre établissement.

La liste des enfants considérés en attente est celle des enfants dont les parents souhaitaient une place au moment de la prise de mesure [le 31 août 2022] et qui n’en avaient pas, explique la porte-parole du ministère de la Famille, Esther Chouinard.

Le ministère ne détient pas de portrait plus récent de la situation.

Des enfants lisent et font des casse-têtes autour d'une table.

Il y a 291 000 places de garderie au Québec. Il en faudrait 320 000, selon le gouvernement.

Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau

Vision décalée de la demande

Le portrait du 31 août 2022 peut être bien différent de la réalité du 23 février 2023 : près de six mois se sont écoulés entre ces deux dates. Depuis lors, combien ont trouvé une place? Combien en cherchent une? Le ministère promet de faire bientôt passer à quatre mois le délai pour obtenir les données.

Pourquoi au moins quatre mois de délai?

Les services de garde ont deux mois pour mettre à jour le statut de chaque enfant inscrit dans le système et le ministère se donne deux mois supplémentaires pour s'assurer que la donnée soit la plus fiable possible.

En 2024, un nouveau guichet d'inscription destiné à remplacer la Place 0-5 permettra d'avoir accès aux données en temps réel. En ce moment, selon le ministère, le système ne permet même pas d'extraire une ventilation des 39 075 autres enfants inscrits selon leur date d'entrée souhaitée à la garderie.

Rien n’indique que les enfants considérés comme "inscrits" pour une place à une date ultérieure au 31 août 2022 n’en ont pas eu depuis, précise Esther Chouinard. Dans le cas contraire, ils figureront dans la liste des enfants en attente de septembre ou des mois suivants, qui seront diffusés dans le tableau de bord.

Notre objectif – et notre engagement – est le suivant : que chaque enfant, peu importe le moment souhaité par ses parents, puisse bénéficier d’une place subventionnée à l’endroit et au moment opportuns.

Une citation de Catherine Pelletier, attachée de presse de la ministre Suzanne Roy

« On instrumentalise les données à des fins politiques »

Choquant, frustrant, décourageant, réagit Marilyn Dion, la mère d'une fillette de 15 mois, qui n'a pas encore trouvé de place en garderie. Ça fait fi d'un grand nombre d'enfants qui vont avoir besoin d'une place à assez court terme.

Marilyn Dion, porte-parole du mouvement « Ma place au travail ».

Marilyn Dion cherche une place en garderie pour sa fille de 15 mois.

Photo : Radio-Canada / Capture d'écran

Nos révélations font perdre confiance à la porte-parole du groupe Ma place au travail, qui milite pour aider les parents sans garderie au Québec. Elle rappelle que ces données permettent d'avoir un portrait complet du nombre de CPE qu'on a à construire, du nombre d'éducatrices qu'on a à embaucher.

Les plus sceptiques diront qu'ils sont carrément malhonnêtes en occultant des données vraiment très importantes [...] C'est un peu comme si on instrumentalisait les données à des fins politiques.

Une citation de Marylin Dion, porte-parole du mouvement « Ma place au travail »

Cette mère de famille n'est pas la seule à s'inquiéter d'une politisation du dossier des garderies au ministère. Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) a aussi des préoccupations.

Un rapport de fonctionnaires cite les promesses de la CAQ

Cette semaine, le ministère de la Famille a rendu public un rapport (Nouvelle fenêtre) qui dresse le bilan du projet pilote de conversion de places non subventionnées en places de garderie subventionnées à 8,70 $. Des passages de ce document produit en décembre ont fait sursauter plusieurs de nos sources.

On trouve dans le texte des références directes à la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec, dont un extrait est même reproduit en annexe. On rappelle que le parti au pouvoir s'est engagé à convertir les places actuellement dans le réseau des garderies privées non subventionnées.

Le projet pilote permet de confirmer le réalisme d’une telle entreprise et l’intérêt qu’elle représente, de même que d’établir certaines priorités d’action.

Une citation de Extrait du rapport du ministère de la Famille, rendu public le 20 février
Image d'un extrait du rapport.

Extrait du rapport du ministère de la Famille intitulé « Conversion de places non subventionnées en places subventionnées – Bilan du projet pilote, phases 1 et 2 ».

Photo : Radio-Canada

Le ministère fait aussi des recommandations conformément à cet engagement de la CAQ.

C'est la première fois que je vois ça et c'est très inquiétant, dit le président du SFPQ, Christian Daigle. C'est comme si c'était le cabinet de campagne électorale qui avait écrit le rapport. Ça ne devrait pas être ça.

Un homme pendant une entrevue par visioconférence dans un bureau. Il regarde droit devant lui.

Christian Daigle, président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.

Photo : Radio-Canada

Les ministères sont supposés être indépendants, rappelle Christian Daigle, surpris que la référence à ce parti politique se trouve à plusieurs endroits dans ce rapport. Ce n'est pas seulement une phrase mal placée.

Le code d'éthique des fonctionnaires (Nouvelle fenêtre) indique qu'ils doivent respecter la neutralité politique et la réserve. L'article 10 de la Loi sur la fonction publique (Nouvelle fenêtre) dit également que tout fonctionnaire doit faire preuve de neutralité politique dans l’exercice de ses fonctions.

De la façon dont c'est libellé, c'est comme si on ne faisait que répondre à une commande politique.

Une citation de Christian Daigle, président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec

L’analyse du ministère concernant la neutralité politique et la réserve des fonctionnaires de l’État n’est pas différente, nous répond le ministère de la Famille. La référence à la mention "Coalition avenir Québec" dans le document n’était qu’à titre informatif.

Le cabinet de la ministre n'a pas commenté cet aspect.

Durant la dernière campagne électorale, Radio-Canada avait révélé que la CAQ exagérait le nombre de places converties.

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