Des nouveaux arrivants qui veulent moins d’enfants que leurs parents

Plusieurs jeunes parents issus de l'immigration africaine veulent avoir moins d'enfants.
Photo : Shutterstock / Mongkolchon Akesin
Les défis associés au fait d'avoir un enfant au Canada poussent certaines familles de nouveaux arrivants à limiter les naissances. De jeunes couples d'origine africaine affirment haut et fort qu’avoir plus d'enfants entraverait leur réussite économique et nuirait à leur bien-être.
Je suis tellement épuisée. Mes deux enfants me demandent beaucoup d'efforts. Il ne m’en reste plus pour un autre
, affirme Snella Muhimpundu.
Les enfants de Mme Muhimpundu ont moins de cinq ans. Elle se dit constamment occupée, toute la journée.
« Pour l'instant, on est franchement corrects avec deux enfants. On n’envisage pas d'en avoir plus. »
Jordy Claudel Haringanji n’a que 29 ans. Il vient d’avoir son tout premier bébé, au mois de février. Son épouse et lui trouvent qu'avoir des enfants s'accompagne de nombreuses exigences si on veut assurer leur avenir.
On envisage la meilleure des choses pour nos enfants, les meilleures écoles. En raison de cela, on planifie d'avoir le moins d’enfants possible, pas comme nos parents africains qui en avaient plusieurs
, explique M. Haringanji.
À lire aussi :
Le temps de la femme au foyer est révolu
Mme Muhimpundu explique qu’avoir plus de deux enfants aurait des incidences négatives sur son développement intellectuel, financier et professionnel.
Mes journées sont occupées et je me sens comme si je me suis délaissée. Je n'ai pas de temps pour moi-même
, explique-t-elle.
« À la maison, une maman n’est pas épanouie, elle a toujours quelque chose qui brûle en elle. C’est très difficile d’avoir une grande famille. »
Selon M. Haringanji, les femmes dépensent actuellement beaucoup d'argent pour assurer leur propre éducation.
Il constate que les femmes veulent, elles aussi, travailler pour contribuer financièrement aux besoins de la famille.
Elles ne souhaitent plus rester à la maison pour devenir des femmes au foyer
, souligne M. Haringanji. Il pense qu'il faut les soutenir dans ce désir d'étudier, d'avoir une carrière ou de lancer leur entreprise.
Planification familiale, un consensus
Mme Muhimpundu précise qu'elle et son époux sont du même avis. Avoir un troisième bébé risquerait de mettre en péril leur projet d'épargne pour acheter leur premier logement. Elle constate qu'élever des enfants coûte vraiment cher.
Si on veut atteindre notre but, les deux sont corrects pour nous
, selon Mme Muhimpundu, citant les propos de son époux.
« Les nourrir, les habiller, payer les soins dentaires et d’autres de toute sorte, l'école… Si une famille veut avoir beaucoup d’enfants, c'est aussi avoir un gros budget. »
Elle constate qu’il est quasi impossible d'être financièrement à l’aise lorsqu'une seule personne travaille au sein du couple.
Comment avoir ce gros budget alors que la maman doit rester à la maison avec les enfants?
s'interroge-t-elle.
Selon M. Haringanji, ce n'est pas l'enfant qui est cher, c’est plutôt la vie qui est devenue chère.
Des pressions familiales
Mme Muhimpundu subit des pressions de la part de parents et de proches pour qu’elle et son époux aient d'autres enfants.
Dans ma communauté, tout le monde nous a conseillé d’avoir au minimum quatre enfants
, explique-t-elle.
Jordy Claudel Haringanji n’est pas non plus épargné.
De mon côté, vu que je suis enfant unique, ils m'encouragent à en avoir plus. Ce n’est pas le cœur qui décide, ce sont plutôt les moyens,
affirme M. Haringanji.
Ses parents et proches lui disent que s'il a plus d'enfants, ils vont l'aider à s'en occuper.
Céline Delacroix, professeure adjointe à l’Université d‘Ottawa et directrice du projet Family Planning and Earth, confirme cette tendance.
Il est important de reconnaître qu’il y a énormément de pressions pour se reproduire et qu’il faut donner la possibilité aux individus de choisir par eux-mêmes le nombre d'enfants qu’ils souhaitent avoir
, souligne-t-elle.
Selon M. Haringanji, certains parents pensent que Dieu donne des enfants et veille même à leur épanouissement.
Ce n’est pas une question d’argent pour eux, c’est une bénédiction
, dit-il.
Un phénomène classique
Selon Céline Delacroix, ce phénomène a été documenté dans plusieurs pays.
C’est tout à fait typique pour une communauté migrante de s’adapter autour notamment de la fécondité de leur nouvelle communauté
, explique-t-elle.
Selon Mme Delacroix, les questions liées à l’équité des genres ou à la place de la femme dans la société ont des répercussions notamment sur le taux de fécondité.
Quand les femmes ont accès à la planification familiale, quand elles sont plus scolarisées, quand elles ont plus d’autonomie dans leur famille, elles vont avoir tendance à faire moins d’enfants, quel que soit le milieu culturel d'où elles proviennent
, constate-t-elle.
Le désir d’avoir un enfant est toujours là, explique-t-elle, mais la tendance est d’avoir beaucoup plus à donner à l'enfant et de miser moins sur le fait d'avoir une famille nombreuse.