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Une journée avec Parker Mackay, commentateur de sport électronique

Radio-Canada a eu accès aux coulisses du Six Invitational, la finale de la plus grande compétition de sport électronique du jeu Rainbow Six Siege d’Ubisoft Montréal.

Une femme replace avec le sourire les cheveux d'un homme dans une salle de maquillage.

Petit milieu oblige, Parker Mackay a développé une grande complicité avec les maquilleuses du Six Invitational au fil des ans.

Photo : Radio-Canada / ALEXIS BOULIANNE

Stéphanie Dupuis

Si le Torontois Parker « Interro » Mackey n’est pas connu du grand public, entre les murs de la Place Bell, à Laval, il est une vedette. Les poignées de main, demandes d’autographe et de photos avec lui fusaient de partout vendredi, la première des trois journées de la finale de Six Invitational ouverte au public.

Il faut dire que ça fait maintenant six ans que Parker Mackay est fidèle au poste en tant que commentateur de sport électronique pour Rainbow Six Siege, un jeu de tirs à la première personne en équipe lancé par Ubisoft Montréal en 2015.

« Quand les gens viennent voir ces événements, ils ont un sentiment d’appartenance envers des équipes et des joueurs. Mais ils voient surtout toujours les mêmes commentateurs sur scène. On devient un référent fort pour eux. »

— Une citation de  Parker Mackay

Quelques milliers de personnes ont bravé la tempête hivernale du 17 février pour voir leurs équipes favorites s’affronter. Les complications sur la route ont bien failli faire manquer la cérémonie d’ouverture à Parker Mackay, arrivé juste à temps pour entendre les premières notes de la trame sonore de Rainbow Six Siege, jouées par un orchestre en direct.

Des fans dans des gradins regardent avec attention ce qui se passe devant eux, vers le haut.

Parker Mackay a ses équipes favorites. Mais il laisse ses préférences au vestiaire lorsqu’il commente un tournoi en direct.

Photo : Radio-Canada / ALEXIS BOULIANNE

Les yeux brillants rivés sur la scène, le commentateur peine à cacher son sourire.

« Je le regarde tous les ans, le spectacle, et chaque fois, ça me fait quelque chose.  »

— Une citation de  Parker Mackay

La cérémonie d’ouverture est un point d’orgue pour les artisans et artisanes du volet compétitif du jeu : elle marque la dernière ligne droite d’une saison de plusieurs tournois étalés sur des mois, un peu partout dans le monde.

Dans la loge

Le premier match, opposant dans l’arène Wolves à G2 (couronnés dimanche grands gagnants de Six Invitational 2023), s’entame, mais Parker Mackay n’entre pas en ondes avant le deuxième, prévu en milieu d’après-midi. C’est donc l’heure pour lui de se rendre à sa loge – partagée avec ses camarades analystes, animateurs et commentateurs – pour déposer ses affaires et repasser un peu ses vêtements.

Un homme, concentré, prend des notes sur son iPad dans les loges de la Place Bell.

Le travail de Niclas «Pengu» Mouritzen, complice de Parker Mackay, consiste surtout à commenter les stratégies utilisées par les joueurs.

Photo : Radio-Canada / ALEXIS BOULIANNE

Il s’assure que ses tenues s’agencent parfaitement à celles de son cocommentateur des prochains jours, Niclas Pengu Mouritzen, un ex-joueur professionnel de Rainbow Six Siege, avec qui il s’est coordonné avant de faire ses valises.

« Pendant le Six Invitational, je me permets des morceaux plus excentriques, extravagants. C’est un événement spécial, je veux que ça paraisse dans la façon dont je suis habillé. »

— Une citation de  Parker Mackay

Il a choisi vendredi un veston bleu-vert qui change de couleur selon la lumière, une chemise blanche et une cravate carreautée représentant le tartan de la famille Mackay, d’origine écossaise. Sur son veston, une petite rose bleue est épinglée, un petit plus pour faire beau, indique-t-il, gardant toujours un œil sur l’écran de télé qui diffuse en direct l’affrontement en cours.

Deux maquilleuses appliquent du vernis à ongles à un homme.

Parker Mackay se réjouit de la tournure plus inclusive que prend la création de nouveaux personnages intégrés au jeu «Rainbow Six Siege» ces dernières années, comme Osa, qui est transgenre, et Sens, non binaire. «L’industrie a tout à gagner à s’ouvrir à ces communautés. Ça ouvre de nouveaux publics pour nous, c’est positif.»

Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Partout où Parker Mackay se rend, la complicité avec ses collègues est indéniable. Mais jamais autant qu’avec Tania, sa maquilleuse préférée, qui travaille depuis six ans avec lui.

Elle lui applique du vernis à ongles, une couleur pour chaque main, lui met une petite poudre au visage et lui place les cheveux, pendant que les autres maquilleuses se délectent des vannes qui ponctuent les échanges de ce duo dont l’amitié s’est soudée au fil des ans.

Parker Mackay est fin prêt à monter sur scène. Les vocalises ont déjà été faites dans la douche le matin, il ne lui reste plus qu’à réviser rapidement ses notes sur son iPad qu’il a pris soin de recharger dans la loge à son arrivée.

À vos marques, prêts, partez!

À peine entré dans l’amphithéâtre de la Place Bell, Parker Mackay enchaîne les demandes d’autographes et de photos avec une poignée de fans. Puis, il prend place sur scène, avec, à ses côtés, Pengu. Sur la table : sa bouteille d’eau, sa tasse de thé et son iPad. Le spectacle commence.

Un homme souriant ajuste le micro de son casque d'écoute, devant une foule.

Parker Mackay a grandi en jouant aux jeux vidéo, mais aussi en écoutant Hockey Night in Canada, l’émission de commentaires sportifs sur les ondes de CBC. Son style d'animation ressemble beaucoup à ce qu'on peut entendre lors d'une partie de hockey.

Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Dans la ligne de mire de Parker Mackay tout au long de la séance, les éléments qui font de bonnes histoires. Les stratégies utilisées par les joueurs sont plutôt analysées par Pengu.

« Je me concentre surtout sur les aspects historiques de chaque équipe et de chaque joueur.  »

— Une citation de  Parker Mackay

Par exemple, pour lui, il est intéressant de savoir que tel joueur de telle équipe en est à sa première finale, mais pas son coéquipier, qui a déjà remporté plusieurs fois le Six Invitational.

Des joueurs de sport électronique regardent leur écran, concentrés.

Au Six Invitational, 20 équipes rivalisent pour la victoire, assortie d'un montant de 4 M$.

Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Vendredi, c’est l’équipe espagnole Koi qui a affronté l’organisation danoise Astralis dans une lutte serrée d’environ trois heures, ponctuée de plusieurs rebondissements qui ont passionné la foule, souvent en liesse.

L’un des grands défis pour Parker Mackay est de continuer à maintenir l’attention de la foule en variant les formulations de phrases et en utilisant un vocabulaire diversifié, car ça peut devenir très répétitif, ce qui se passe, dit celui qui a grandi en écoutant Hockey Night in Canada à CBC, une grande inspiration pour lui.

Des personnes dans des gradins encouragent une équipe de sport électronique.

Ubisoft estime à 270 000 le nombre de spectateurs et spectatrices dans le monde pour le Six Invitational.

Photo : Radio-Canada / ALEXIS BOULIANNE

Et il n’élève jamais le ton inutilement : tout au long du tournoi, il essaie de rester calme, de poser sa voix.

« Je dois rester très concentré, souvent pendant plus de deux heures, sans beaucoup de temps de pause. Je dois être au meilleur de moi-même tout le long. Je ménage donc mon énergie. »

— Une citation de  Parker Mackay

Ce n’est pas parce qu’on s’appelle des shoutcaster [le nom en anglais donné aux commentateurs de sport électronique] qu’on doit toujours crier, affirme-t-il, sourire en coin.

L’après-match

Une fois le match terminé, Parker Mackay prend encore du temps avec les fans qu’il croise. L’heure n’est pas à la fête, mais bien au repos.

« [Une fois descendu de la scène], je cherche le silence. Je prends souvent un thé, je m'assois, tranquille, et je laisse venir à moi tout ce que je viens de vivre. »

— Une citation de  Parker Mackay

C’est un marathon de plusieurs mois qui s’est achevé dimanche pour le commentateur qui s’estime chanceux de pouvoir vivre de sa passion. Mais le travail n’est pas nécessairement fini pour le Torontois qui a fait de son jeu préféré un métier.

Les gens font la file dans les gradins pour se prendre en photo avec des commentateurs de sport électronique avant une partie.

Après trois ans d’absence en raison des mesures sanitaires, le Six Invitational faisait son grand retour en février dans le Grand Montréal, lieu où le jeu «Rainbow Six Siege» a été créé.

Photo : Radio-Canada / ALEXIS BOULIANNE

Parallèlement aux événements compétitifs qu’il commente, il anime un balado portant sur Rainbow Six, où il invite des joueurs et des joueuses pros, ou encore d’autres commentateurs ou analystes à son micro. Il diffuse sous le nom Interro sur Twitch ses parties du jeu de tirs en direct, histoire d’entretenir le lien qui l’unit à son public, une partie importante de son travail.

Je ne suis pas super bon, mais je pense que ça amuse les gens, croit le travailleur autonome.

Et il réussit bien : il est suivi par quelque 122 000 personnes sur Twitch, soit un peu moins que son compte Twitter, qui compte plus de 128 000 personnes abonnées.

Du milieu politique au sport électronique

La trajectoire professionnelle de Parker Mackay n’était pas dessinée à l’avance. Attiré par les idées, le Torontois a étudié en science politique et a même été responsable de la campagne des jeunes pour la course à la chefferie de Kathleen Wynne au Parti libéral en Ontario. Mais la réalité du terrain ne l’intéressait pas, finalement, et il a préféré travailler comme serveur en attendant de trouver sa voie.

Pendant ses études, il amassait un peu d’argent en jouant semi-professionnellement à Call of Duty, et tissait déjà des liens avec différentes équipes de sport électronique.

Un homme portant un casque d'écoute pointe vers le côté avec un air moqueur, à côté d'un autre homme, portant lui aussi un casque d'écoute, devant une foule.

Parker Mackay commente parfois d’autres événements de sport électronique, avec les jeux «Valorant» et «Call of Duty: Modern Warfare». Mais il vit surtout de «Rainbow Six Siege».

Photo : Radio-Canada / Alexis Boulianne

Lui qui rêvait de faire de la radio, il n’avait pourtant pas envisagé de faire carrière dans le sport électronique derrière le micro avant de se faire demander de remplacer au pied levé un commentateur indisponible. J’ai accepté. Je l’ai fait, et ça s’est bien passé. J’ai donc continué.

De fil en aiguille, il s’est fait offrir de commenter Rainbow Six Siege en 2016, et a pris du même coup le risque de l’instabilité, car cet emploi venait avec beaucoup de temps morts sans travailler.

« En 2016, la communauté de sport électronique autour du jeu n’était pas aussi développée qu'aujourd'hui. Ça a été un pari risqué pour moi de quitter un emploi payant en restauration pour me lancer dans l’inconnu. »

— Une citation de  Parker Mackay

Parker Mackay a misé juste : la réputation de Rainbow Six Siege sur la scène internationale des sports électroniques n’est plus à faire, et il est fier aujourd’hui de pouvoir bien vivre de son métier.

Un homme se tient sur une scène, sous les projecteurs avec un micro, papier à la main, devant des estrades à moitié remplies.

Des milliers de personnes ont bravé la tempête vendredi pour voir leurs équipes de sport électronique préférées sur scène à la Place Bell.

Photo : ALEXIS BOULIANNE

Quant à ce qui l’attend l’année prochaine, le commentateur se montre avare de détails.

J’ai eu 33 ans cette année, et je commence à ressentir le besoin de me poser un peu, avoue-t-il, lui qui passe beaucoup de temps à vivre dans ses valises.

Mais il y a vraiment pire métier.

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