L’adolescente d’Odanak devenue gestionnaire dans le réseau de la santé

Dannielle Philibert est abénakise, membre de la communauté d’Odanak
Photo : Radio-Canada / Guylain Côté
Dannielle Philibert est une abénakise de la communauté d’Odanak. Entre la petite fille née aux États-Unis et la gestionnaire dans le domaine de la santé qu’elle est devenue, il y a eu un parcours semé d’embûches. Peu de gens auraient parié en faveur de celle qui est, aujourd’hui, chef du département des soins intensifs et soins coronariens du Centre hospitalier affilié universitaire de Trois-Rivières (CHAUR).
Nous sommes au quatrième étage du CHAUR
. Au fond complètement, à gauche, se trouve le bureau de la chef de service des soins intensifs et soins coronariens. Sa porte est grande ouverte. Sur son bureau, un plat de bonbons, une petite douceur pour ses employés. Sur les murs, toutes sortes de papiers avec parfois des bons coups d’employés, parfois des messages inspirants. Une toile offerte en cadeau par sa maman est également bien en vue. On peut y voir une infirmière au regard déterminé, exactement le même regard que la femme que nous avons devant nous.Elle est née au États-Unis d’un père de Québec et d’une mère abénakise. Elle a 15 ans quand sa famille décide de déménager et de revenir habiter dans la communauté. Son parcours scolaire s’arrête à l’adolescence. La barrière de la langue est difficile à surmonter. Arriver des États-Unis, unilingue anglophone, et intégrer une culture qu’elle n’avait jamais connue est un obstacle de taille.
« Être une adolescente de 15 ans, qui arrive des États-Unis, en pleine période d’adaptation par rapport à la loi 101, ce n’était pas évident. »
Elle devient maman et s’implique dans sa communauté. Plusieurs années passent, mais son rêve demeure bien ancré. Elle veut depuis toujours devenir infirmière. J’ai toujours eu ça en dedans de moi, le désir de prendre soin des gens.
C’est donc avec une bonne dose de courage et d’humilité qu’elle se lance à l’âge de 35 ans pour terminer son secondaire, puis faire ses études en soins infirmiers.
Par la suite, elle est embauchée par le CIUSSS MCQ
à l’urgence de l'hôpital de Nicolet. Elle passera 9 ans à y travailler avant d’avoir le poste qu’elle occupe aujourd’hui. En tant que gestionnaire pour le CIUSSS MCQ , elle aimerait voir plus de gens des Premières Nations s’investir dans la profession.Et c’est possible. Les communautés ont des ressources pour aider les personnes désirant faire des études. Des programmes d’aide, il y en a. Et le manque de main d'œuvre, particulièrement dans le système de santé, est criant. Donc tout y est pour ceux et celles qui aimeraient suivre les traces de Dannielle Philibert. Elle insiste sur l'importance d'une plus grande représentativité des Premières Nations pour aider à dénouer certaines situations.
Une nuit, un patient autochtone est admis à l’urgence. Il est en crise et les infirmières présentes ont de la difficulté à entrer en contact avec lui.
« Le coordonnateur de l’urgence m’a confié le lendemain matin qu’il avait pensé m'appeler pendant la nuit, pour que je puisse aider grâce à mon expertise. Si on avait plus d’employés des Premières Nations, les gens des communautés se sentiraient peut-être déjà plus en confiance face aux soins de santé. »
En tant que gestionnaire dans le réseau de la santé, elle sent qu’elle peut faire une différence. Au quotidien, elle intègre ses valeurs dans son style de gestion. En discutant avec plusieurs de ses employés, ses qualités de rassembleuse, son humanité et son leadership sont vantés. Par ailleurs, lors de la pandémie, plusieurs employés d’autres départements ont été affectés à travailler aux soins intensifs. L’expérience à tellement été appréciée que plusieurs ont demandé une réaffectation dans le département de Dannielle. Autre preuve de son impact positif au sein de ses différentes équipes de travail qu’elle rencontre chaque semaine. Elle leur raconte des histoires vécues, des histoires directement liées au fait qu’elle est autochtone.
Le CIUSSS MCQ
a implanté une formation obligatoire pour tous les employés afin de favoriser la sécurisation culturelle. Le but de la formation est d’offrir aux établissements de l’aide dans la mise en place de stratégie culturellement sécurisante de soins et de services pour les Premières Nations et les Inuits.Oui, il y a de l’impolitesse, des malaises ou des insultes de la part de certains usagers. Je veux montrer aux membres de mes équipes comment j’ai fait pour passer au travers de ça. Je suis fière de qui je suis. Et c’est ça que je veux montrer à mes équipes. Je suis fière de moi. Pas juste comme gestionnaire, maman ou grand-maman. Je suis fière d’être autochtone.
Et cette fierté, on la ressent très bien. À Odanak, sa communauté, on peut compter environ 500 personnes. L’esprit familial fait partie intégrante de la culture autochtone. Les gens de la communauté se connaissent tous et sont solidaires les uns avec les autres. Cette culture se transporte sur l’étage des soins intensifs du CHAUR
.Dans un corridor menant au département, une mosaïque de photos sur le mur. Des photos qui commémorent certaines situations importantes de la pandémie. Ici, une photo prise lors de la sortie du premier patient hospitalisé dans l’unité COVID. Là, une mère et son fils travaillent sur le même quart de travail. Et plus loin, des gens de l’entretien ménager posent fièrement!
Je voulais que les employés voient aussi du beau pendant la pandémie. C’était important pour moi. C’est eux qui sont sur le terrain, qui travaillent fort auprès des usagers. C’est ma manière de leur rendre hommage.
Elle est devenue gestionnaire du département des soins intensifs et soins coronariens quelques mois avant la pandémie. Elle a dû s'adapter de jour en jour, remettant parfois les plans en question la journée même.
La situation dans le milieu de la santé est loin d’être parfaite. Il y a une grande place pour de l’amélioration. Dannielle Philibert est convaincue de faire partie de la solution. Comme elle le dit : Ce qui est important c’est de sécuriser les gens. Et ça prend plus d’Autochtones qui s'impliquent dans notre système de santé.
En complément :

Entrevue avec Dannielle Philibert et Etienne Rivard
Photo : Radio-Canada / Guylain Côté