Des leçons à tirer du rapport Rouleau, selon le premier ministre Trudeau

Justin Trudeau était entouré, pour ce point de presse, du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, de la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, du ministre de la Justice, David Lametti, et du ministre de la Protection civile, Bill Blair.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a salué vendredi les conclusions du rapport présenté plus tôt dans la journée par le commissaire Paul Rouleau, qui a affirmé qu’il était justifié pour le gouvernement fédéral d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence pour mettre fin à la crise du « convoi de la liberté », l'hiver dernier. Des leçons doivent être tirées pour tout gouvernement actuel ou à venir, a dit M. Trudeau.
On faisait effectivement face à une urgence nationale
et on était en voie de perdre la maîtrise de la situation, a ajouté le premier ministre.
Dans son volumineux rapport déposé au Parlement fédéral, qui comprend plus de 56 recommandations, le juge Rouleau a affirmé que des renseignements crédibles et convaincants permettaient de croire raisonnablement que la définition de menaces envers la sécurité du Canada était respectée
.
Il a toutefois souligné un échec du fédéralisme
, affirmant qu’une plus grande collaboration à l’échelle politique dès le début aurait pu aider à résoudre les problèmes de communication, de compétence et de ressources qui ont entravé les premières réactions aux manifestations
.
Il y a eu des échecs, c’est malheureux, mais on s’est retrouvés acculés au pied du mur. Pour assurer la sécurité, selon notre lecture de la situation, il nous fallait agir et M. Rouleau nous donne raison.
Le premier ministre, qui a reconnu le droit de tous les Canadiens à manifester, a toutefois souligné qu’il était nécessaire d’invoquer cette loi
d’exception.

Des camions sont restés stationnés à l'angle des rues Metcalfe et Slater au centre-ville d'Ottawa, le 2 février 2022. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Christian Milette
La déclaration de l'état d'urgence accordait des pouvoirs extraordinaires aux gouvernements, à la police et aux institutions financières pour limiter les droits des manifestants à la liberté de réunion, geler les comptes bancaires et obliger les entreprises privées à collaborer avec les autorités, le tout dans le but de mettre un terme aux manifestations.
Cette loi – adoptée en 1988 pour succéder à la Loi sur les mesures de guerre – prévoit notamment qu’une enquête publique doit a posteriori se pencher sur les circonstances ayant mené les autorités à prendre une telle décision.
Soyons clairs, on ne voulait absolument pas invoquer la Loi sur les mesures d’urgence, c’est un recours de dernière instance, mais il y avait un risque réel de violence.
M. Trudeau a également concédé qu’il ne faut pas prendre à la légère
cette loi. Depuis le début, notre gouvernement était conscient que c’était une décision responsable et on savait qu’il y aurait une commission d’enquête pour assurer la transparence
, a dit le premier ministre, affirmant que son gouvernement va émettre une réaction aux recommandations de la commission
d’ici un an.
On est tous d’accord qu’on n’aurait jamais dû en arriver là, et on est tous d’accord qu’il y a des leçons importantes à tirer pour toutes les personnes impliquées, les agences de l’application de la loi, les agences gouvernementales, tout comme les élus.

La police d'Ottawa face à des manifestants, dont certains campent dans leurs camions près de la colline du Parlement depuis des semaines, le 19 février 2022.
Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui
M. Trudeau a aussi dénoncé les barrages des manifestants qui ont porté atteinte à notre économie et mis en danger la sécurité publique
. Selon lui, 300 millions de dollars de marchandises transitent entre Windsor et Détroit. [...] Le fait de bloquer le pont Ambassador était tout simplement inacceptable.
Ce barrage mettait en péril le commerce avec les États-Unis, les chaînes d’approvisionnement essentielles et l’économie canadienne
, a-t-il ajouté, rappelant que des armes à feu avaient été trouvées au barrage frontalier de Coutts, en Alberta.
Trudeau « divise les Canadiens », accusent les conservateurs
C’est d’ailleurs de l’Alberta que le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a tenu un point de presse dans lequel il a tiré à boulets rouges sur Justin Trudeau, l’accusant d’avoir créé la crise
des camionneurs à Ottawa en divisant les Canadiens
sur différents enjeux, notamment celui entourant la vaccination contre la COVID-19.
C’est lui qui a causé le problème des manifestations, un problème qui n’était pas nécessaire. Les insultes que Justin Trudeau a faites à la population ont servi à énergiser les manifestants, à durcir leur détermination et à les rendre encore plus aigres envers les autorités gouvernementales.
C’est le rapport qui le dit
, a assuré le chef de l’opposition officielle fédérale, affirmant que s’il gouvernait le pays, il adopterait une autre approche
pour unir
les Canadiens qui souffrent
.

Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur du Canada
Photo : Radio-Canada
Je vais écouter leurs histoires et essayer de comprendre leurs peines. Au lieu d’attaquer les gens qui souffrent, pourquoi ne pas nous concentrer sur leurs problèmes?
s’est demandé M. Poilievre.
Il a par ailleurs affirmé que, s’il avait été à la place du premier ministre libéral lors de la crise sanitaire, il aurait écouté toutes les voix
et aurait autorisé le maximum de libertés personnelles dans les choix sur le plan de la santé
. C’est comme ça qu’on peut éviter ce genre de crise
, a-t-il ajouté.
Il y avait d’autres solutions
, selon le Bloc québécois
Réagissant au même rapport, le Bloc québécois a estimé vendredi que le recours à la Loi sur les mesures d’urgence n’était pas nécessairement la bonne décision,
contrairement aux conclusions du juge Rouleau.
Devant les journalistes à Ottawa, la leader parlementaire adjointe du Bloc, Christine Normandin, a affirmé que d’autres choses auraient pu être faites pour régler la situation
.
La loi a peut-être facilité [le règlement de la crise] mais ce n’était pas nécessaire
, a-t-elle dit. Le gouvernement Trudeau a justifié le recours à la loi par le gel des actifs, alors qu’il y avait d’autres solutions
.
On maintient que ce n’était pas justifié [...] ce n’est pas une loi qu’on doit prendre à la légère. Dans ce contexte-là, je pense qu’on aurait pu au moins évaluer d’autres options et faire preuve de beaucoup plus de transparence.
Une feuille de route pour l'avenir, selon le NPD
Le Nouveau Parti démocratique, qui avait entériné, aux Communes, la décision du gouvernement Trudeau d'invoquer la Loi sur les mesures d'urgence, a insisté vendredi sur les erreurs des forces policières mentionnées par le juge Rouleau.
Le rapport indique clairement que cette situation et la réaction de tous les niveaux de gouvernement et de police étaient inacceptables
, a soutenu le chef du parti, Jagmeet Singh, par communiqué. Il a ajouté que les recommandations mises de l'avant doivent servir de feuille de route pour améliorer les services de police et les réponses du gouvernement aux crises
.
La société civile avait aussi son mot à dire sur le rapport Rouleau, notamment l’Association canadienne des libertés civiles, qui a critiqué le recours à cette loi d’exception.
Le gouvernement fédéral s’est octroyé les pouvoirs pour légiférer ou agir sans aucune contrainte [...] sans transparence, consultations ou débats
, a dit la directrice générale de l’organisation, Noa Mendelsohn Aviv, en conférence de presse.
C’est une suspension du processus démocratique. C’est peut-être nécessaire dans des cas rares, mais ce n’était pas justifié l’hiver dernier et c’est un pouvoir dangereux pour tout gouvernement actuel ou à venir
, a-t-elle ajouté.