Ingérence de Pékin dans les élections : des experts dénoncent le laxisme de Trudeau
Malgré les accusations d'ingérence de la Chine dans le processus démocratique, le premier ministre canadien Justin Trudeau affirme que le processus électoral du pays est « parmi les plus intègres au monde ».
Photo : La Presse canadienne / Patrick Doyle
Le gouvernement libéral n'aurait pas assez fait pour défendre la démocratie canadienne face à l'intrusion chinoise durant les élections de 2021, selon un ancien ambassadeur du Canada en Chine et un ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
Dans un article publié vendredi, le journal The Globe and Mail a mis au jour le stratagème employé par Pékin lors des dernières élections au Canada.
Des documents du SCRS
, sur lesquels le quotidien a mis la main, font état de la pression exercée par le régime chinois, notamment par des campagnes de désinformation, pour faire élire un gouvernement libéral minoritaire et mettre à l'écart certains candidats conservateurs.Une influence chinoise qui perdure
En entrevue sur les ondes d'ICI RDI
vendredi, Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine, a soutenu que le gouvernement canadien ne pouvait tolérer un tel comportement de Pékin.Je pense qu’il y a eu beaucoup de négligence, de laxisme, de la part du gouvernement dirigé par M. Trudeau
, a-t-il dit.
M. Saint-Jacques a souligné que la Chine, depuis l'arrivée au pouvoir du président Xi Jinping en 2013, avait énormément augmenté le budget du Département du front uni, chargé de la propagande à l'étranger pour redorer l'image du pays.
Quand j’étais ambassadeur, on savait qu’il y avait de l’interférence parce que, par exemple, le consulat chinois à Toronto approchait un ministre du gouvernement libéral ontarien pour qu’il lui demande d’intervenir auprès d’un député fédéral pour qu’il n’aille pas en visite à Taïwan
, a-t-il expliqué.
« Il y a beaucoup d’insatisfaction au sein du SCRS devant le peu d’actions du gouvernement fédéral. Parce que ça fait plusieurs années qu’ils sonnent l’alarme. »
Richard Fadden, directeur du SCRS
de 2009 à 2013, affirme d'ailleurs n'être aucunement surpris par l'ingérence chinoise aux élections de 2021, des situations semblables ayant été observées notamment aux États-Unis, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni au cours des dernières années.La Chine n’est pas à l’aise avec sa position dans le monde aujourd’hui. Elle veut améliorer son influence, son contrôle
, a-t-il estimé, vendredi, en entrevue à l'émission Midi info sur les ondes d'ICI Première.
Selon M. Fadden, il s'agit d'une atteinte fondamentale à la souveraineté du Canada. La pire chose qu’un État étranger peut faire, je pense, c’est d’essayer d’influencer le processus démocratique. C’est très sérieux
, a-t-il martelé.
« Je pense qu’il faudrait que le gouvernement fédéral dise clairement, sans ambiguïté : "Ce genre d’ingérence étrangère a lieu. Ce n’est pas acceptable. Et il faut que les Chinois arrêtent de le faire immédiatement." »
Des appels à l'action
Des voix s'élèvent pour demander au gouvernement canadien des mesures plus féroces depuis la mise en lumière, par Global News en 2022, de l'intervention de la Chine lors des élections fédérales canadiennes de 2019. Un comité a depuis été mis en place pour enquêter sur la question.
Le chef conservateur Pierre Poilievre accuse le premier ministre Justin Trudeau d'avoir été au courant de tout. Il est parfaitement heureux de laisser un gouvernement étranger autoritaire s'immiscer dans nos élections, tant que ce gouvernement l'aide
, a déclaré le chef conservateur, vendredi, en conférence de presse.
M. Poilievre a dit souhaiter la création d'un registre public des tentatives d'intrusion de régimes autoritaires étrangers dans le processus démocratique. Justin Trudeau ne s'est pas prononcé sur le sujet.
Le député du Bloc québécois René Villemure s'est quant à lui dit extrêmement préoccupé par les révélations du Globe and Mail. Les Québécois veulent savoir : le gouvernement va-t-il enfin prendre cette menace au sérieux?
, a-t-il lancé hier à la Chambre des communes.
Ce serait toutefois une erreur, selon le député bloquiste, d'en faire un enjeu partisan.
« L’enjeu réel, c’est la facilité avec laquelle les puissances étrangères peuvent manipuler nos élections. »
Trudeau se défend
Questionné sur le sujet en conférence de presse vendredi, Justin Trudeau a soutenu que les dernières élections remportées par son gouvernement étaient parfaitement légitimes.
« Les résultats des élections, en 2019 et en 2021, ce sont les résultats qu’ont choisis les électeurs canadiens. Point à la ligne. »
Le premier ministre a déclaré être au courant depuis plusieurs années des tentatives d'ingérence chinoises dans le processus démocratique canadien. Ça fait des années qu'on est conscients de ça, au Canada et dans le monde, et c'est pour ça que nos agences de sécurité et de renseignement travaillent de façon acharnée pour contrer cette influence de façon régulière, particulièrement [...] pour les élections de 2019 et 2021, et pour toutes les élections à venir.
Trudeau souhaitait ainsi rassurer
les Canadiens, déclarant que le processus électoral dans le pays est parmi les plus intègres au monde
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